La Tambacoundoise Fadouma Dia, arbitre internationale, l’un des meilleurs sifflets au Sénégal

 

 

A hauteur d’homme

Considérée actuellement comme l’un des meilleurs sifflets au Sénégal, l’arbitre internationale Fadouma Dia est d’ailleurs surnommée ‘’Collina* bu jigéen’’.

Sa silhouette est devenue très familière dans le foot sénégalais et mondial. Depuis quelques années, Fadouma Dia parcourt les pelouses du championnat professionnel du pays et des compétitions internationales. Armée de sa (re)tenue d’arbitre centrale.

La dame d’environ 40 ans a fini d’imprimer ses empreintes dans le panorama. A sa façon. Ferme sans être fermée. ‘’Parfois, j’entends : ‘’Tey Collina bu jigéen mo niow’’ (Aujourd’hui, c’est Collina* version femme qui est là !’’ Un surnom usurpé ? Il faut voir comment cette femme-arbitre excelle dans son métier pour saisir le sens de la comparaison avec le légendaire et charismatique ancien arbitre italien. Au point que la Commission centrale des arbitres l’a récemment désignée pour diriger le chaud derby dakarois entre l’Us Ouakam et Niary Tally (1-0).

La native de Tambacounda a tenu d’une main de fer ce match du 16 février 2016, comptant pour 12e journée de Ligue 1 sénégalaise. N’hésitant pas à expulser le défenseur ouakamois Lamine Diop pour cumul de cartons. Mais la première preuve de confiance a été matérialisée en 2009. C’est elle qui avait été choisie par la Commission centrale des arbitres (CCA) pour diriger la finale retour du championnat de Ligue 1, à Saint-Louis,  entre la Linguère et le Casa Sport de Ziguinchor. ‘’Ce match m’a beaucoup marquée, dit-elle aujourd’hui. Le public avait des appréhensions avant la rencontre : «Ah, une femme pour celle finale ?» Mais à la fin, tout le monde m’a félicitée, même feu Jules François Bocandé…’’ C’est dire…

Le premier fait d’armes de ‘’Collina version femme’’ remonte à 1997. Alors arbitre de district, Fadouma s’est fait un nom à l’Université Cheikh Anta Diop (Ucad) de Dakar, dans le championnat inter-nations. Elle avait brandi trois cartons rouges contre des Gabonais qui étaient en train de perdre face à la Centrafrique (0-3). La rencontre n’a pu aller jusqu’à son terme. ‘Le lendemain, mon nom était  un sujet de conversation au campus, narre-t-elle. On disait : «Il y a une femme à l’université, elle s’appelle Fatou, elle ne sait pas blaguer dé !» Le week-end suivant, certains étudiants étaient venus me demander des autographes.’’

Charisme masculin

Pour avoir une idée du charisme… masculin de cette demoiselle, il faut scruter son enfance. Fadouma a grandi dans une famille où il n’y avait que des hommes. Passionnée par la lecture des journaux de football, elle a préféré jouer dans les équipes de garçons de quartier de Tambacounda, plutôt que celles des filles de son âge. En 1995, son professeur d’Eps en classe de seconde, M. Camara, l’incita à se jeter dans l’arbitrage. ‘’J’ai démarré très jeune, à 17 ans, se remémore-t-elle. Ce n’était pas facile au début. Quand on me critiquait, je me sentais mal à l’aise et l’idée d’abandonner me traversait l’esprit. Je décidais de rester chez moi mais mon prof n’avait cessé de m’encourager’’, soutient l’ancienne pensionnaire du lycée Mame Cheikh Mbaye de Tambacounda. Après les critiques, la bachelière A3 de 1996 devait affronter ses parents. ‘’Ma famille hal pulaar était réticente, mais elle a fini par accepter, admet-elle. On me disait : «Vas cuisiner, vas te marier».’’

Cette célibataire, titulaire de Duel II en Anglais, a ensuite fait son bonhomme de chemin dans ce monde d’hommes. Elle est vite montée en grade pour prendre la relève des Marème Ndiaye, Fatou Gaye, Marème Guèye, Florence Biagui et Ndèye Sèye, les premières femmes-arbitres internationales au Sénégal. D’arbitre de Ligue en 2001, puis arbitre fédérale en 2004, elle a eu son rang d’internationale en 2005. Aujourd’hui, celle qui a officié lors du Mondial U20 de 2012 est le porte-drapeau sénégalais de l’arbitrage féminin. Quatre fois présente au tournoi Algarves au Portugal, Fadouma Dia a sifflé la finale de la Coupe d’Afrique des Nations (CAN) féminine de 2010 en Afrique du Sud, entre le Nigeria et la Guinée Equatoriale (4-2). Elle a aussi dirigé la finale du tournoi féminin des Jeux africains de 2011 de Maputo (Mozambique) entre le Ghana et le Cameroun (1-2). Plusieurs étapes d’une ascension historique. Et à hauteur d’homme.

*Pierluigi Collina est un ancien célèbre arbitre international italien. Il est considéré comme l’un des meilleurs de l’histoire.

A. Colly / enqueteplus.com/