Entretien avec… Djiby Tigana, cadre du Pds à Kédougou : «Karim Wade est le prisonnier qui remportera la Présidentielle dans sa cellule»

Djiby Tigana, responsable politique du Parti démocratique sénégalais (Pds) à Kédougou, conseiller départemental, revient avec Le Quotidien sur les querelles politiques qui minent son parti. Il se démarque de la position de la Fédération régionale des Libéraux qui soutient Modou Diagne Fada dans la lutte qui l’oppose à Aïda Mbodj. Pour lui, la bataille à mener est celle pour la libération de leurs frères de parti emprisonnés. Autrement, déclare-t-il avec force, Karim Wade sera le prisonnier qui va remporter les élections à partir de sa cellule.

Comment appréciez-vous l’actualité politique au sein de votre parti depuis quelque temps ?
Avec beaucoup de regrets, il faut oser le dire. C’est notre faute à tous points de vue, puisqu’on n’a pas su gérer cette crise au sein notre parti. Et par conséquent, elle a été transportée au niveau de l’Hémicycle. Mainte­nant, nous en subissons les conséquences. Je ne le cache pas, je suis profondément déçu et outré par mes frères libéraux qui ont engagé le chemin de l’affrontement qui n’honore pas notre parti. Au-delà de nous-mêmes, il faut le dire à haute et intelligible voix, nous sommes combattus par le régime en place, qui fait tout pour semer la zizanie au sein de notre formation politique.
Aujourd’hui, le régime profite pleinement de ces querelles de positionnement pour mieux nous diviser. Cependant, il faut dire que ce n’est pas facile d’être un parti d’opposition. Il y a toujours des gens qui sont mus par des intérêts crypto-personnels au détriment de l’intérêt général. Et c’est regrettable. Aujourd’hui, on a la ferme conviction et la volonté de revenir au pouvoir, car c’est possible et on y croit. Mais, il va falloir que chacun calme ses ardeurs et œuvre pour l’unification et la massification du parti.

A l’image de ce qui se passe aujourd’hui à l’Assemblée, on a l’impression qu’on a un Pds new-look et un autre authentique ; duquel des deux vous réclamez-vous ?
Mieux vaut vous dire tout de suite que je ne suis dans aucun camp. Je ne soutiens ni Modou Diagne Fada ni Aïda Mbodj. Je suis dans le Parti démocratique sénégalais derrière le frère Secrétaire général Me Abdoulaye Wade. Maintenant, c’est vrai qu’il faut entamer des réformes au sein du parti, comme le souhaite Fada. Mais est-ce que c’est le moment ? Pour moi, ce n’est pas le moment, parce que nous sommes dans une zone de turbulences, avec l’emprisonnement de nos camarades libéraux qu’il va falloir d’abord faire sortir avant de parler réformes. La seule bataille qui vaille la peine d’être menée est la restauration de la dignité du parti. C’est pourquoi, on doit fédérer nos énergies pour libérer nos frères victimes de détention arbitraire et aller en bloc à la conquête du pouvoir.

Vous seriez à la place de Fada ou Aïda Mbodj quelle serait votre démarche ?
Ce serait d’éviter les guéguerres intestines et les querelles qui nous affaiblissent plus qu’elles ne nous unissent. Et faire preuve de dépassement afin de retrouver la cohésion au sein du parti. Cela, pour dire que Modou Diagne Fada devrait avoir la sagesse et la grandeur de respecter la décision qui a été prise. D’autant qu’elle a été prise par le Secrétaire général, après concertation avec les instances du parti.
N’empêche, il continuerait son combat politique au sein du parti et revendiquerait les valeurs du parti dans le parti. Il y avait une synergie qui était en train de prendre forme au niveau de l’Assemblée nationale, parce que tous les partis de l’opposition étaient en train de former un bloc. Ce n’était pas évident. Avec ce qui se passe au Pds, le contre-pouvoir qui allait se former au niveau de l’Hémicycle est menacé. Ce n’est pas Aïda Mbodj en soi qui m’intéresse personnellement, mais l’objectif pour lequel elle a été désignée pour diriger le groupe parlementaire des Libéraux.

