Kenya: Sinistre parade des corps à Garissa

 

Les habitants étaient stupéfaits ou en colère.

Le pape François et le Vatican ont haussé le ton en célébrant Pâques, contre «le silence complice» et «l’indifférence» devant la «furie jihadiste» qui frappe les chrétiens.

Il a insisté sur l’importance des disciples femmes de Jésus dans la transmission de la foi, puis baptisé dix catéchumènes dont une Kényane de 66 ans et une Cambodgienne de 13 ans.

Sous le choc de la tragédie du Kenya, la dénonciation de la violence jihadiste a pris le pas depuis vendredi sur les autres thèmes de paix et de justice évoqués à Pâques.

Jorge Bergoglio a condamné la «brutalité insensée» du massacre des jihadistes Shebab contre les étudiants de Garissa dans l’est du Kenya, qui a fait 148 morts. «Tous les responsables doivent redoubler leurs efforts afin de mettre un terme à une telle violence», a demandé dès vendredi le chef d’1,2 milliard de catholiques.

Après avoir exposé les cadavres – gonflés et très abîmés par des projectiles – à l’extérieur de l’hôpital où ils étaient entreposés depuis deux jours, des policiers les ont entassés à l’arrière d’un pick-up blanc, a constaté l’AFP. Le véhicule a parcouru environ 500 mètres sur la rue principale de Garissa.

Des centaines de personnes, dont des enfants, sont descendues dans la rue pour voir les cadavres, en dépit de l’insupportable puanteur. Certains ont jeté des pierres sur les corps au passage du véhicule, qui avançait sous les insultes et les huées.

Justification de la police

«Notre intention n’était pas de les exhiber, mais de pouvoir les identifier publiquement, de savoir si quelqu’un pouvait les reconnaître, que ce soit un proche ou quelqu’un les connaissant», s’est justifié le chef local de la police Benjamin Ong’ombe.

Mais «trop de gens se sont déplacés, nous avons dû les ramener» à l’hôpital, a-t-il ajouté. Une identification aurait toutefois été difficile: les corps étaient empilés les uns sur les autres, ceux du dessus étant en plus allongés sur le ventre.

Des badauds photographiaient la sinistre parade avec leurs téléphones, mais beaucoup disaient être dégoûtés par le spectacle. «Amener des corps de défunts, qu’ils soient des terroristes ou non, et les montrer nus dans les rues, ne peut qu’inciter les terroristes à agir avec plus de haine lors d’une autre attaque», a estimé Abdi Hussein, un chef coutumier, «c’est inhumain d’exhiber des cadavres nus».

Les autorités ont dit avoir récupéré dans l’université dévastée les corps de quatre membres présumés du commando, tués jeudi soir lors de l’assaut des forces de sécurité kényanes qui avaient ainsi mis fin à près de 16 heures de siège.

«Parcourir les rues en plein jour (avec des cadavres), dans un pays qui défend la dignité humaine est embarrassant», a estimé Ahmed Yusuf, étudiant dans un autre établissement de Garissa, localité située à 150 km de la frontière somalienne.