Afrique: Les Nigérians ont élu un ex-dictateur à la présidence

 

Le Nigeria vient de vivre une élection historique: le pays le plus peuplé d’Afrique avec 173 millions d’habitants connaîtra pour la première fois une alternance démocratique à la tête de l’Etat. Le candidat de l’opposition, Muhammadu Buhari, a en effet remporté, par 53,95% des voix, le scrutin présidentiel de ce week-end face au sortant Goodluck Jonathan. Et ce dernier a reconnu sa défaite. Une crise politique et une potentielle flambée de violence sont donc évitées dans cette nation déjà meurtrie par les attaques sanguinaires de Boko Haram.

Les félicitations sont arrivées du monde entier afin de saluer cette bonne nouvelle pour la première économie du continent. Une certaine ironie demeure pourtant: le président élu Muhammadu Buhari a, avant de devenir un acteur majeur de cette transition pacifique et démocratique, participé de plusieurs des nombreux coups d’Etat qui ont jalonné l’histoire du Nigeria. Le général a la retraite, aujourd’hui âgé de 72 ans, a lui même pris le pouvoir par la force en 1983 et a dirigé le pays d’une poigne de fer jusqu’à son renversement par le général Ibrahim Babangida vingt mois plus tard.

Pendant son règne, le dictateur a élevé la discipline et la lutte contre la corruption au rang de culte. Les Nigérians les plus âgés se souviennent ainsi que les fonctionnaires qui arrivaient en retard étaient obligés de faire des sauts de grenouilles, que les voyageurs qui ne restaient pas en ligne en attendant leur transport recevaient des coups de cravache et que ses services ont tenté d’enlever à Londres un ancien ministre pour le ramener au pays caché dans une «valise diplomatique». Les opposants politiques étaient, eux, souvent emprisonnés, à l’image du célèbre musicien Fela Kuti, qui, libéré après la chute de Buhari, le qualifia «d’animal à la peau humaine».

Né dans le nord musulman, au sein d’une fratrie de 23 enfants, l’ancien militaire se présente cependant comme un «converti à la démocratie». Il remporte ainsi par les urnes la présidence lors de sa quatrième tentative, avec pour promesse d’éradiquer la corruption et de combattre Boko Haram.

La lutte contre la secte islamiste ultraviolente constitue, avec le combat contre les inégalités et une meilleure répartition des revenus du pétrole, le principal défi de sa future présidence. Plusieurs pays de la région ont d’ailleurs appelé hier à Genève, devant le Conseil des droits de l’homme de l’ONU, la communauté internationale à les aider contre le mouvement islamiste qui a déjà causé la mort de «plus de 15 000 personnes» depuis 2009.

(24 heures)