Droits de l’homme: Le plus persécuté des peuples s’expose sur la plaine de Plainpalais

 

«Regardez ces passants qui s’arrêtent, captivés par une image. Certains consacrent quinze ou vingt minutes de leur temps à découvrir le sort misérable des Rohingyas. Une éternité, à l’ère du smartphone! J’adore cet endroit, la plaine de Plainpalais», glisse le photographe Greg Constantine.

Exposées en plein air, à mi-chemin entre Uni-Mail et Uni-Bastions, les 32 images grand format du reporter étasunien réussissent l’exploit de tirer de l’oubli «le peuple le plus persécuté du monde»: les Rohingyas, musulmans de Birmanie auxquels le pouvoir refuse la nationalité. «Gens de nulle part» considérés comme des migrants illégaux, ils sont «expulsés de leurs maisons et leurs terres, déportés hors des villes, parqués dans des ghettos, privés de papiers d’identité, de certificats de naissance ou même de droit au mariage», explique le reporter.

Nettoyage ethnique

«C’est inouï! Imaginez 1,3 million de Rohingyas vivant dans l’Etat rakhine de Birmanie, frontalier du Bangladesh, mais privés de citoyenneté depuis qu’une loi de 1982 établit une liste de 135 groupes ethniques reconnus, dont ils sont exclus.» Ce peuple avait pourtant des députés au Parlement élu suite à l’Indépendance birmane. Aujourd’hui, ces gens sont traités comme des Bangladais en situation irrégulière.

«Aucune autre ethnie en Asie n’est à ce point victime de nettoyage ethnique et de crimes contre l’humanité», martèle Greg Constantine, qui depuis 9 ans recueille des images de ceux qui ont pris la fuite. «Le nord de l’Etat rakhine, où les pires violences sont perpétrées, est complètement verrouillé. Je suis donc allé huit fois parmi les Rohingyas survivant dans des camps de fortune au Bangladesh (qui les rejette aussi) et quatre fois dans des zones proches en Birmanie.»

Les moines de la haine

A Sittwe, capitale de la côte rakhine, onze des douze quartiers musulmans ont été rasés. «En novembre dernier, j’y ai vu entre 2000 et 3000 personnes participer à une grande manifestation de haine contre les Rohingyas, menée par des moines bouddhistes.»

Pas étonnant que ces musulmans cherchent à fuir. Mais ailleurs, ce n’est pas mieux. «Au Bangladesh, en Thaïlande, en Malaisie ou en Indonésie, ils finissent dans les réseaux de travail forcé, d’esclavage sexuel, de trafic d’êtres humains… quand ils ne meurent pas noyés en faisant la traversée», s’indigne le reporter.

Un appel aux Nations Unies

Si les images de Greg Constantine ont déjà fait le tour du monde, exposées à la London School of Economics, au Holocaust Memorial Museum de Washington ou encore à l’Université nationale australienne de Canberra, c’est la première fois qu’elles sont vraiment montrées en plein air dans un centre-ville. Elles seront visibles à Genève jusqu’au dimanche 29 mars, donc aussi au moment précis où le Conseil des droits de l’homme de l’ONU se pencherait sur la situation de la Birmanie les 16 et 17 mars.

Pour qu’au Palais des Nations on n’oublie pas ces visages d’enfants forcés de travailler. Privés d’école. Privés de tout.

(TDG)