
Bébés morts-nés puis dissimulés? Déni de grossesses suivi d’infanticides multiples? L’enquête s’annonce «particulièrement lourde» après la découverte de cinq corps de bébés dans une maison du sud-ouest de la France, ce qui semble être la plus grave affaire d’infanticide dans ce pays en cinq ans. Les cinq corps ont été retrouvés dans une maison près de Louchats, une tranquille bourgade de 700 habitants à une cinquantaine de kilomètres au sud de Bordeaux, dans la forêt des Landes, a indiqué à l’AFP une source proche du dossier.
C’est le père, ouvrier agricole de 40 ans, qui a donné l’alerte jeudi matin après avoir découvert chez lui le corps d’un bébé dans un sac isotherme. L’autopsie a révélé que «le bébé de sexe masculin est né viable». «On ne peut pas dire encore si c’était une naissance à terme, et des analyses devront déterminer s’il a vécu après l’accouchement» qui s’est produit mardi soir, a indiqué vendredi lors d’une conférence de presse le procureur de la République adjoint de Bordeaux, Anne Kayanakis. «Il n’est pas mort-né. La question est de savoir s’il a vécu», a-t-elle précisé. «Il faut des investigations complémentaires pour déterminer s’il a respiré après l’accouchement, ce qui peut avoir une conséquence sur la qualification des faits.»
Autopsies samedi
Les autopsies des quatre autres nouveaux-nés, découverts par les gendarmes dans un congélateur lors de perquisitions, seront effectuées samedi. Les époux, qui ont deux filles de 14 et 17 ans, ont immédiatement été placés en garde à vue. Orientée vers l’hôpital de Bordeaux pour des examens, la mère a été ensuite dirigée vers un centre psychiatrique et sa garde à vue, incompatible avec son état de santé, a été pour l’heure levée.
Pour sa part, le père a «fait état de sa surprise» et «manifesté un certain abattement», mais l’enquête n’a pas encore permis de savoir s’il était au courant de cet accouchement et de la présence des quatre autres nouveaux-nés dans le congélateur. Sa garde à vue a été prolongée de 24 heures vendredi matin.
«C’était des gens qui n’avaient pas attiré d’attention sur eux. A priori elle paraît être la mère de ces enfants. Il reste à déterminer les circonstances de leur naissance, de leur décès, de leur dissimulation (…) Des expertises sont aussi nécessaires pour établir la filiation exacte des enfants, nous ne devons écarter aucune donnée», a ajouté le procureur.
«On est tous choqués, c’est un petit village»
A Louchats, le drame suscitait une vive émotion. «Je ne les connaissais pas très bien mais c’étaient des voisins sans histoires, je suis choqué par cette affaire», déclare Michel Olivier, retraité qui habite la maison située en face de celle du couple. «Lui, c’était un garçon charmant, très vaillant». «Elle, on la voyait pas très souvent, je ne l’ai jamais vue enceinte! C’est pour ça que j’ai été surpris», explique-t-il.
«On est tous choqués, c’est un petit village, tout le monde se connaît», explique une villageoise. La famille, qui se compose en outre de deux filles âgées de 14 et 17 ans, n’était pas connue des services judiciaires ni de l’assistance éducative du juge des enfants, a souligné le procureur.
De nombreuses zones d’ombre subsistent dans cette affaire, notamment sur le fait de savoir si la grossesse de la mère, âgée de 35 ans et employée chez un pépiniériste, décrite par beaucoup comme menue et «toute maigrichonne, à peine 50 kg», a pu passer inaperçue. «Je l’ai vue à une fête il y a trois semaines», affirme à l’AFP un proche du père. La femme présentait-elle des signes de grossesse? «Rien, rien du tout!» répond-il, ajoutant: «C’est triste pour elle, c’est surtout elle qui est à plaindre.»
Des précédents
Si elle est confirmée, il s’agirait de la plus grave affaire d’infanticides en France depuis 2010, avec la découverte de huit bébés tués à Villers-au-Tertre (Nord) par leur mère, Dominique Cottrez. Cette aide-soignante attend, en liberté, d’être rejugée. Dominique Cottrez affirme avoir agi parce qu’elle était persuadée que ses enfants étaient nés d’un inceste dont elle avait été victime.
L’affaire de bébés congelés la plus médiatisée avait éclaté en 2006, quand Jean-Louis Courjault, ingénieur expatrié à Séoul, en Corée du Sud, avait découvert les corps de deux nouveaux-nés dans son congélateur. Sa femme, Véronique, écrouée à Tours, avait alors avoué un autre infanticide, en 1999, en Charente-Maritime. Elle a été condamnée à huit ans d’emprisonnement en juin 2009 et libérée en mai 2010.
L’affaire avait mis en lumière un phénomène jusqu’alors peu connu du grand public: le déni de grossesse.
(afp)