«Jihadi John», De jeune Londonien ordinaire à bourreau de l’EI

 

Les témoignages sur Mohammed Emwazi alias «Jihadi John»,bourreau du groupe Etat Islamique (EI), retracent l’itinéraire d’un jeune Londonien d’origine koweïtienne sans problème, fan de football et de jeux vidéo, jusqu’à sa radicalisation pour devenir un tueur décrit comme «froid, sadique et impitoyable». «Je veux devenir joueur de football et marquer des buts», expliquait à 10 ans Mohammed Emwazi, sur une fiche de renseignements scolaires publiée par le Sun.

Le fait que Mohammed Emwazi, bourreau du groupe Etat Islamique (EI), était dans le collimateur des services britanniques depuis six ans, a soulevé vendredi de nouveau la question de la capacité des autorités occidentales à répondre à la menace posée par les extrémistes «de l’intérieur». Le MI5 et la police ont été en contact au moins une douzaine de fois depuis 2009 avec celui qui a été surnommé «jihadi John», avant qu’il ne réussite à rejoindre la Syrie en 2012, soulignait vendredi le Daily Telegraph, dénonçant des «erreurs stupides».

Les services britanniques ont même tenté d’en faire une taupe après l’avoir intercepté en 2009 en Tanzanie, soupçonné de vouloir rejoindre le groupe terroriste des shebab somaliens. Des avances repoussées par Emwazi. En juin 2010, il a été arrêté par des officiers du contre-terrorisme alors qu’il s’apprêtait à partir au Koweit et a été placé sur une liste de personnes susceptibles de commettre un acte terroriste. Il lui est alors interdit de quitter le pays. Face aux critiques, le gouvernement britannique a défendu l’action des services de renseignement et de police qui «font un excellent travail au jour le jour».

Le journal dévoile aussi une photo de classe où il apparaît souriant, assis en tailleur, uniforme rouge et col blanc, au milieu de ses camarades. «L’aspect peut-être le plus saisissant dans le parcours de Jihadi John, l’homme le plus recherché du monde, c’est à quel point il peut être ordinaire» dans sa jeunesse, souligne le Daily Telegraph à propos de cet homme présenté comme étant le bourreau masqué apparu dans des vidéos de l’EI de décapitations d’otages.

«Un petit Londonien typique»

Emwazi est né au Koweït en 1988. Ses parents, Jasem et Ghaneya, s’installent dans la capitale britannique en 1993 après la première guerre du Golfe, il a alors six ans, d’après les médias. A Londres, la famille Emwazi, «paisible» et «appréciée» selon un ancien voisin, coule une existence tranquille dans l’ouest de la ville. Son père dirige une entreprise de taxi, sa mère est femme au foyer. Le jeune Emwazi est lui «un petit Londonien typique», qui tape le cuir avec ses copains, et ne semble «guère porté sur la religion à cette époque», décrit un ancien camarade, cité par le Telegraph.

Bon élève, il rejoint l’université de Westminster en 2006 pour suivre des études d’informatique, et conserve, en tout cas dans un premier temps, la réputation d’un jeune homme «poli», «avec un penchant pour les vêtements à la mode». Mais son comportement évolue, signe, peut-être, d’un début de radicalisation: il se laisse pousser la barbe, évite les contacts visuels trop appuyés avec les femmes.

2009: année charnière

2009 semble être une année charnière pour Emwazi, qui commence à faire l’objet d’une attention particulière du service de renseignements intérieurs britannique (MI5). Diplômé, il part pour la Tanzanie avec deux amis, prétextant un projet de safari. Mais à Dar es Salaam, il est brièvement emprisonné, les autorités locales ayant semble-t-il reçu des instructions de Londres, qui craignait qu’il ne tente de rejoindre la Somalie.

Il est ensuite renvoyé vers l’aéroport de Schiphol, aux Pays-Bas. Selon son propre récit, livré par Cage, une organisation de défense des droits des musulmans basée à Londres, il est alors cuisiné par le MI5, qui aurait tenté de le recruter. Interrogé par un agent secret sur la guerre en Afghanistan, il répond: «Ce que j’en pense? C’est qu’on voit des innocents se faire tuer tous les jours aux informations». Emwazi se rend ensuite au Koweït, son pays d’origine, pour vivre dans la famille de sa fiancée, puis retourne à Londres en mai 2010.

Le renseignement britannique est alors convaincu qu’il y a quelque chose de louche chez Emwazi. Selon des documents judiciaires évoqués dans les médias britanniques, le jeune homme est lié aux «London Boys», un réseau extrémiste proche des shebab, la branche d’Al-Qaïda en Somalie. Emwazi fréquente aussi à Londres Bilal al-Berjawi, un combattant des shebab qui sera plus tard tué dans une frappe de drone en janvier 2012.

La suite de son parcours au Royaume-Uni est plus floue. Début 2012, il cherche à quitter le pays, mais les autorités britanniques l’en empêchent, avant qu’il ne disparaisse. En 2013, Emwazi est en Syrie. Il a définitivement basculé, et plusieurs témoignages le décrivent comme un tueur de sang froid. «Au cours des deux dernières années, il a gravi les rangs de l’organisation (Etat islamique) pour jouer un rôle important au sein des combattants étrangers», affirme The Guardian.

Comme nombre de jihadistes, il change de nom pour devenir «Abu Abdullah al-Britani», et se fait remarquer à Raqa, fief de l’EI en Syrie. «Je me souviens l’avoir vu à plusieurs reprises», raconte un ancien membre de l’EI cité par le Guardian. «Pour nous, c’était l’Anglais qui tuait des gens». «Un type froid, sadique et impitoyable», décrit également un ancien otage.

(afp)