[CONTRIBUTION] Le retrait des enfants de la rue : Le défi de la réinsertion

Le problème des enfants vivant dans la rue est un phénomène social très préoccupant pour la plupart des pays de la sous-région. Le phénomène a subi des mutations diverses et s’est davantage complexifié ; il est inséparablement lié à un contexte macro-social : effritement des rapports communautaires et familiaux, paupérisation accrue des populations des villes et des campagnes, insuffisance et faiblesse du cadre législatif…

La lutte contre le phénomène au Sénégal se traduit par la mise en place d’institutions et de structures par l’Etat. Ce qui traduit une volonté politique du gouvernement en matière d’encadrement et de protection de l’enfance. L’existence de structures fermées (internats spécialisés), ouvertes et de semi-internats (action éducative et préventive en milieu ouvert) en est le témoignage. Cette volonté politique est renforcée par l’adoption de textes législatifs et réglementaires en matière de protection des enfants. Les autorités se sont engagées à respecter les grands principes internationaux contenus dans les différentes déclarations, et à ratifier plusieurs conventions. Il existe tout un ensemble d’instruments juridiques de protection de l’enfant aussi bien au plan national qu’international.

C’est dans cette même optique que le « projet de retrait des enfants de la rue » ou « dans la rue » a été mis en œuvre par les autorités étatiques le jeudi 30 juin 2016. Cela consistait à récupérer ces enfants dans les rues de la capitale et dans certaines grandes villes notamment Thiès.

La mesure est diversement appréciée quant à sa pertinence et sa portée dans un pays où la mendicité est entretenue par un environnement socio-culturel aux racines profondes. L’enfant semble être à l’intérieur du « triangle des Bermudes » ou au milieu d’un jeu d’intérêts qui ne dit pas son nom (entre les personnes qui envoient ces enfants, celles qui offrent à ces mêmes enfants différentes sortes de produits ou offrandes dirais-je: argent, bougies, sucre, riz, cola et la pauvreté.)

Le directeur de la protection des droits de l’enfance et des couches vulnérables nous informe que les premières actions ont permis de récupérer 261 enfants dont 55 étrangers. Dans ce processus, on apprend encore, à la suite d’une rencontre tenue le jeudi 14 juillet 2016 entre le Premier Ministre et la Fédération des associations des maîtres coraniques du Sénégal(FAMCS), que les talibés issus des daaras ne sont pas concernés par la mesure.

Si l’on accepte l’hypothèse que ces enfants soient dans un processus d’éducation, on pourrait d’abord se poser un certain nombre de questions.

De quoi ces enfants ont-ils besoin en termes de développement cognitif et personnel ?

Cette demande d’éducation qui doit être exprimée par les enfants peut-elle valablement être offerte par l’environnement des gares routières, des stations d’essence ou encore des ronds-points ?

Aussi, les actions de retrait des enfants ne devront-elles pas être inscrites dans un plan global susceptible d’aider à traiter non seulement les problèmes lorsqu’ils se reposent à nouveau, mais aussi et surtout, à les prévenir. Et pour cela, il est nécessaire de :

  •  faire des actions de diagnostic et de repérage basées sur la définition d’une typologie des enfants de la rue ? Qui sont ces enfants ? et comment ont-ils évolué jusque-là ? les enfants qu’on retrouve dans les gares routières à minuit sont-ils des enfants des daaras ? qu’en est-il des enfants vivant avec un handicap ?

  • identifier les personnes et structures (parents, daaras ou autres) qui sont concernées par le phénomène ;

  • sensibiliser les parents et les responsables de daaras sur les axes majeurs et les enjeux de la mesure ;

  • renforcer les capacités des daaras pour une meilleure prise en charge des enfants se trouvant dans ces structures ;

  • organiser avec la communauté, une solidarité agissante en faveur de ces enfants ;

  • Favoriser leur formation dans les ateliers de menuiserie, de mécanique ou autres structures d’apprentissage

  • Développer des centres d’accueil pour les cas les plus complexes ;

  • former les gestionnaires de ces centres pour une prise en charge correcte de ces enfants.

Rappelons-nous que les enfants sont les produits de la société et que cette dernière a le devoir de les prendre en charge

Ibrahima Diagne, Inspecteur de l’Enseignement moyen secondaire/Etablissement vie scolaire

Coordonnateur régional du Projet d’Amélioration de l’Education de Base en Casamance(PAEBCA) Inspection d’Académie de Sédhiou