Crise ukrainienne: Le calvaire de la soldate Savtchenko

 

A l’heure des obsèques de l’opposant russe Boris Nemtsov, ardent défenseur de la cause ukrainienne assassiné vendredi soir à Moscou, une autre opposante à la politique de Vladimir Poutine, la pilote de l’armée ukrainienne Nadia Savtchenko, se meurt en silence dans les geôles du Kremlin.

Détenue depuis juillet et en grève de la faim depuis décembre, la jeune femme de 33 ans est accusée par Moscou d’avoir participé à l’assassinat de deux journalistes russes dans l’est de l’Ukraine. Elle encourt jusqu’à 20 ans de prison.

Le 17 juin, le lieutenant Savtchenko, alors en permission, se trouvait dans l’est de l’Ukraine, à Louhansk, avec le bataillon de volontaires Aïdar – «Elle voulait voir de ses propres yeux ce qui se passait», selon son avocat – lorsque les deux reporters de la télévision publique russe ont été fauchés par des tirs de mortier. Capturée le même jour par des séparatistes, elle a été remise trois semaines plus tard aux autorités russes, qui l’accusent aujourd’hui d’avoir fourni la position des journalistes aux tireurs ukrainiens. Or, à l’heure de la mort des reporters, Nadia Savtchenko avait déjà été enlevée par les rebelles, affirment ses avocats.

Depuis le début de cette affaire, les circonstances de cette arrestation et de l’arrivée de la jeune femme en Russie ne sont pas claires. Selon le comité d’enquête de la Fédération de Russie, Savtchenko, venue se battre contre les séparatistes après avoir aidé à cibler les reporters russes, aurait passé la frontière sans papiers d’identité, déguisée en réfugiée. De son côté, la jeune femme, qui clame son innocence, affirme avoir été capturée dans le Donbass puis emmenée en Russie pour être livrée aux autorités avant d’être transférée à Moscou.

Devenue l’emblème de la lutte contre l’envahisseur russe en Ukraine, la jeune femme a été placée en tête de liste du parti Batkivchtchina (Patrie) de l’ex-première ministre Ioulia Timochenko aux législatives d’octobre et élue députée à la Rada, le parlement ukrainien. Au même moment, à Moscou, la soldate Savtchenko, détenue depuis trois mois dans la prison pour femmes No 6 de Petchatniki, était internée à l’Institut Serbsky, un hôpital psychiatrique tristement célèbre pour avoir «traité» un grand nombre de dissidents soviétiques.

En grève de la faim depuis décembre, l’état de santé de la jeune femme ne cesse de se détériorer. «Je poursuivrai ma grève jusqu’à mon retour en Ukraine ou jusqu’à mon dernier jour en Russie», écrivait alors Nadia Savtchenko. Bruxelles et Kiev espéraient sa libération dans le cadre des accords de Minsk 2. En vain.

(24 heures)