[ENTRETIEN] Coup de projecteur sur la politique du Contenu Local de SGO.

 

Le “Local Content”, comprenez “Contenu Local”, est le terme consacré dans le secteur géo extractif à l’emploi et à l’achat local. En termes peu savants, il désigne les opportunités économiques qu’offrent les opérations minières, gazières et pétrolières. SGO va boucler cette année 2019 une décennie d’exploitation. Dans cet entretien avec Mme Aminata Ly Faye de la direction générale de SGO, votre portail www.tambacounda.info a voulu voir clair sur la philosophie de la compagnie en la matière et, surtout, sur le chemin parcouru et les perspectives. ENTRETIEN !

Tambacounda.info: Qu’elle est la philosophie de SGO en matière de Contenu Local ?

Madame Aminata Ly Faye: Notre philosophie en matière de Contenu Local découle directement de notre approche du « Partage des Bénéfices » de nos activités de façon durable, et ce, sur toute notre chaîne de valeurs. SGO se veut une entreprise d’exploitation minière socialement responsable, participative et inclusive. Nous souhaitons laisser un héritage positif qui continuera à profiter aux communautés locales pendant des générations. Au-delà de la RSE et de l’impact immédiat que nous avons sur nos communautés hôtes, nous voulons contribuer au développement d’un tissu économique structuré et de qualité dans la région de Kédougou en nouant des relations d’affaires avec les fournisseurs locaux de produits et de services. Nous sommes convaincus que c’est par le développement du Contenu Local que les populations locales tireront le plus grand profit de l’activité minière. Ce qui favorise la création d’entreprises qui génèrent des revenus indirects, et qui prospèreront bien au-delà de la durée de la vie de la mine, qui est par essence limitée dans le temps.

En matière de contenu local, nous ne pouvons pas faire l’impasse sur le recrutement de riverains de la mine. Cette politique d’emploi local est sans doute l’une de nos plus belles réussites. La moitié de nos employés proviennent de ces localités et la grande majorité d’entre eux qui n’avait pas de qualification ont été formés aux métiers de la mine.

Après près d’une décennie de production, pouvez-vous nous faire le point sur ce qui a été fait, comment il a été fait et quels sont les impacts surtout financiers ?

Après un processus consultatif qui a duré 18 mois, nous avons pu identifier les actions prioritaires qui favorisent une croissance économique durable. Parmi celles-ci, une démarche de partenariat avec les fournisseurs locaux a été mise en œuvre. Nous avons identifié à Kédougou un bassin de fournisseurs de biens et services qui présentaient des capacités leur permettant, après une mise à niveau, de pouvoir accéder à la commande de SGO. C’est ainsi que nous avons, sur fonds propres, organisé à leur profit des sessions de formation variées dans des domaines tels que la conformité comptable, administrative et fiscale, la passation de marchés, la santé et sécurité au travail, pour ne citer que ceux-là.  Ces compétences acquises, nécessaires pour que nous puissions les inscrire dans notre base de données fournisseurs, ont permis à certains d’entre eux, d’exécuter des marchés de SGO.  En 2017, à la suite de constats relatifs à des manquements qui ne permettaient pas à certaines entreprises de respecter les exigences de SGO, notamment en matière de quantité, de qualité et de délai, nous avons confié à un cabinet de Kédougou la mission d’élaborer et de mettre en œuvre un programme de formation et de coaching en gestion d’entreprise pour des fournisseurs ciblés. Ainsi, de février à octobre 2018, 15 entreprises ont bénéficié d’un plan de développement, après qu’un diagnostic précis sur leurs besoins en renforcement de capacités en matière de gestion d’entreprise ait été établi. Nous poursuivons cette démarche d’accroissement de nos achats locaux, et avons dans le cadre de la Chambre des Mines, et avec la participation des autres sociétés minières de la région de Kédougou, entamé une réflexion plus large afin qu’une approche commune des achats locaux soit mise en œuvre pour le bénéfice de tous, et en particulier celui des fournisseurs locaux. Pour ce qui est des impacts financiers de notre politique d’achat local, au cours des 3 dernières années, nous avons cumulé 1 milliard de FCFA en achats faits strictement à Kédougou.

