L’ouverture irréversible de la gouvernance du secteur minier et pétrolier Par Moussa BA

 

Naguère exclusivement réservé à son  ministère de tutelle et à la Présidence, la  gouvernance du secteur minier et pétrolier est inexorablement en voie de s’ouvrir à une variété d’acteurs institutionnels et de la société civile.

 Cette ouverture coïncide fort heureusement avec l’importance accrue du secteur dans les perspectives économiques du Sénégal. A cet égard, le secteur figure parmi les six secteurs prioritaires retenus dans le programme Sénégal émergeant (PSE) pour porter le taux de croissance de l’économie sénégalaise à 7% sur les dix prochaines années avec un objectif spécifique de promouvoir un développement socio-économique durable en sortant le secteur de son caractère d’économie d’enclave pour en faire un levier de développement.

Cette ouverture coïncide également avec  la candidature du Sénégal au processus ITIE dont l’intérêt ne se limite plus à un simple exercice de vérification comptable pour évaluer les revenus réels que l’Etat perçoit du secteur minier mais englobe tous les maillons de la chaine de valeur du processus minier comprenant notamment l’octroi des permis aux opérateurs du secteur, l’exploitation, la collecte des revenus et leur allocation, la fermeture et la réhabilitation des sites après exploitation.

L’ouverture du secteur se fait enfin à un moment crucial de révision du code minier de 2003 avec une volonté affichée des autorités de passer d’un code minier attractif a un code gagnant- gagnant avec les investisseurs mais également, on l’espère,  avec  les communautés impactées dont les droits ont été souvent mésestimés voire ignorés par le passé.

En effet de nos jours des acteurs divers s’organisent  pour apporter leur concours pour une gestion transparente, profitable et équitable du secteur minier, pétrolier et gazier contribuant à la transformation du développement économique et social du pays conformément a la vision minière africaine définie par l’Union Africaine.

 Il en est ainsi d’abord de la société civile qui, depuis 2003 grâce à l’ONG la Lumière et plus tard au Forum Civil, tous les deux soutenus par l’ONG Internationale OXFAM, s’est impliquée pour le respect des droits des communautés impactées par les opérations minières et pour une plus grande transparence dans le secteur. Ces actions pionnières ont, par la suite, débouché sur la création d’une vaste coalition regroupant diverses autres organisations de la société civile aux domaines d’interventions complémentaires pour davantage faire face à la complexité du secteur minier. A ce propos il importe de rappeler que le secteur minier recoupe  une pluralité de problématiques sensibles liées à l’analyse des couts d’opportunité (souvent occultée avant l’octroi de permis), a l’analyse et compréhension des contrats spécifiques miniers, au foncier, aux impacts environnementaux, sociaux et sanitaires, à l’eau et a l’énergie si rares et précieux sous nos cieux, a la fiscalité etc.

Cette dynamique de vigie de la société civile, longtemps perçue négativement, a fini par s’imposer et  à se présenter en partenaires audibles et crédibles des autorités publiques dont le mérite est de comprendre que la gestion inclusive des affaires publiques est, en ce XXIe siècle, irréversible.

La perspicacité de la société civile dans le suivi des opérations minières a entrainé d’autres acteurs institutionnels à s’impliquer pour rompre davantage avec la gestion centralisée et exclusive du secteur. Il en est ainsi des parlementaires et des élus locaux qui ont respectivement mis en place un réseau pour la gouvernance des ressources minérales.

 Ainsi concernant les parlementaires qui vont, sous peu, être appelés à examiner le nouveau code minier en révision on ne peut que se réjouir de leur mobilisation pour renforcer leurs capacités afin de mieux comprendre les enjeux liés au secteur. Déjà avant  l’examen du code, ces parlementaires se sont souvent prononcés sur le secteur en s’interrogeant  notamment sur la valeur ajoutée réelle de l’exploitation des ressources minières au regard des faibles revenus jusque la collectées comparés aux impacts souvent négatifs qu’ils ont eu à constater auprès des communautés impactées.

Pour les élus locaux, les compétences qui leur sont transférées, en particulier le foncier et l’environnement,  leur confèrent un droit de regard sur le secteur minier en croissance.  Aujourd’hui ils se plaignent de subir tous les inconvénients  de l’exploitation minière sans en tirer profit. Même les taxes superficiaires ne leur profitent pas. Tandis que le fonds de péréquation qui est censé leur ristourner une partie des revenus miniers engrangés par l’Etat n’est pas effectivement alloué depuis l’annonce de sa mise en place en 2011.

Dans le cadre de sa mission de conseiller de l’Etat en droits humains, le Comité Sénégalais des droits de l’Homme (CSDH) s’est également impliqué  pour mettre en place un observatoire des droits humains dans les zones minières au regard de l’ampleur pris par les plaintes rapportées de violation des droits des communautés vivant dans ces zones.

Enfin il importe de saluer la naissance de la chambre des mines qui sera un interlocuteur important pour impulser une dynamique émulative entre miniers de respect des lois et règlements en cours dans notre pays ainsi que des  principes de l’entreprise et les droits humains définis par les Nations Unies et les bonnes pratiques de développement durable prônés dans les principes du Conseil International des Mines et Métaux (ICMM). Plus particulièrement, il est fortement attendu de la chambre des mines une orientation encourageant ses membres à mettre en œuvre leur responsabilité sociétale (RSE) conformément aux standards préconisés afin de rompre avec les actions sociales ponctuelles sans impact significatif.

L’existence de ces différentes dynamiques institutionnelles et de la société civile ouvre des perspectives intéressantes d’animation par les medias de ‘carrefours d’échanges d’informations’ périodiques permettant davantage aux citoyens sénégalais de comprendre comment leurs ressources minières, pétrolières et gazières sont gouvernées.

Dakar le 8 Mars 2015

Moussa BA, Consultant

Email : bombolyba@yahoo.fr