Environnement: L’Al Gore chinoise fait un tabac sur Internet

 

Depuis sa mise en ligne samedi sur Youku.com – l’équivalent chinois de YouTube – le film «Under the Dome: Investigating China’s Haze» (Sous le dôme: enquête sur le brouillard chinois), a été vu 41 millions de fois et a généré plus de 46 000 commentaires. Un succès aux dimensions de la Chine. Avec une bonne dose de courage et un million de yuans en poche (environ 150 000 francs suisses), Chai Jing, une vedette de la télévision chinoise, a réalisé un documentaire-choc sur la pollution en Chine.

Son exposé mêle habilement storytelling à l’américaine, reportages de terrain et interviews d’experts. Beaucoup comparent désormais la jeune maman de 39 ans à Al Gore, ancien vice-président américain, auteur en 2006 du film «An Inconvenient Truth»(Une vérité qui dérange) sur le réchauffement climatique, qui avait fait date dans la prise de conscience écologique mondiale. Comme l’Américain, Chai Jing a choisi une scénographie sobre.

Debout sur une estrade, plongée dans le noir, la journaliste, en jean et blouse blanche, déroule son argumentaire devant un public tenu en haleine. Le film commence par des images de la fameuse «airpocalypse» de janvier 2013. Pékin, où Chai Jing vit depuis dix-sept ans, est alors plongé dans un smog jaunâtre vingt-cinq jours durant.

Lois strictes mais jamais appliquées, surconsommation de charbon, collusion entre le gouvernement et les industries polluantes: l’enquête s’attaque aux causes du problème avant de proposer, en troisième partie, des pistes d’action. C’est un événement personnel qui a poussé Chai Jing à produire ce film en utilisant une partie des droits d’auteur touchés, en 2013, pour son autobiographie.

La même année, elle avait donné naissance aux Etats-Unis à une petite fille. Mais le nourrisson souffrait d’une tumeur bénigne et a dû être opéré. A son retour à Pékin, la Chinoise a quitté son poste à CCTV, une chaîne de l’audiovisuel public chinois où elle travaillait depuis quatorze ans.«Avant, je ne faisais pas attention au smog. J’allais partout et sans masque de protection, témoigne la reporter. Maintenant, la première chose que je fais chaque matin en me levant, c’est vérifier le taux de pollution sur mon téléphone portable.»

Ce n’est bien sûr pas la première fois qu’une journaliste chinoise s’attaque à ce sujet sensible de l’environnement. Mais le fait que le documentaire ne soit pas encore censuré – et cela alors même que le président chinois, Xi Jinping, verrouille d’une main de fer des pans entiers de la société civile – est en revanche complètement inattendu.

En pro des médias, l’animatrice philanthrope avait choisi une fenêtre de tir garantissant un maximum d’impact. Au début de mars a en effet lieu la rentrée politique en Chine, avec l’ouverture demain à Pékin de la session annuelle du Congrès national du peuple, le parlement chinois. Une rentrée parlementaire qui sera, grâce à Chai Jing, très probablement dominée cette année par les questions d’environnement.

(TDG)