
Pour Nicolas Sarkozy, qui échafaude sa «feuille de route de l’alternance», la renaissance de sa formation, qui devrait changer de nom lors d’un congrès extraordinaire le 30 mai, passe d’abord par l’opposition frontale au FN.
«Nous ne combattrons pas le FN avec des banderoles, des manifestations ou des concerts avec des chanteurs aux pieds nus, mais par une démonstration claire et rationnelle de ses mensonges», ajoute Brice Hortefeux, bras droit de Nicolas Sarkozy, dans une interview publiée dans «L’Opinion».
Un des derniers sondages, une étude OpinionWay, a quelque peu rassuré l’état-major du parti dans le bras de fer qui s’annonce: l’UMP est créditée de 29% des intentions de vote au premier tour, contre 28% au FN, 21% au PS. La droite UMP-UDI, qui contrôle 41 départements métropolitains, ambitionne d’en diriger les deux tiers grâce au basculement d’une vingtaine de départements.
Sarkozy, dont la fibre «rassembleuse» continue d’en étonner plus d’un au parti, et de susciter des soupçons, juge que les querelles intestines de l’ère Copé ont détourné l’UMP du combat contre le «danger» du Front national. «La seule alternative à la politique folle des socialistes, c’est nous qui l’incarnons», martèle le président de l’UMP à l’approche du premier tour des départementales.
«Marigot malsain»
Sa charge contre le «FNPS», collusion présumée entre le FN et le PS qui a suscité les réserves d’Alain Juppé et François Fillon, a trouvé un écho attendu auprès des militants après la déconvenue de la législative partielle du Doubs. Le second tour PS-FN s’y est soldé par la victoire du candidat socialiste.
«Si le Doubs a une vertu, c’est de montrer à nos électeurs que lorsqu’ils ne votent pas pour nous, qu’ils ne vont pas aux urnes, ils ont à choisir entre le PS, l’abstention, le vote blanc et le FN – un marigot malsain», explique Gérald Darmanin, secrétaire général adjoint chargé des élections.
Pour le politologue Thomas Guénolé, «Nicolas Sarkozy ressert un préjugé auquel les gens de droite croient dur comme fer: que le FN est une fabrication socialiste pour gagner à la déloyale contre la droite. Sauf que c’était vrai dans les années 80.»
Le président de l’UMP, irrité de devoir disputer à Marine Le Pen le rôle de premier opposant, redoute que la vague bleue censée le porter au-dessus de ses adversaires à la primaire ne se brise sur l’écueil FN. Et ce même si le mode de scrutin est très défavorable au parti d’extrême droite.
La stratégie contestée du «ni ni» (ni Front national ni Front républicain) sera mise à l’épreuve dès l’issue du premier tour. Et si l’UMP peut s’attendre à des gains notables, elle risque d’être tributaire de l’arbitrage du FN dans certains départements pour le «troisième tour» de scrutin, l’élection des présidents des conseils départementaux que le FN pourrait rendre ingouvernables en les dépossédant de leur majorité absolue.
Alliance débattue
«La ligne est très claire : ni accord officiel – ou officieux – avec le FN au niveau local, départemental, ou national», rappelle-t-on à l’UMP.
«Nous allons regarder cela de près pour que le soir du premier tour, comme le soir du second, ce soit la légitimité démocratique qui emporte l’exécutif sans aucune espèce d’alliance contre nature», souligne Gérald Darmanin. Nicolas Sarkozy a prévenu que tout candidat tenté par une alliance avec l’extrême droite serait exclu.
Selon une enquête TNS Sofres réalisée en février, 50% des sympathisants UMP sont pourtant pour des alliances locales avec le Front national lors des élections départementales et régionales, soit dix pour cent de plus que lors des municipales de 2014.
Nicolas Sarkozy, plébiscité par les électeurs les plus radicaux, a esquivé le débat de fond sous la formule «FNPS» pour ne pas raviver des fractures persistantes. «Pour ou contre la ‘lepénisation’ de la droite? C’est sur ce sujet-là que va se jouer la primaire UMP», juge Thomas Guénolé.
Avant l’heure de vérité, Nicolas Sarkozy, qui table également sur une victoire aux élections régionales de décembre, entend retrouver dans les urnes l’aura qu’il peine à reconquérir auprès des cadres du parti. Une pré-campagne de petits pas, quasiment contre nature, pour celui qui entend s’imposer comme le candidat «d’en bas» contre celui présumé «d’en haut», son rival Alain Juppé.
(ats)