Boubacar Tamba, membre du Comité national Itie-Sénégal : «Les populations de Sabodala n’ont pas intérêt à rester sur place»

L’entente conclue entre l’Etat du Sénégal et la compagnie minière Sgo, relative à la poursuite des explorations sur le site de Niakafiri, rend probable le déplacement du village de Sabodala situé au cœur de ce périmètre. En marge d’un atelier de sensibilisation des jeunes des mouvements sociaux sur les enjeux de la gouvernance minière, Boubacar Tamba, journaliste, revient sur la genèse de ce conflit.

Sabodala gold opération (Sgo), qui vient d’obtenir le soutien de l’Etat du Sénégal, annonce une probable réinstallation des populations de Sabodala dans le cadre des explorations qui vont être menées sur le site de Niakafiri. Quel accompagnement allez-vous apporter à ces populations ?
C’est un projet très sensible. A l’époque, il y avait des autorités qui géraient le secteur des mines et qui avaient identifié avec les populations de Sabodala, une ceinture appelée zone d’exclusion et qui était interdite aux entreprises extractives. Quand les nouvelles autorités sont arrivées, elles ont renégocié le contrat avec Sgo. Et parmi les engagements pris par l’Etat, l’autorisation de poursuivre les explorations. Teranga Gold, qui est détenteur du permis à deux filiales, Sgo qui exploite et Sabodala Mining company qui explore. Cette entreprise, dans le cadre de la poursuite de ses recherches, a voulu continuer les sondages et entrer dans cette zone d’exclusion que les populations avaient identifiée avec les autorités qui étaient là. Les populations ont dit niet parce qu’elles ne peuvent pas permettre à cette entreprise, de venir exploiter dans cette zone qui renferme quelques 5 cimetières sacrés  et beaucoup d’autres choses. Dans leur entendement, elles vont être déplacées et pour elles, cela est hors de question. Ce village a une histoire et on peut comprendre que les populations aient des inquiétudes à l’idée d’être déplacées. Mais ce dont il est question aujourd’hui, c’est d’un forum de négociation qui a été créé avec l’entreprise, les communautés, la Société civile et l’Administration pour discuter avec les populations et leur montrer ce qu’est le projet et ce qu’il faut faire, mais aussi les sensibiliser pour qu’elles comprennent que cohabiter avec les industries extractives est un danger pour elles parce qu’à chaque fois, il y a des explosions de mines, l’utilisation de certains produits chimiques, etc. Donc le mieux pour elles, c’est de se déplacer un peu, qu’on leur trouve un site où elles seront réinstallées selon des normes standards, avec toutes les commodités. Mais les populations ne l’entendent pas de cette oreille. Maintenant, nous de la Société civile, ce qu’on peut faire, c’est de négocier, voir le pour et le contre. Parce que ce projet est un projet phare de l’Etat du Sénégal, qui pense qu’il va rapporter beaucoup d’argent surtout dans le cadre du Pse. L’Etat du Sénégal y tient, mais les communautés refusent. On va essayer de voir le plus qu’il va apporter au Sénégal et ce qu’il peut induire comme nuisances pour les communautés. En fonction de cela, nous allons évaluer et essayer de jouer notre partition. Nous ne sommes pas contre l’Etat mais pour l’intérêt des communautés. Maintenant, il faut voir les formes. Quand l’Etat du Sénégal avait signé ce contrat à l’époque avec Mdl, nous avions dit que le village de Sabodala se trouve à l’intérieur de la concession minière. On avait dit qu’il fallait préparer les populations à une éventuelle délocalisation et identifier un site. Mais l’Etat du Sénégal a donné cette concession en connaissance de cause. Et notre conviction est faite que ces gens ne peuvent pas cohabiter avec l’entreprise. Il y a énormément de nuisances et de risques pour eux. On ne nous a pas entendus.

Mais aujourd’hui, Sabodala va être déplacé ?
Ce qui est sûr et certain, c’est qu’on va aller vers ça. La mine grandit, elle est en train de se rapprocher du village. Et pour moi, les populations n’ont pas intérêt à rester sur place. Maintenant comment les convaincre de partir puisqu’elles tiennent à des traditions socioculturelles ? On ne sait pas encore par quel chemin passer. Mais je pense qu’elles ont intérêt à trouver un autre site pendant qu’il est encore temps, négocier toutes les commodités requises pour que l’entreprise et l’Etat du Sénégal le leur construisent. C’est mieux parce que tôt ou tard, on en arrivera là.

Dans ces conditions, est-ce qu’aussi bien l’Etat que la compagnie ne doivent pas leur payer des compensations ?
Il y a des règlements et des lois, des politiques opérationnelles de la Banque mondiale qui existent. Et justement, quand le moment viendra, nous, acteurs de la Société civile, on va veiller à ce que ces normes soient respectées par l’entreprise.

Est-ce qu’on peut espérer qu’un jour, la région de Kédougou puisse profiter des retombées de l’exploitation minière ?
Ca va changer. Cela commence déjà. Dans le cadre de la renégociation du contrat liant Sgo au Sénégal, l’Etat a gagné a peu près 10 millions de dollars soit 5 milliards de francs Cfa. Et tout de suite, le Président a décidé d’injecter la moitié à Kédougou. 500 millions ont servi à créer le domaine communautaire d’Itato, 500 millions vont servir à relever le plateau technique de l’hôpital de Kédougou et 4 casernes de gendarmerie vont être construites pour régler les questions de sécurité. Et le Président a dit qu’il ne veut plus voir des abris provisoires dans les villages qui ceinturent les projets miniers. Donc, toutes les classes vont être reconstruites. Et ça, c’est pour une seule entreprise minière. Il y a d’autres projets comme celui de Mako, ceux de Bassari ressources, Randgold et le projet de fer également. L’un dans l’autre, tous ces projets vont très sûrement avoir des retombées bénéfiques pour la région de Kédougou dans les 5 à 10 ans. Et c’est ce qu’on cherche pour les autres régions du pays aussi.

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