Carnet de route Kédougou: À la découverte d’une région si … naturelle

Évoquer un voyage dans la région de Kédougou serait incomplet si on occulte les 695 km qui séparent cette partie du Sénégal à Dakar, son climat chaud, le relief et tout ce qui fait la particularité et la richesse de la région. Kédougou est pourtant une ville originale, encore ancrée dans ses traditions. Découverte !

Le trajet Dakar-Kédougou se fait généralement par étapes. Diviser la route en trois revient à faire des pauses par moments pour respirer, se nourrir un tant soit peu et surtout allé faire des besoins naturels. Les chauffeurs de « sept places » ou ceux des « horaires » qui relient cette partie du Sénégal au reste du pays ne s’habitueront jamais à cette distance, tellement le chemin est long, très long même.

Dakar-Kaolack est presque devenu simple comme voyage. Avec les routes bitumées, les voies de contournement, les autoroutes à péage ou non, la distance est vite passée. Hormis le tronçon Fatick-Kaolack, qui fait l’objet de contentieux entre l’entreprise Jean Lefèvre Sénégal et l’État, cette route défraie la chronique. Longue d’une trentaine de kilomètres, elle constitue un vrai calvaire pour les usagers. Des nids de poule surplombent la totalité de l’axe. Ainsi, il faut une heure et parfois même plus pour relier la capitale de Ndangane.

La pause est presque imposée par les 189 km qui séparent Dakar de Kaolack. Un déjeuner s’impose généralement, selon le moment de la journée et ensuite, cap sur Tamba. Cette partie du trajet est singulière. Une longue et droite ligne constitue les 273 kilomètres.

Les principales villes de Kaffrine, Koungueul et Koumpentoum sont traversées de long en large. Généralement, à cette heure du voyage, les rayons du soleil ne tardent pas à infiltrer les vitres de la voiture pour faire monter la température. De village en village, la voiture progresse stoïquement, en évitant de temps à autre les animaux domestiques qui se pavanent au bord de la route ou qui ne font que traverser. Là, les vendeuses de fruits proposent  des denrées de la contrée : des arachides grillées ou non, des jujubes, de la pate d’arachide, etc. C’est le moment choisi par les nombreux talibés assemblés devant la station service, pour déclamer des litanies afin de bénéficier de la générosité des voyageurs. « Yalla nga am khaliss, yalla na nga dem Maka », disent les talibés, en signe de prière, dès qu’une pièce de monnaie leur tombe dans les mains.

Après le contour des derniers villages, dont Koussanar, entres autres, Tamba l’Orientale se dessine enfin. Avec son sol, par endroits latéritiques et ses vieux bâtiments, la route nationale est bordée de part et d’autre par des restaurants et autres fast-food, en prévision de nombreux transits qui s’effectuent dans cette zone. La ville est grouillante en ce début d’après-midi quand les élèves, vêtus de leur blouse, reviennent sagement de l’école, seuls ou accompagnés. Un peu plus loin, se dessine un rond-point et un long boulevard qui mènent hors de la ville, en dépassant l’aérodrome de Tamba. « C’est sûr que nous sommes sortis de la ville. Mais où se trouve la direction de Kédougou », s’interroge le chauffeur qui s’y rend pour la première fois. La réponse ne tarde pas à survenir. En face, figurent un rond point et deux panneaux d’indication. Sur l’un est écrit la direction de Kidira et sur l’autre est clairement mentionné Kédougou, à 233 kilomètres.

Encore 233 kilomètres à parcourir ! « Le Sénégal est aussi grand ? », s’étonne un passager. Et pour toute réponse, des sourires de la part des habitués du coin. « Tu n’as encore rien vu », répond un autre passager. On s’engage enfin sur une route bitumée. Heureusement ! Dans cette partie du pays, le climat change radicalement, le relief aussi. Du tic au tac, on ressent un relief accidenté, ponctué par des hauts et des bas. En effet, Kédougou est la région la plus montagneuse du Sénégal. Elle s’érige entre les Collines du pays Bassari et le mont Assirik qui domine le parc Niokolo-Koba.

Ainsi, sur une distance d’une centaine de kilomètres, le parc Niokolokoba borde la route. Un premier arrêt des agents forestiers. Ils nous préviennent que nous sommes dans un parc, de rouler normalement pour éviter les éventuels animaux sauvages qui se trouveront sur la route. « En effet, tous les animaux qui se trouvent dans cette contrée sont protégés et nul n’a le droit de les tuer, ni de les blesser. Si un seul oiseau est tué par les usagers de la route, ils seront poursuivis par la justice et devront payer des amendes », nous renseigne un passager. Dès lors, on ouvre bien les yeux et on fait attention. De temps à autre, des singes coupent rapidement la route et disparaissent au loin. C’est au tour d’un sanglier et de ses petits de sortir du bois et d’y retourner aussitôt qu’ils entendent le bruit du moteur. « Il nous est une fois arrivé de croiser un lion sur la route », commence un sexagénaire, muet depuis le début. Un lion ? Comme dans les films ? « Oui, un vrai lion. Il était assis sur la route tranquillement. Et lorsque nous l’avions aperçu, le chauffeur, qui a l’habitude de parcourir le trajet et qui connait bien cette région, a tout bonnement éteint le moteur et nous avons attendu une quinzaine de minutes, pour que le seigneur de la forêt se décide enfin à céder la place et quitter le chemin. Un vrai roi, cet animal ». Des « Khan » et des « Shééé » ont accompagné cette révélation. À partir de là, on double la vigilance et prie le bon Dieu de ne pas rencontrer ces animaux que l’on ne voit que dans les dessins animés. Et pour cela, le calme et un silence olympien reviennent dans la voiture L 200 qui sert de moyen de locomotion.

Le fleuve Gambie, qui traverse aussi cette région, étend ses affluents tout au long du trajet. Des cours d’eau, où les populations sortent en plein jour pour s’y baigner, font le linge et même des enfants qui jouent. Une belle nature, narrée telle dans les contes africains. Au loin, les collines parsemées de feuillages sèches et cette nouvelle route bitumée, dont les travaux sont encore visibles sur 50 kilomètres. Les déviations, la poussière, les cailloux, la fatigue, seront malheureusement les seuls éléments accompagnateurs du visiteur de Kédougou jusqu’en pleine ville.

Ces facteurs négatifs se dissiperont vite à la vue de cette partie du Boundou, nouvellement érigée en région par l’État du Sénégal, et laisseront la place à l’émerveillement et la contemplation de cette nature si … naturelle…

Khady Thiam Coly / rewmi.com /