
Jamais le virus Ebola n’avait fait autant de morts. Près de 10 300 au Liberia, en Sierra Leone et en Guinée, selon le dernier rapport de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) à Genève. Jamais l’ONG Médecins sans frontières n’avait mis autant de moyens pour lutter contre une épidémie (1300 expatriés, 4000 employés locaux, 63 millions de francs dépensés, 5000 malades pris en charge, plus de 1000 personnels formés). Jamais ses équipes de bénévoles n’avaient été autant éprouvées (un taux de mortalité de 50%, 500 personnels de santé, dont 14 membres de MSF décédés). Et un an après, le nombre de patients augmente à nouveau en Guinée
Une année après l’apparition de la terrible épidémie en Afrique de l’Ouest, MSF publie un rapport intitulé «Poussé au-delà de nos limites», qui dresse un constat très amer. En première ligne, l’ONG a tiré très tôt la sonnette d’alarme, jugeant l’épidémie «hors de contrôle» en juin. Les gouvernements et l’OMS ont accusé MSF de créer la panique et ont minoré la gravité de la crise. L’OMS, dont le siège se trouve à Genève, et ses antennes en Afrique de l’Ouest n’ont pas su organiser, informer et former à la hauteur de l’enjeu, ni déployer les soutiens nécessaires dans les pays touchés. Même si MSF souligne qu’une seule agence ne détient pas l’entière responsabilité des erreurs commises et parle d’une «coalition de l’inaction».
Ce qui est terrible dans ce constat presque clinique du retard dans la prise de conscience et dans la réaction internationale, c’est que des décès auraient sans doute pu être évités. Les personnels de MSF l’ont d’ailleurs vécu sur le terrain, puisqu’au plus fort de l’épidémie, en août, ils ont été contraints de renvoyer des malades. «Cette expérience a été traumatisante pour une organisation de médecins volontaires comme la nôtre», commente le Dr Joanne Liu, présidente de MSF international.
L’ONG estima alors que l’armée était la seule à pouvoir apporter une aide suffisante. Malgré ses réticences éthiques. Mais à son grand désarroi, «l’essentiel de l’aide militaire déployée en octobre et novembre se limita à un support logistique».
MSF note qu’il a fallu attendre que des cas soient déclarés aux Etats-Unis et en Espagne pour que le monde se réveille et que la crise humanitaire des pays pauvres soit traitée pour ce qu’elle est: une menace pour la sécurité internationale. (TDG)