Tronçon Tambacounda-Kidira: la souffrance au bout de la route

C’est le chemin de croix que d’emprunter la route Tambacounda –Kidira. C’est pire que celle de Fatick – Kaolack, mal construite et qui est devenue le cauchemar des transporteurs. Sur la route Tamba – Kidira,les passagers souffrent le martyre avant d’arriver à destination. Chronique d’un voyage mouvementé à bord d’un véhicule « 7 places » en provenance de Tamba pour Kidira !

« Kidira, Kidira, Bakel », s’arrache les poumons, un « boy garage », ces jeunes qui squattent en permanence les gares routières de la capitale et de l’intérieur du pays. Cigarette au bout des lèvres enfumant son monde et le regard aux aguets, ce jeune homme fraichement sorti de l’adolescence est à la recherche d’un potentiel voyageur pour son car desservant les deux villes. De l’autre côté du garage, un autre apprenti cherche désespérément, lui aussi, des clients afin de faire le plein de son mini car qui peine à trouver des voyageurs. Et au premier coup d’œil, le moins que l’on puisse dire est que la voiture n’inspire guère confiance à cause de son état bringuebalant, propre aux fameux « cars rapides » communément appelés cercueils roulants et surtout de l’état d’une route qu’on présente en mauvais état et pour laquelle, il faudra avaler 185 km. « Venez, prenez place ! C’est moins cher », lance le jeune homme à certains voyageurs qui attendent tranquillement les voitures communément appelées 7 places. « Prendre ce car équivaut à se suicider », bravade Alassane Sow, tenant son sac de voyage en main. Sa phrase crée une certaine psychose parmi les voyageurs dont les novices qui ignorent l’état de la route. C’est le cas de Samba qui demande gentiment au coxeur de lui remettre son sac dont il s’était emparé pour le guider dans le bus. Aussi, se met-il sur ses gardes. Et avant d’acheter son billet, il interroge le coxeur sur l’état de la route et le temps maximum pour le trajet. Celui-ci, un ancien du garage, assis tranquillement sous un arbre à palabre avec son bloc de tickets, le tranquillise. « Jeune homme, ne t’inquiète pas. Tu feras deux ou trois heures de route. Cela dépend du chauffeur. La route s’est juste un peu dégradée par endroits », tente t-il de rassurer le jeune Samba. De passage dans la ville, Samba ignore tout des lieux.C’est son premier séjour à Tamba où il n’est qu’en escale. « Je viens de Dakar pour un reportage. Mais, malheureusement mes confrères m’ont laissé à l’hôtel au moment où j’envoyais des papiers pour la radio. Je dois les rejoindre à Kidira », tente t-il d’expliquer. Il achète son ticket au prix de 5000 f Cfa et remet ses bagages à un des coxeurs qui les place derrière la malle. Certains bagages des passagers étaient bien rangés en haut de la voiture. Il ne restait alors que l’arrivée du chauffeur pour le départ. Pendant ce temps, un autre véhicule prend place dans le garage. De l’autre côté, la voiture qui devait rallier Bakel était déjà pleine et prenait le chemin de sa destination. Ce, contrairement à celui qui doit rallier Kidira. « On n’attend qui encore ? »,interroge Samba pressé de retrouver ses confrères et surtout anxieux pour un voyage qu’il présente comme un départ vers l’inconnu. Le coxeur, lui faitsavoir qu’il manque encore de client. A peine a-t-il fini de prononcer sa phrase, qu’un passager les rejoint pour prendre place. Le véhicule est enfin plein.La route remplie de nids – de – poule Quelques minutes plus tard, on entend le coxeur crier le nom de Laye Cissé.« Laye Cissé, viens prendre ton argent. La voiture est pleine », vocifère-t-il pendant que les apprentis s’empressent de bien attacher les bagages rangés en haut de la voiture. Les passagers montent à un par ordre d’arrivée comme mentionné sur leur ticket. Le conducteur démarre et prend la route pour Kidira. Le marathon vient ainsi de commencer sur une route délabré. De la sortie du garage de Tamba à Kidira, ce fut la souffrance au bout de la route.Une voie complètement dégradée. Les passagers sentaient avec violence les nombreuses secousses occasionnées par l’état défectueux de la route. Tout autant que le chauffeur qui ne restait pas tranquille. Il maniait de gauche à droite son volant afin d’éviter certains nid – de – poule. Malgré ses efforts soutenus, il lui était souvent impossible d’éviter certains nids – de – poule.« Nous voyageons toujours comme ça. On n’a pas le choix », dit une septuagénaire, assise aux dernières places du véhicule 7 places. Il faut dire que sa position n’était guère confortable. Ce sont des sièges qu’évitent certains clients. Les trois clients qui s’y trouvent se serrent et se blottissent entre eux.Bizarrement, les passagers étaient calmes. Chacun dans son coin. Ils ne discutent pas, tous à leurs propres pensées supportant stoïques l’enfer de ce chemin cahoteux. Sur le chemin, la voiture croisait des coupeurs de bois avec des troncs d’arbre rangés tout le bord de la route. « On peut faire des kilomètres sans voir un seul village. C’est la forêt », renseigne un voyageur. Le paysage est paradisiaque dans toute sa belle verdure. Les animaux traversaient la route à chaque instant.Les camions gros porteurs, grands fossoyeurs de route En cours de route, la voiture devançait les camions gros porteurs qui se balançaient de gauche à droite à cause de leur lourde charge. On a l’impression parfois qu’ils vont tomber. Tellement qu’ils se penchaient d’un côté à l’autre à cause également des nids – de – poule. Le véhicule dépasse ainsi des localités comme Kothiary, Goudiry, Naye. La plupart de ces agglomérations ressemblent à de gros villages. On n’aperçoit des cases rondes, d’anciens bâtiments coloniaux etc. Après 100 km d’un parcours infernal, certains passagers commençaient à somnoler, pendant que d’autres dormaient profondément. Il restait plus de 80 autres km à parcourir avant d’arriver à la localité frontalière du Mali. « Nous arriverons bientôt mon gars.Moi, je vais continuer pour Kayes », dit un malien. Un autre passager dégoûté par l’état défectueux de la route, accuse les chauffeurs maliens. « Ils sont à l’origine de l’état de la route. Leurs camions la rongent et ils y sont en permanence », balance un des passagers qui habite Kidira.L’Etat doit savoir que le Sénégal ne se limite pas à Dakar Après le long périple, sur un chemin cahoteux, le véhicule arrive enfin à la fameuse ville de Kidira. Tous les voyageurs descendent. Les pieds gonflés et poussiéreux. La vieille dame qui se trouvait au fonds fait un geste d’au revoir à Samba, lui aussi tout autant exténué par ce voyage qu’il assimilait à l’enfer. « J’espère que vous nous aideriez à informer les autorités de l’état de notre route », lance la vieille dame. Avant qu’un autre voyageur ne rejette la responsabilité sur l’Etat. Pour lui, les autorités ne se limitent qu’à Dakar. Raison pour laquelle, elles méconnaissent ou ignorent les réalités et souffrances des populations vde l’intérieur du pays. « Elles doivent savoir que le Sénégal ne se limite pas à Dakar », se plaint-il. Des plaintes bien enregistrées par Samba d’autant plus qu’il venait de vivre l’enfer de cette route tout en présageant déjà des difficultés du retour. Un autre enfer en perspectives…

Samba DIAMANKA pour le Témoin (Envoyé spécial à Kidira)