
Outre l’Unesco, qui a envoyé vendredi une lettre à la Cour pénale internationale (CPI), les commentaires de désapprobation ont afflué du monde entier vendredi. Le Premier ministre irakien Haider al-Abadi a qualifié ces destructions de «provocations» qui ne demeureront «pas impunies». Le chef de la Ligue arabe a lui décrié «l’un des crimes les plus abominables commis en notre temps contre le patrimoine de l’humanité».
La vidéo mise en ligne jeudi par l’EI montre des activistes de l’EI, en train de faire tomber des statues de leur piédestal avant de les détruire à coups de masse. Dans une autre scène, ils utilisent un perforateur pour défigurer un imposant taureau ailé assyrien, sur un site archéologique de Mossoul, ville contrôlée par les jihadistes depuis l’été. Selon des experts, les pièces dont on voit la destruction dans la vidéo comprennent des originaux, des reconstitutions autour de fragments et des copies. Beaucoup proviennent des ères assyriennes et parthiennes, datant de plusieurs siècles avant l’ère chrétienne.
L’instance représentant l’islam auprès des autorités égyptiennes, Dar al-Ifta, a estimé que la destruction par l’EI de trésors antiques révélait leur «ignorance de l’islam», une religion qui «encourage et ordonne» la préservation du patrimoine.
Le président français François Hollande a lui accusé les jihadistes de vouloir «détruire tout ce qui est humanité» alors que le musée du Louvre à Paris a dénoncé des destructions «barbares». L’Institut du monde arabe à Paris a aussi fait part de son indignation. «Leur modèle, c’est le fascisme hitlérien qui s’est employé à brûler les livres et à organiser des cérémonies d’autodafés», s’est insurgé dans un communiqué son président, l’ancien ministre français de la Culture Jack Lang.
Un autre joyau archéologique visé?
Si, parmi les statues détruites figurent des répliques d’oeuvres mises en sécurité depuis longtemps dans des musées occidentaux, certaines étaient uniques, dont le colossal taureau ailé assyrien. Après l’avoir réduit en miettes, les jihadistes auraient lancé aux gardiens du musée que la ville de Nimroud, joyau archéologique à une centaine de km plus au sud, était leur prochaine cible.
«C’est l’une des plus importantes capitales assyriennes, on y trouve des bas-reliefs et des taureaux ailés… Cela serait un véritable désastre», se désole Abdelamir Hamdani, un archéologue irakien de l’Université Stony Brook de New York, joint au téléphone par l’AFP.
«Ils sont capables de tout»
«Je crains qu’ils prévoient plus de destructions», abonde Ihsan Fethi, un spécialiste du patrimoine irakien, basé en Jordanie. «Ils sont capables de tout, de dire que les temples de Hatra sont païens et de les faire sauter», explique-t-il, en référence à une ville inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco, et située au sud de Mossoul.
Mais protéger ces sites -Nimroud, Hatra et tous ceux situés dans les territoires conquis par l’EI- est une tâche presque impossible, estime Mounir Bouchnaki, directeur du Centre régional arabe pour le patrimoine mondial, basé à Bahreïn. «Si vous n’avez pas des gens sur le terrain, c’est très difficile», dit-il.
Avancée des Kurdes
Sur le terrain, des combattants kurdes syriens se sont emparés vendredi des faubourgs sud et est de la ville de Tall Hamis, un fief du groupe EI dans la province de Hassaké, au nord-est de la Syrie.
Selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH), une ONG proche de l’opposition, des miliciens des Unités de protection du peuple kurde (YPG) ont conquis des parties de la ville après six jours de combats contre le groupe djihadiste.
Durant cette période, les combattants kurdes se sont emparés de 103 villages et hameaux de la région. Quelque 175 djihadistes auraient été tués dans ces combats, contre une trentaine de soldats kurdes, selon l’OSDH.
Accord de l’opposition syrienne
Parallèlement, les deux principales formations de l’opposition syrienne, la Coalition nationale de l’opposition en exil et le Comité de coordination nationale pour les forces du changement démocratique (CCND, toléré par le régime), ont dit vendredi avoir trouvé un accord sur l’ébauche d’une feuille de route afin de mettre fin au conflit.
Ce document «spécifie que le premier objectif des négociations avec le régime d’Assad est d’établir un système pluraliste, démocratique et civil qui assure des droits et des devoirs égaux à tous les Syriens», a précisé la Coalition dans un communiqué.
L’avenir de Bachar al-Assad dans une solution politique divise toutefois les deux blocs. Si la Coalition veut son départ pur et simple, le CCND a une position plus souple. «Le régime fait partie de la solution puisqu’il fait partie du problème.»
Former les rebelles
Dans ce contexte, le programme de formation et d’équipement des opposants modérés au régime de Damas débutera dimanche. Après plusieurs mois de difficiles tractations, Washington et Ankara ont signé un accord prévoyant l’entraînement, sur une base turque, de rebelles modérés, et la fourniture de matériel militaire.
Le gouvernement américain espère que les premiers combattants formés seront opérationnels d’ici la fin de l’année, selon le Pentagone. Plus de 5000 combattants syriens doivent bénéficier du programme dès sa première année.
(ats/afp)