Arménie/Azerbaïdjan: Les snipers menacent la paix à la frontière

 

«Ce brouillard, c’est notre salut. Quand la visibilité est à zéro, on sait que les Azéris ne tireront pas», explique Khanoum, une vieille femme arménienne qui, comme tous les habitants de Movses, vit dans la peur constante des snipers azéris.

Du côté azéri de la frontière, la peur est tout autant omniprésente. «Les rues sont désertes pendant la journée», raconte Ismaïl Nabiyev, qui vit dans le village azeri d’Alibeyli. «Nous ne pouvons pas organiser de mariage ou de funérailles. Dès qu’ils nous voient nous rassembler, les Arméniens nous tirent dessus.»

La guerre entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan pour le contrôle du Nagorny-Karabakh, qui a fait 30’000 morts et des centaines de milliers de réfugiés entre 1988 et 1994, est officiellement terminée.

En réalité, elle n’a jamais pris fin pour ceux vivant le long de la frontière entre les deux pays, comme les villages de Movses et Alibeyli, situés à quelque 200 km du Nagorny-Karabakh, une région d’Azerbaïdjan, à majorité arménienne. L’année dernière, plus de 70 personnes ont été tuées des deux côtés dans une série d’accrochages, provoquant la crainte d’une reprise de ce conflit gelé.

Cauchemar des deux côtés

«Nos maisons sont la cible de tirs incessants de la part des Arméniens», affirme Khatira Aliyeva, une jeune mère de deux enfants, blessée en février lorsque sa demeure a été visée par des tirs de snipers de l’autre côté de la frontière.

«J’ai peur de laisser mes enfants aller à l’école. Le matin, nous courons pour y aller, de peur que les Arméniens nous remarquent et commencent à tirer», confie-t-elle. «Après l’école, les enfants restent à la maison, c’est trop dangereux de les laisser jouer dehors.»

Le cauchemar de cette jeune femme se répète à l’identique de l’autre côté de la frontière, à Movses.

«Les Azéris tirent jour et nuit, sur nos maisons, sur de simples citoyens, des gens qui travaillent dans leurs vergers», raconte Soudarik Aperian, une vieille dame de 82 ans. «J’ai peur d’allumer les lumières la nuit. Dès qu’ils voient de la lumière à nos fenêtres, ils commencent à tirer», affirme-t-elle.

Revendications incessantes

Malgré des décennies de négociations via une médiation internationale, les deux camps n’ont toujours pas signé d’accord de paix final, depuis la conclusion d’un cessez-le-feu en 1994.

Pour la communauté internationale, le Nagorny-Karabakh fait partie de l’Azerbaïdjan. Autoproclamée «République du Nagorny-Karabakh», la région est soutenue financièrement et militairement par Erevan.

Elle a été désertée par la communauté azérie qui y vivait avant la guerre et qui représentait environ 25% de la population totale. Les 145’000 habitants du Nagorny Karabakh sont aujourd’hui presque tous arméniens.

Bakou continue de revendiquer la région: en février, son président Ilham Aliev a affirmé que la paix sera menacée tant que l’Arménie poursuivra son «occupation du Nagorny-Karabakh» et de sept autres régions azéries adjacentes, soit au total 20% du pays.

Artillerie de gros calibre

En janvier, le président arménien Serge Sarkissian avait menacé de répondre à toute attaque des forces azéries. «En cas de concentration massive et menaçante à notre frontière ou au bord de la ligne de démarcation, nous nous réservons le droit de procéder à une frappe préventive», avait-il lancé à son voisin riche en ressources pétrolières.

Le mois de janvier a été particulièrement meurtrier: au moins 12 personnes ont été tuées et 18 blessées dans des tirs à la frontière, provoquant l’inquiétude de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE).

«Depuis l’été 2014, nous assistons à une escalade sans précédent», a indiqué Mubariz Ahmedoglu, directeur du Centre azéri des Innovations politiques. «L’Arménie et l’Azerbaïdjan ont déployé de l’artillerie de gros calibre le long de la ligne de front.»

A Erevan, l’expert arménien Sergueï Minassian, du think-tank Caucasus Institute, livre la même analyse: «Au cours des vingt dernières années, la situation sur le terrain n’a jamais été aussi tendue et dangereuse qu’aujourd’hui.»

(ats)