«Gilets jaunes»: cinq questions sur un mouvement social inédit

 

Une nouvelle journée de mobilisation des « gilets jaunes » est prévue ce samedi 1er décembre partout en France. Revendications, organisation, caractéristiques : le point sur ce mouvement après deux semaines de contestation.

Depuis plus de deux semaines maintenant, les « gilets jaunes » agitent les réseaux sociaux, font la Une des journaux, occupent l’antenne des chaînes d’info en continu. Tandis que le gouvernement tente de sortir de la crise, une grande majorité de Français continuent de les soutenir, en particulier contre la hausse des taxes sur les carburants.

Si les manifestants ont obtenu quelques concessions, Emmanuel Macron a annoncé qu’il n’entendait changer ni « d’avis, ni de cap » sur sa stratégie pour la transition écologique. Le point sur cette fronde inédite, à l’issue incertaine.

■ Que demandent les « gilets jaunes » ?

A l’origine, le mouvement des « gilets jaunes » est parti de la hausse des taxes sur les carburants, prévue au 1er janvier 2019. Au fil des manifestations, de nouvelles revendications sont apparues. Reçus au ministère de l’Ecologie mardi 27 novembre, deux représentants des « gilets jaunes » ont remis à François de Rugy un cahier de doléances, établi grâce à une consultation en ligne.

Les « gilets jaunes » demandent, pêle-mêle, la réduction de la taxe carbone et de la taxe de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), l’annulation du projet de loi sur le biocarburant à l’huile de palme, l’interdiction du glyphosate, l’abandon du projet de renouvellement du parc automobile français en électrique.

Ils souhaitent aussi une consultation plus fréquente du peuple par des référendums, la promulgation des lois par les citoyens, la reconnaissance du vote blanc lors des élections, l’augmentation du SMIC et des retraites. Le mouvement prône par ailleurs la suppression des « privilèges » des élus et exige un contrôle plus strict des notes de frais.

■ Qui sont les « gilets jaunes » ?

Depuis le début de la mobilisation, historiens, géographes, sociologues se sont penchés sur ce mouvement inédit, caractérisé par son hétérogénéité, et donc difficile à classer dans une catégorie.

Afin de tenter d’éviter les caricatures, parfois relayées dans les médias, quatre chercheurs du Laboratoire toulousain d’études et recherches appliquées en sciences sociales de l’université Toulouse 3 ont analysé des milliers de commentaires, articles, et tweets de « gilets jaunes ». Au-delà des lignes partisanes, deux thèmes ressortent : les inégalités fiscales et les injustices sociales.

« Ils ont en commun de repenser la société dans laquelle ils sont. Et ils ne sont pas que des gens issus des classes sociales défavorisées, ça dépasse les classes »,détaille Brigitte Sebbah, enseignante-chercheure à l’Université Toulouse 3, coauteure de l’étude.« C’est une citoyenneté qui s’exprime avec une défiance pour le politique. »

■ Quelle est l’ampleur de la mobilisation ?

La première manifestation du 17 novembre a réuni 285 000 manifestants, avec partout en France des blocages, des opérations escargot, des barrages filtrants. Diverses actions de quelques milliers de manifestants ont continué dans la semaine qui a suivi.

« L’acte II » du samedi 24 novembre a été moins mobilisateur, avec environ 100 000 manifestants, mais a été plus agité. Des incidents ont éclaté entre manifestants et forces de l’ordre sur les Champs-Elysées. 103 personnes ont été interpellées et placées en garde à vue.

Emmanuel Macron a exprimé sa « honte » face à ces incidents, dénonçant ceux qui ont « agressé » les forces de l’ordre. Le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner a quant à lui pointé du doigt la « mobilisation de l’ultradroite » parmi les 5 000 manifestants présents sur les Champs-Elysées.

A quelques heures de l’« acte III » de la mobilisation, la page Facebook de l’événement rassemble plus de 33 000 participants et environ 133 000 personnes intéressées.

■ Comment s’organisent-ils ?

Ce mouvement est issu des réseaux sociaux et s’organise grâce à eux. Ils permettent aux « gilets jaunes » de rester en contact entre eux et d’organiser les actions sur le terrain. Certaines pages proposent du covoiturage pour venir aux manifestations à Paris.

L’enjeu pour le mouvement est d’éviter une désorganisation du fait d’un manque de structuration. Une délégation de huit « communicants officiels » a ainsi été désignée lundi 26 novembre à la suite d’une visioconférence à laquelle ont participé une trentaine de représentants régionaux.

Après un premier contact avec le ministre de la Transition écologique François de Rugy, mardi 27 novembre, les huit porte-parole ont laissé la place à deux interlocuteurs, Eric Drouet et Priscillia Ludosky. Les membres de la coordination invitent par ailleurs les « gilets jaunes » à désigner des référents départementaux pour mieux fédérer les actions.

■ Quelle est la réponse d’Emmanuel Macron et du gouvernement ?

Mardi 27 novembre, Emmanuel Macron a prononcé à l’Elysée un discours sur la transition énergétique. Il a réaffirmé son intention de « garder le cap » pour une « écologie populaire ».

Si le président ne renonce pas à la hausse des taxes sur les carburants, il propose de les ajuster en fonction des fluctuations du prix du pétrole. Déclarant comprendre la colère au sein du mouvement, il a affirmé vouloir concilier « fin du monde et fin du mois », défendant sa stratégie pour la transition écologique.

Le même jour, les deux représentants reçus par François de Rugy sont ressortis déçus, faute de propositions de la part du ministre, et ont appelé à poursuivre la mobilisation. Vendredi 30 novembre, une rencontre à Matignon entre le Premier ministre, Édouard Philippe, et les « gilets jaunes » a viré au fiasco. Seuls deux des représentants se sont rendus à leur entretien, et l’un d’eux est très vite ressorti, regrettant que la réunion ne soit pas filmée.

rfi.fr