Carnet de voyage – Détour par Tambacounda: Autonomie dans la souffrance

La circulation, via la Gambie est fermée aux automobilistes sénégalais depuis plus d’une semaine. C’est la énième fois que les humeurs du voisin gambien conduisent à de telles «impasses diplomatiques» entre les deux Etats pourtant dit «frères». Et, à chaque fois, comme cette fois-ci, le Sénégal exhorte à passer par la région de Tambacounda pour contourner l’enclave de la Gambie. De Dakar, pour rallier Ziguinchor, il faut près d’un millier de kilomètres de route et 800 pour arriver à Sédhiou. Si, avec cette option, le souci de l’autonomisation est dissipé, celui de la souffrance due aux mauvaises conditions du voyage reste actuel et pénible: routes dégradées, déviations éreintantes, chaleur suffocante, tracasseries policières démesurées. A quand l’autoroute Ila Casamance, gage d’une souveraineté par la continuité territoriale du Sénégal ?
Il était 5 heures du matin quand nous sortions de Dakar le lundi dernier 22 février à bord d’un véhicule de type 4×4. Malgré ce moment si matinal, la circulation était dense jusqu’à la sortie de Mbour. Pas du tout surprenant, en raison d’un début de semaine marqué par les grandes affluences vers Dakar, la capitale. Par moment, ce sont les gros porteurs qui qui s’emparent de la chaussée, l’unique voie d’accès dont la vue au loin donne l’image d’une minuscule queue de raz, comparativement aux voies de dégagement de certains pays comme la Côte d’Ivoire notamment entre Abidjan et Yamoussokro.
Nous voilà à présent à Fatick, l’une des régions les plus «fatiguées» et fief du président de la République Macky Sall. Ici, les routes nouvellement réceptionnées sont corrodées par le sel et le phénomène d’acidité des sols à la limite mouvant, érodés. Ceux qui font Fatick/Kaolack en ont une claire idée de la dégradation de l’axe. Toutes observations qui ont présidé au choix de notre détour par Gossas pour regagner Kaolack, au centre du pays. Nous y étions aux alentours de 9 heures 30 minutes, heure à laquelle nous avons pris notre petit déjeuner dans une gargote qui s’impose à nous, sous le dictat des mouches à ailles géantes et de couleur verdâtre.
LA CHALEUR ET LA COHABITATION AVEC LES GROS PORTEURS MALIENS
De Kaolack à Tambacounda, en passant par Kaffrine, Koungheul, Koupentoume, Koussanar, la route est longue et il faut s’armer de courage pour affronter la canicule, le vent chaud et sec. Les risques de somnolence sont réels, tant le parcours est long. Les gros porteurs sont les plus enclins à cet engourdissement physique et psychique sur fond de stress. Il est fréquent de rencontrer un convoi particulier de gros porteurs de plus de cinq camions en partance pour l’intérieur du Sénégal ou dans le sens inverse. La forte chaleur abime des pneus en attestent les débris de part et d’autre de la chaussée.
Et il faut être un habitué de l’axe pour faire aisément le trajet et dissiper toute propension de somnolence. Certains se font accompagner par un proche aguerri en la matière. Par endroit, la route n’est pas balisée et l’absence totale de barrière de protection expose à des risques de divagation d’animaux de toutes espèces. Il est vrai que les routes ne sont pas si larges que nombre de conducteurs l’auraient souhaité, mais elles sont dans un état assez acceptable. A l’exception du tronçon Vélingara/Kounkané distant de 30 kilomètres. Il s’agit, en fait, d’une déviation longeant la route en construction. Par la commune de Tanaff, des tronçons sont également en construction surtout après la commune de Goudomp.
LES CHIFFRES D’AFFAIRE EN HAUSSE !
Cette zone se caractérise par une aridité hostile. Les passagers arrivent difficilement à trouver des fruits à grignoter, tout au moins en cette période précise de l’année. L’eau, fidèle compagnon des voyageurs est toujours là pour rafraîchir la gorge. Une fois à Tambacounda, la capitale du Sénégal orientale, nous marquions un bref arrêt pour prendre le déjeuner dans un restaurant tenu par une dame du nom de Arame Banghoura.
Elle déclare faire un très bon chiffre d’affaire depuis le début du contournement de la Gambie. De trente visiteurs avant, elle reçoit aujourd’hui plus d’une centaine de clients. Les vendeurs d’eau, dans les sachets en plastique, de cacahouètes, d’orange. Le véhicule est également restauré en carburant. Sur les 30.000 F Cfa à la pompe à Dakar, correspondant à 50,42 litres de gasoil, nous avons renfloué le réservoir avec 20.000 F Cfa supplémentaires pour être sûr d’arriver à Sédhiou, soit 800 kilomètres à parcourir. Pour ceux qui doivent se rendre à Ziguinchor, le parcours à faire est de l’ordre de 1000 kilomètres. Après une journée sabbatique, nous sommes enfin arrivés à Sédhiou à 18 heures 20 minutes, soit 13 heures de routes, compte non tenu des arrêts. Mais que dire de ceux qui vont faire le même trajet à bord de cars de transport en commun des voyageurs ? C’est dur, c’est laborieux !
La solution est d’envisager la construction d’une voie de contournement digne de ce nom, obéissant aux normes standards. Pour certains, il était plus raisonnable de construire cette voie que de faire une autoroute entre Dakar et Touba (Ila Touba) dont l’affluence n’est que pour trois jours au plus (la veille, le jour et le lendemain du Magal). Au nom de la justice sociale, de l’équité et de la souveraineté, le Sénégal se doit de se libérer des farces ridicules d’un Etat enclavé en dans son espace géographique et garantir de fait la continuité territoriale pour  ceux-là qui vivent loin de Dakar avec obligation de s’y rendre pour des formalités administratives. Attention ! Le Sénégal, ce n’est pas que Dakar. La macrocéphalie est un déséquilibre somatique à tous points de vue préjudiciable. Vivement le contournement entonne-t-on partout dans le milieu des transports au Sénégal.
sudonline.sn /