
L’Etat du Sénégal doit éviter que l’exploitation minière ne devienne une malédiction, en assurant une redistribution équitable des ressources qu’elle génère au profit des populations en général et de celles vivant dans les zones où se déroule l’activité, en particulier, a soutenu, mardi à Tambacounda, Seydi Gassama, directeur exécutif d’Amnesty Sénégal.
“L’exploitation des ressources minérales a été une malédiction, dans beaucoup de pays”, a relevé Seydi Gassama qui s’exprimait lors de l’ouverture d’un atelier de formation d’élus locaux de la région sur la législation minière.
“Dans un contexte où l’on s’achemine vers un boom de l’exploitation des ressources minérales, avec le zircon sur la grande côte et en Casamance, le pétrole, l’Etat doit éviter que l’exploitation minière devienne une malédiction”, a notamment souligné M. Gassama.
Pour lui, si les ressources minérales constituent une opportunité de développement, elles peuvent se transformer en malédiction, lorsqu’on est en présence d’un Etat faible.
“Au Sénégal, nous avons un Etat fort, mais malheureusement, pour attirer les investisseurs, il a mis un cadre extrêmement favorable aux sociétés minières, si bien que les communautés gagnent peu de cette exploitation”, a-t-il poursuivi.
L’or est devenu le premier produit d’exportation du Sénégal en valeur, a relevé Seydi Gassama, ajoutant que pourtant “personne n’a encore vu un lingot d’or transiter par le port de Dakar”.
“Tout cela pourrait changer avec le nouveau cadre législatif”, a-t-il relativisé soulignant que l’Etat tout comme les populations, à travers la responsabilité sociétale d’entreprise, doivent tirer profit de ces ressources minières.
Le directeur exécutif d’Amnesty Sénégal a évoqué le cas du village de Sabodala à côté duquel est implantée la première mine de Kédougou, et qui n’est pas électrifié, tout comme le département de Saraya, abritant cette zone minière, ne dispose d’électricité que “trois à quatre heures par jour”.
“Les structures de santé de cette localité n’ont pas de groupes électrogènes alors que la société SGO est +en surproduction+ d’électricité.
“Où est la responsabilité sociétale d’entreprise ?”, s’est-il interrogé, non sans souligner que “ce n’est pas l’Etat qui va obliger les sociétés minières à respecter la RSE, mais la société civile et les collectivités locales qui vont se battre pour faire respecter leurs droits”.
“La RSE peut être érigée en dogme au sein des entreprises”, a dit pour sa part, Abdel Kader Diop, un des adjoints au gouverneur de Tambacounda, pour qui, les actions présentées par les entreprises comme étant le fruit de la RSE sont des “actions dérisoires, à côté de l’essentiel”.
Relevant que les zones minières sont dans des zones enclavées, il a estimé que certaines interventions des sociétés devraient s’orienter vers la résolution de ce problème, tout comme vers la création d’activités génératrices de revenus, en plus du recrutement de la main d’œuvre locale.
A ce propos, Seydi Gassama a estimé que la société Sabodala Gold Operation (SGO) exploitant la mine d’or de Kédougou, devrait pouvoir bitumer l’axe Sabodala-Bembou long de moins de 100 km, puisqu’elle l’utilise principalement, traversant des villages auxquels elle cause beaucoup de désagréments par la poussière que soulèvent ses véhicules.
La société qui en a les moyens, ne devrait pas, a-t-il dit, “se réfugier” derrière le fait que c’est une prérogative de l’Etat de réaliser les infrastructures routières.
M. Gassama a toutefois, promis que la société civile suivra le processus envisagé de délocalisation des populations du village de Sabodala, afin que soient respectés les droits des habitants, en termes d’indemnisation, entre autres.
Il s’agira, a-t-il dit de faire en sorte que le cas de Dambankhoto ne se reproduise. Ce village a été déplacé, perdant ses terres de culture, ses sources d’eau, sans que l’entreprise ne respecte ses engagements à l’égard des populations concernées.
Pour le directeur exécutif d’Amnesty Sénégal, “il faut que l’Etat, les communautés et les collectivités locales puissent faire bloc pour que les sociétés ne fassent pas du profit leur seule préoccupation”.
Le rôle de la société civile dans ce combat est d’aider les communautés à porter plainte contre les sociétés pour faire respecter leurs droits, a-t-il dit. Il s’agira de mette à la disposition des collectivités des experts qui vont déceler les failles dans les études d’impact environnemental, pour que des correctifs soient apportés.
APS /