Présidentielle brésilienne: «Le guide du zizi sexuel» est lié à un complot gay»

 

Le député d’extrême droite Jair Bolsonaro a toutes les chances de figurer au 2e tour de la présidentielle au Brésil. Ce scénario, impensable il y a peu, fait aujourd’hui trembler les défenseurs de la démocratie. Le personnage est unanimement rejeté par la communauté noire ou LGBT pour cause de racisme et d’homophobie: il a notamment déclaré qu’il préférerait voir son «fils tué dans un accident plutôt qu’homosexuel».

Mardi sur le plateau de la télévision nationale, Jair Bolsonaro s’est d’ailleurs lancé dans une diatribe contre l’homosexualité. Au milieu de son intervention, le politicien a soudainement brandi un livre bien connu des lecteurs de Titeuf: «Le guide du zizi sexuel», de Zep. Visiblement très fâché, le député a affirmé, très sérieusement, que ce livre était lié à un vaste complot visant à pousser les enfants brésiliens vers l’homosexualité. Bolsonaro a ensuite ajouté que cette bande dessinée faisait partie d’un «kit gay», relève le Huffington Post.

Depuis sa sortie au Brésil, le «Guide du zizi sexuel» se retrouve au coeur d’une théorie conspirationniste. En 2016, le Ministère de l’éducation avait dû faire paraître un communiqué pour expliquer qu’il n’avait jamais distribué ce livre dans les écoles. Quant au «kit gay» auquel Bolsonaro fait référence, il s’agit en fait fait d’un «kit contre l’homophobie», distribué dans les écoles en 2011. «Le guide du zizi sexuel» n’en faisait pas partie.

Syntaxe approximative et cheveu sur la langue, M. Bolsonaro n’a objectivement rien d’un mythe vivant quand il lance entre les étals de tissu synthétique ses formules caractéristiques: «Les armes ne nourrissent pas la violence, les fleurs n’apportent pas la paix.» Pouce en l’air et sourire Gibbs, celui qui est député depuis 27 ans se prête avec grâce aux selfies. En particulier avec des femmes, dont 43% disent avoir une telle répulsion pour ce misogyne qu’elles ne voteraient jamais pour lui.

Bolsonaro est avant tout le symptôme d’une crise aiguë: les Brésiliens sont dégoûtés par la corruption, la violence et les inégalités sociales. «Que les sondages accordent près de 20% à Bolsonaro est une véritable honte», estime l’universitaire Ruy Fausto. «Il ne gagnera pas, mais il suffit de voir ce genre de vote pour comprendre que le pays va très mal.»

Discours sécuritaire

Avec 8,5 millions d’abonnés sur Facebook, Twitter et Instagram, M. Bolsonaro dispose d’une force de frappe largement supérieure aux 12 autres candidats. Il séduit les jeunes, qui n’ont pas connu la dictature: 60% de ses soutiens ont moins de 34 ans. Catholique, il courtise les églises évangéliques. Ce héraut de la loi et de l’ordre plaît aussi aux pauvres, comme aux classes moyennes, à des intellectuels. Et même parfois à gauche.

C’est son discours sécuritaire qui porte. Pour combattre la violence au Brésil qui a atteint l’an dernier le record de près de 64’000 homicides, M. Bolsonaro propose un assouplissement du port d’armes, pour les «bons citoyens». «Si jamais l’un de nous, civil ou militaire, est attaqué et riposte par 20 coups de feu, il doit être décoré et non condamné», a-t-il lancé à Madureira.

Election imprévisible

Il a fini par trouver son vice-président: le général de réserve Antonio Hamilton Mourao, qui avait affirmé en 2017 que si la situation politique continuait de se dégrader, l’armée serait obligée d«imposer une solution».

M. Bolsonaro a annoncé que s’il était élu il accorderait six ministères à des généraux. «Il veut donner aussi un plus grand rôle à la police fédérale contre le crime organisé», relève David Fleischer, professeur émérite de sciences politiques de l’Université de Brasilia. Encore faudrait-il qu’il puisse constituer une majorité pour gouverner.

L’élection brésilienne est à ce stade si imprévisible que l’hypothèse d’un président d’extrême droite n’est plus fantaisiste. «Il y a une petite possibilité qu’il soit élu», dit David Fleischer. «Cela dépend de qui sera en face de lui au 2e tour»: Marina Silva (écologiste), Ciro Gomes (centre gauche) ou Geraldo Alckmin (centre droit).»

(joc/afp)