Au niveau des alentours immédiats de la mine, nous avons accompagné la mise en œuvre de périmètres maraîchers qui produisent des produits horticoles pour leur propre consommation, mais aussi destinés à la vente. En 2018, pour la consommation des employés du camp, nous avons acheté 1 236 kg de Gombo, d’Aubergine amère (Diakhatou) et d’Oignon.

En matière d’emploi local, nous avons en 2018, embauché 1 785 personnes du village de Sabodala dont 20 femmes, et 205 du village de Khossanto dont 87 femmes, pour un total de 1990 en 2018.

Y aurait-il des contraintes à la mise en œuvre de votre politique en termes de Contenu Local ? Si oui, lesquelles ?

Les contraintes existent et sont dues pour l’essentiel à la faiblesse de l’offre locale. Bien que des avancées importantes aient été réalisées, notamment avec une structuration des fournisseurs locaux qui se sont organisés en un réseau dénommé Plafomine, et qui ont bénéficié d’une mise à niveau qui s’est traduit par un relèvement de l’offre, force est de constater que nos exigences en matière d’achat local ne sont pas satisfaites. Nous reconnaissons que ces critères peuvent paraître insurmontables pour certains produits et services qui requièrent une technicité et des équipements pointus, mais il existe une pléthore d’autres produits et services que nous devrions pouvoir acheter dans la région de Kédougou.

Les fournisseurs locaux intéressés par la commande SGO devront s’engager à respecter les cahiers de charges, notamment en ce qui a trait aux délais de livraisons et à la qualité des produits. Nos règles de fonctionnement internes devront être adaptées à certaines réalités locales sans que cela ne porte atteinte à nos opérations, notamment en matière de sécurité et de sûreté car ce sont nos premières priorités. Je pense par exemple à nos cycles de paiement qui peuvent paraitre longs pour des fournisseurs ne disposant pas d’une grande trésorerie.

Une réflexion doit être également faite avec d’autres acteurs de l’écosystème local comme les banques afin de voir comment, dans l’exemple précédent, innover en proposant des mécanismes financiers qui viendront supporter les besoins en trésorerie des fournisseurs.

A SGO, la communication sur nos besoins/notre demande doit être régulière afin que les fournisseurs puissent se positionner pour répondre aux appels d’offres. Les écarts constatés entre les appels d’offres et les réponses obtenues nous permettront, de manière continue, d’apporter des correctifs de concert avec les fournisseurs.

Quelles sont les perspectives dans le court, moyen et long terme ?

A court terme, nous développons une approche commune des minières actives dans la région de Kédougou pour relever le niveau des achats locaux au sein de nos entreprises. Nous poursuivons également les consultations avec les fournisseurs, notamment le réseau Plafomine qui est dynamique et qui a réussi à les structurer, et qui leur apporte un coaching appréciable en matière de gestion d’entreprise. Nous élargirons ces consultations aux membres de la Chambre des Métiers et de la Chambre de Commerce de Kédougou qui représentent également pour nous un bassin important de fournisseurs. Nous nous attèlerons à communiquer sur nos procédures de passation de marchés afin que les fournisseurs en comprennent bien le fonctionnement et puissent en conséquence en tenir compte dans leurs réponses aux appels d’offres.

La réflexion sur la mise en place d’outils d’accompagnement au bénéfice des fournisseurs, l’accès à notre commande sera poursuivi et se fera en consultation avec ces derniers.

Et finalement, nous souhaitons maintenir de manière permanente ce dialogue avec le secteur privé local afin que fournisseurs comme donneurs d’ordre y trouvent leur compte.

A moyen et plus long terme, l’arrivée d’autres sociétés minières en production comme PMC, élargira le champ d’action des fournisseurs locaux qui devront se positionner pour capter ces nouvelles demandes. Il est donc important que cette mise à niveau soit continue afin que les populations locales de Kédougou en soient les premiers bénéficiaires.

L’intérêt de structures étatiques comme l’ADEPME et le Bureau de Mise à Niveau pour le développement d’un tissu économique fort à Kédougou est à saluer et viendra renforcer les efforts en cours.

C’est avec ces synergies que nous pourrons tous ensemble relever le défi du Contenu Local à Kédougou.

Propos recueillis par Boubacar Dembo Tamba / www.tambacounda.info /