Egathie: les Bassaris lancent leur cérémonie d’initiation par un spectacle de danse

Au bout de deux heures de voyage sur une piste en latérite sinueuse et escarpée, le village d’Egathie (région de Kédougou) surgit dans la forêt. La communauté bassari s’y est donné rendez-vous, ce dimanche 17 mai, pour le coup d’envoi de sa cérémonie d’initiation marquant le passage au monde des adultes.

Armés de lances et boucliers, les visages masqués, les futurs initiés se mettent en file indienne. Ils sont une vingtaine de jeunes reconnaissables par leurs tresses. Ils exécutent des pas de danse rythmés, sous les cris de joie et les sifflets des parents et amis.

Il règne une chaleur d’étuve à Egathie, lieu où se déroule la cérémonie d’initiation. Le pays bassari a mis les petits plats dans les grands pour fêter, dans une ambiance carnavalesque, les 20 adolescents, âgés entre 14 et 17 ans qui vont entrer dans le bois sacré.

Venus de trois villages — Ethiol, la capitale du pays bassari, à la frontière entre le Sénégal et la Guinée, Goumo et Egathie — ils forment une même classe d’âge.

Quelques-uns seraient venus de Dakar ou Tambacounda, amenés par leurs parents pour subir le rite de l’initiation qui reste une des coutumes les plus jalousement gardées par les Bassaris.

Durant une semaine, il y aura des réjouissances à tour de rôle dans les trois villages. Les masques jouent un rôle de premier plan dans ce rite.

Après, les initiés seront entre les mains des anciens et des chefs coutumiers qui se chargeront de leur formation pendant un an sur les les us et coutumes et le savoir-faire nécessaires à l’homme bassari pour être respecté dans sa communauté.

Olivier Kaly Bonang, 32 ans, aujourd’hui cadre dans le développement communautaire dans une ONG est originaire du village bassari de Sébiline, dans les hauteurs du Parc Nioko-loba.

Expliquant le sens de la cérémonie d’initiation, il a indiqué que ‘’ce sont des étapes par lesquelles, le jeunes bassari doivent passer pour intégrer le club des hommes’’.

En écho, Jean Tama, 65 ans, originaire d’Ethiol, soutient que ‘’l’initiation est une des rares coutumes des Bassaris qui n’a pas encore disparu’’.

‘’Pendant un an, ils sont initiés à tous les aspects de la vie, notamment la bravoure, la responsabilité, le sens de la famille, l’amitié etc.’’, précise encore Olivier Kaly Bonang. ‘’Un Bassari qui n’est pas initié n’est pas admis à se marier’’, témoigne ajoute-t-il.

Pour l’initiation chez les Bassaris, ”il faut une grande fête”, selon Jean Tama, un des patriarches de la communauté.

Tout a débuté par la sortie des masques qui s’étaient retranchés dans la grotte la veille. ‘’C’est aux porteurs de masques d’enseigner aux futurs initiés la bravoure’’, renseigne le vieux Tama.

Et cela se fait à travers des séances de combats, hors du village, dans une clairière aux pieds des montagnes, à l’abri des regards indiscrets des femmes et des enfants. Seuls les initiés et les visiteurs sont admis.

‘’Chaque initié doit livrer deux combats avec deux porteurs de masques différents’’, note Olivier Kaly Bonang de Sebikiline.

‘’D’abord, ils vont se battre avec des fouets et des boucliers, avec des coups qui pleuvent de partout’’, poursuit celui qui dit avoir subi l’initiation en 1999.

‘’Après cela, les masques et initiés se livrent à des combats de lutte jusqu’à ce que l’un terrasse l’autre. Ces combats permettent de voir si le futur initié est courageux ou pas’’, raconte le jeune bassari, heureux d’être à Egathie.

En pays Bassari, le rite de l’initiation est une des rares coutumes à résister au temps, face au vent de modernité, selon lui.

‘’Aujourd’hui, les chefs coutumiers sont d’avis qu’il faut revoir la date de l’initiation qui se tient au mois de mai pour ne pas pénaliser les élèves qui ont des examens à subir’’, souligne Olivier Kaly Bonang.

Face aux exigences de la modernité, les chefs coutumiers bassaris ont accepté de tordre le coup à la tradition, en permettant aux initiés qui vont à l’école de passer moins de temps dans le bois sacré.

‘’On a réduit la durée du séjour dans le bois sacré pour permettre aux élèves de ne rater des cours ou des examens importants. Seuls ceux qui ne vont pas à l’école restent dans le bois sacré durant toute l’année’’, affirme Bonang.

Après ces rudes combats épiques, les masques, accompagnés des initiés, font le tour des cases à pas de danse pour saluer les parents et les accompagnants. Le tout dans une ambiance de fête, en sons et rythmes.

Durant cette procession qui dure des heures, les initiés et les masques dansent en frappant le sol avec leurs pieds. Ce qui fait raisonner les bracelets en fer attachés à leurs pieds.

Côté réjouissances, le sacrifice du poulet et la consommation de l’hydro-miel, un vin à base de miel, sont la règle.

‘’C’est l’oncle de l’enfant qui se charge d’acheter les poulets où la chèvre. C’est une manière de valoriser l’enfant. Un enfant qui n’a pas reçu un tel cadeau sera l’objet de moquerie de la part de ses camarades’’, précise Olivier Kaly Bonang.

Après les réjouissances, aux environs de 17 heures, les initiés retournent à la grotte où ils retrouvent les anciens. Ainsi se passe une journée d’initiation en pays bassari.

MS/AD/OID

Envoyé spécial: Mamadou Sarr / APS /