Etes-vous en train de dire que vous n’êtes pas en phase avec la Fédération régionale des Libéraux de Kédougou qui soutient Modou Diagne Fada ?
Je suis complètement à l’opposé de cette décision. Je ne suis pas en phase avec elle sur cette question. C’est un combat personnel que Fada est en train de mener. Je ne peux pas concevoir que la Fédération régionale prenne position dans une situation pareille. Je respecte néanmoins la décision des uns et des autres, mais ce n’était pas la bonne encore moins la meilleure manière de contribuer à l’apaisement des tensions et à l’unification du parti. Le coup est déjà parti. Cela ne m’engage pas personnellement. Le responsable régional du Pds à Kédougou, le député maire Mamadou Cissé, y trouve peut-être son compte, mais pour moi, la fédération devait s’abstenir et éviter toute prise de position.

Mais, est-ce qu’à l’image du niveau national, au niveau local le parti ne volerait pas en éclats si l’on voit que les idées des uns et des autres ne convergent pas ?
Non ! Il n’y a pas péril en la demeure, car le parti peut encore résister à toutes ces tentatives de déstabilisation qui sont orchestrées au sommet de l’Etat. Mais, faudrait-il que nous soyons très intelligents pour éviter cela et arriver à nous positionner. A notre niveau, même s’il y a des rumeurs par-ci et par là, on n’a pas encore entendu de responsable du Pds dire qu’il a quitté le parti pour rejoindre le pouvoir. Cela nous réconforte. C’est une lutte qu’il va falloir mener et on est là-dessus au niveau de Kédougou.

Malgré plusieurs crises au sein de votre parti, au niveau local les responsables libéraux sont restés inertes. Pourquoi avoir attendu ce moment, avec ce qui se passe à l’Assemblée, pour vous faire entendre ?
Je suis tout à fait en phase avec vous. Kédougou a été absente et le soutien qu’elle devait apporter à notre frère Karim Wade n’a pas été concret, à l’image des marches et manifestions qui se sont tenues ailleurs. C’est une situation déplorable. C’est pourquoi, la bataille devrait être de lutter pour la libération de nos frères libéraux qui sont en détention arbitraire. Bien que la Fédération régionale des Libéraux ne l’ait pas soutenu, Karim est bien présent dans le cœur des Kédovins. Il est bien apprécié à Kédougou où il a bonne presse.

Aujourd’hui que Kédougou manifeste son soutien à Modou Diagne, ne craignez-vous pas un revers de médaille si Karim venait à être libéré ?
C’est un paramètre qu’il faut prendre en compte. C’est pourquoi, je ne suis pas d’accord avec la Fédération régionale sur le soutien qu’elle accorde à Modou Diagne, puisque l’enjeu aujourd’hui c’est la libération de notre candidat à la Présidentielle de 2017, Karim Wade. C’est vrai qu’on parle d’héritage du Pds qui aiguise les appétits des uns et des autres. Mais ce qui est indéniable, c’est que Karim est incontestablement le candidat du Pds pour la prochaine Présidentielle. Cela a été décidé en réunion en présence des Modou Diagne et autres. C’est pour vous dire que Karim Wade est le candidat prisonnier qui va remporter les élections en étant en prison, s’il n’est pas libre entre temps.

Aïda Mbodj s’est opposée au choix de Karim comme candidat du Pds. Pourtant on voudrait lui confier les rênes du parti. N’est-ce pas un paradoxe ?
C’est un consensus qui a été trouvé pour faire d’elle la présidente du groupe parlementaire des Libéraux et démocrates. Ce qui est important, c’est de gagner la bataille de la représentativité au niveau de l’Assemblée nationale. C’est pourquoi Aïda Mbodj a été choisie pour défendre les intérêts et les préoccupations des Sénégalais. D’ailleurs, c’est là où je ne suis pas d’accord  avec mon frère de parti Modou Diagne Fada. S’il avait bien joué son rôle à son poste, est-ce qu’on aurait besoin de l’enlever ? Je ne crois pas. Encore une fois, ce n’est pas sa personne qui est en jeu.

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