Insécurité alimentaire : Un plan de riposte élaboré

 

L’insécurité alimentaire guette plus de 750.000 personnes dans six départements du Sénégal. Le gouvernement a mis en place un plan de riposte pour enrayer la menace.

Malgré une hausse de 18 % des productions céréalières par rapport à 2016, six départements du Sénégal sont exposés à l’insécurité alimentaire. Et si rien n’est fait d’ici la période de soudure qui va de juin à août, plus de 750. 000 personnes, soit 47.000 ménages, risquent d’avoir des difficultés pour manger à leur faim. Les localités concernées sont : Podor, Matam, Ranérou, Kanel, Tambacounda et Goudiry. Le constat est du Conseil national de sécurité alimentaire (Cnsa) qui a rencontré, hier, la presse pour faire le point sur la situation de l’insécurité alimentaire au Sénégal et dans la sous-région. Etaient également autour de la table, les représentants de la Fao et du Pam, partenaires privilégiés du gouvernement dans la lutte contre ce fléau.

La situation est certes inquiétante, mais elle est très loin d’être une famine, a insisté Mme Guène Seck Camara, responsable de la Cellule d’études et de planification à la Cnsa. « Il n’y a pas de famine au Sénégal. On parle de famine lorsque, même avec l’aide humanitaire, au moins un ménage sur cinq dans la zone a un déficit complet en alimentation et/ou autres besoins de base et est clairement exposé à l’inanition, à la mort et au dénuement », a-t-elle expliqué. Selon Mme Camara, la sévérité d’une situation d’insécurité alimentaire s’apprécie sur la base d’une classification bien définie : une phase minimale, une phase sous pression, une phase de crise, une phase d’urgence et une phase de famine.

De manière globale, elle a indiqué que le Sénégal se situe dans la phase minimale qui se définit comme une situation où « au moins quatre ménages sur cinq sont capables de couvrir leurs besoins alimentaires et non alimentaires sans recourir à des stratégies d’adaptation inhabituelles ni dépendre de l’aide humanitaire ». Maintenant si aucune action n’est entreprise dans les six départements où la situation est tendue, leurs populations plongeront dans la phase de crise qui se manifeste par « un déficit alimentaire considérable et une malnutrition aiguë à des taux élevés ou supérieurs à la normale ». « Ces départements sont dans une situation où elles ne peuvent pas accéder à la nourriture sans être aidées. Actuellement, 319. 000 personnes ont besoin d’être assistées en urgence, mais d’ici juin, si rien n’est fait, 6 % de la population, soit plus de 750.000 personnes, seront dans une situation de crise », a-t-elle expliqué.

11 milliards de FCfa à mobiliser

Toutefois, si l’on en croit le secrétaire exécutif du Cnsa, Jean-Pierre Senghor, cette situation de crise ne risque pas d’arriver, car le gouvernement a pris les devants en concoctant un « plan de riposte » qui est déjà sur la table du Premier ministre. La mise en œuvre de cette sorte de feuille de route nécessite une enveloppe de 11 milliards de FCfa. « On n’attend pas que la situation se détériore, c’est pourquoi l’Etat a décidé de prendre le taureau par les cornes. Ensuite, les partenaires viendront en appoint. La situation pastorale nécessite 5 milliards de FCfa, la situation alimentaire nécessite 6 milliards de FCfa. Au total, c’est une cagnotte de 11 milliards de FCfa qu’il faut rassembler. On a mis en place des stratégies afin de ne plus être dans la réaction, mais dans l’action. On connaît les causes, on va s’y attaquer pour réduire l’insécurité alimentaire à défaut de l’annihiler », a martelé M. Senghor.

La situation d’insécurité alimentaire que vivent ces 6 départements est le résultat combiné de la faible pluviométrie et des effets des changements climatiques. Dans les 19 départements sur les 42 suivis, on note un déficit fourrager, notamment dans le nord du pays, parfois même avec un tapis herbacé inexistant. A cela s’ajoute le tarissement des mares, l’utilisation précoce des forages pastoraux, la dégradation de l’état d’embonpoint des bêtes et la transhumance précoce et massive.

Elhadji Ibrahima THIAM

Le Pam dans la distribution des bons d’achats alimentaires

Quant au Pam, le plan d’assistance qu’il a mis en place repose, d’une part, sur la distribution de coupons alimentaires aux ménages les plus vulnérables dans les départements de Podor et de Matam et, d’autre part, sur la distribution de produits nutritionnels pour les enfants à bas-âge et les femmes vulnérables (enceintes et allaitantes). Au total, 130.000 bénéficiaires ont été ciblés, soit 16.250 ménages, pour un montant total de 6,3 milliards de FCfa. La valeur des coupons alimentaires va de 5.000 à 40.000 FCfa. Cela, en fonction de la taille du ménage, avec un maximum de huit personnes par ménage ciblé. « Ces bons d’achat, sécurisés et paramétrés au nom du chef de ménage, sont distribués directement aux bénéficiaires qui les échangent auprès des détaillants sélectionnés par le Pam dans la localité contre des produits alimentaires », a expliqué Joseph Sadio du Programme alimentaire mondial. Les distributions vont démarrer début mai pour une durée de trois mois. Cependant, a précisé le chargé de programme au Pam, pour l’instant, seuls 30 % des ressources nécessaires à ce plan d’assistance sont disponibles.

Elh. I. THIAM / lesoleil.sn /

La Fao se mobilise pour sauver le cheptel

Dans ce combat, le gouvernement peut compter sur l’appui de la Fao et du Programme alimentaire mondiale (Pam). Ces deux institutions du Système des Nations unies ont, chacune en ce qui la concerne, élaboré une stratégie pour venir en aide aux populations menacées. La Fao va axer ses actions sur la revitalisation du cheptel. Cela se traduit par un appui en aliment de bétail et en médicaments (déparasitants). « Il s’agit de sauver les animaux reproducteurs pour assurer la reproduction. Pour ce faire, nous avons dégagé un fonds et apporté un appui en aliment de bétail et en couverture médicale. Cela est loin de couvrir tous les besoins, mais il fallait réagir vite parce qu’il y a déjà eu des mortalités de bétail », a indiqué Reda Lebtahi de la Fao.

L’action de la Fao s’inscrit dans le cadre de l’opération dénommée « Sauvegarde du bétail » lancée par le gouvernement. Dotée d’une enveloppe de 5 milliards de FCfa. Elle cible 25 % du cheptel des 17 départements ciblés. Il est ainsi prévu la distribution de 23.000 tonnes d’aliments de bétail et des déparasitants. « L’argent est déjà disponible. 300 millions de FCfa ont été dégagés par le ministère des Finances, 500 millions de FCfa ont été mobilisés dans le cadre du Projet d’appui au pastoralisme dans le Sahel (Praps), la Fao a donné 400 millions de FCfa et il y a plus de 2 milliards disponibles dans les comptes du Crédit agricole », a soutenu Khady Kane de la Direction de l’élevage.

Elh. I. THIAM / lesoleil.sn /