
Toutes les femmes qui utilisent les transports en commun en France y ont été victimes de harcèlement sexiste ou d’agression sexuelle au moins une fois dans leur vie! Voilà le terrible constat qui ressort d’un rapport rendu jeudi par le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCEfh).
Pour cet organe consultatif, dépendant de Matignon, le harcèlement sexiste peut prendre des formes diverses, comme des sifflements, des commentaires sur le physique ou encore des insultes ou des attouchements. Des actes «violents» qui ont «des conséquences quotidiennes sur la vie des femmes, parce qu’ils suscitent de la peur, du stress, de l’impuissance ou de la colère». Et parce que «cette pression permanente entrave leur liberté», explique le HCEfh, qui appelle l’Etat à lutter contre ce «phénomène massif», mais «mal connu et largement minimisé ou normalisé».
Si le rapport pointe le problème du harcèlement dans les transports, il s’inscrit dans le phénomène plus large du harcèlement dans les espaces publics et sort en pleine Semaine internationale contre le harcèlement de rue. Une question qui fait de plus en plus parler d’elle, bien qu’elle ne soit pas nouvelle.
«La problématique existe depuis longtemps, ce qui a vraiment changé ces dernières années, c’est la sensibilité sur la question et l’intérêt qu’elle suscite, confirme Coline de Senarclens, membre de l’association Slutwalk Suisse et chargée de projet au Bureau de l’égalité de l’Université de Genève. La tolérance par rapport à certains phénomènes évolue au travers du temps. Il y a cinquante ans, par exemple, la violence conjugale était beaucoup plus acceptée, beaucoup moins visible.»
Ainsi, pendant longtemps, nombre de femmes qui se faisaient insulter dans la rue et les transports publics ou entendaient des insanités à caractère sexuel baissaient les yeux et poursuivaient leur chemin le plus vite possible. Aujourd’hui, un certain nombre d’entre elles dénoncent ces actes.
«Dans la problématique du harcèlement, il faut être capable de nuancer, affirme Coline de Senarclens. Ce n’est pas la même chose qu’un homme dise à une femme qu’elle est jolie, sans intrusion, ou qu’il lui impose une interaction intime sur son physique ou sa sexualité. Même si dans le fond, c’est dérangeant que quelqu’un réduise une inconnue à son physique, le problème du harcèlement est son caractère violent. Il faut aussi bien différencier le harcèlement de la drague. La drague implique le consentement et la complicité. Elle inclut. Le harcèlement, lui, hiérarchise et exclut.»
Problématique mondiale
La problématique des violences, physiques ou verbales, contre les femmes est mondiale. Les nombreux cas de viol dans des espaces publics en Inde ou en Egypte ont fait beaucoup parler d’eux ces dernières années.
Le harcèlement et les agressions dans les transports ont également poussé un certain nombre de pays à réserver des véhicules aux femmes. Ainsi, par exemple, au Japon, où les métros sont bondés, une situation qui facilite les attouchements, des rames entières sont interdites aux hommes. Dans la capitale du Mexique, les messieurs sont bannis de certains bus. Le rapport français recommande, lui, d’éviter ce type de mesures, estimant qu’elles renforceraient la «ségrégation». Il préconise plutôt les messages de prévention et de conscientisation.
L’usage de la vidéo
Le harcèlement fait en tout cas beaucoup parler de lui depuis quelques années. Et pour le dénoncer, un certain nombre de femmes de pays occidentaux utilisent la vidéo et Internet. Le cas d’une jeune Belge qui a enregistré, en 2012, les commentaires sexistes qu’elle entendait quotidiennement dans son quartier de Bruxelles et un film montrant une femme se promener dans les rues de New York, l’année dernière, ont notamment fait le tour du monde et ont enflammé le débat.
«Pour le meilleur et pour le pire, commente cependant Coline de Senarclens. Ces films dénoncent un sexisme bien réel et du harcèlement quotidien subi par de nombreuses femmes. Le problème est grave car il tend à exclure les femmes de l’espace public. Mais ces cas, en rendant visibles uniquement certaines formes de harcèlement, comportent des biais racistes et de classe. Or le harcèlement et le sexisme touchent toutes les couches de la société et n’ont pas lieu que dans la rue. Il ne faut pas l’oublier.»
(24 heures)