Soudan: Les militaires veulent une figure «indépendante»

 

Le nouveau pouvoir militaire au Soudan a appelé dimanche des partis politiques à s’entendre sur une figure «indépendante» pour devenir Premier ministre et sur «un gouvernement civil» réclamé par les manifestants. Ceux-ci ont maintenu la pression dans la rue. Trois jours après la destitution, jeudi, du président Omar el-Béchir après 30 ans au pouvoir, des milliers de Soudanais campent toujours devant le QG de l’armée à Khartoum. Ils réclament au nouveau Conseil militaire de transition qu’il cède le pouvoir à un exécutif civil.

«Nous continuerons à organiser nos sit-in jusqu’à la satisfaction de nos demandes», a clamé Omar el-Digeir, l’un des chefs de l’Alliance pour la liberté et le changement (ALC), fer de lance du mouvement de contestation qui secoue le pays depuis le 19 décembre.

«Liberté, justice et démocratie»

Le Conseil militaire de transition, qui tient désormais les rênes du pays, a semblé dimanche aller dans le sens des manifestants. Il a demandé à des responsables de partis politiques de se mettre «d’accord sur une personnalité indépendante qui deviendrait Premier ministre et sur un gouvernement civil».

«Nous voulons mettre en place un Etat civil basé sur la liberté, la justice et la démocratie», a affirmé un des membres du Conseil, le général Yasser al-Ata lors d’une réunion avec ces partis politiques à Khartoum. Peu avant, le ministère des Affaires étrangères avait appelé la communauté internationale à «soutenir le conseil militaire de transition (…) dans le but de répondre à la volonté du peuple soudanais de réaliser une transition démocratique».

Le ministère a affirmé que le général Abdel Fattah al-Burhane, à la tête du nouveau pouvoir militaire, s’était «engagé à instaurer un gouvernement entièrement civil», mais sans préciser à quelle date. «Le rôle du conseil militaire sera de maintenir la souveraineté du pays», a ajouté le ministère.

Restructuration des renseignements

Outre la formation d’un gouvernement civil, les chefs de la contestation ont demandé samedi soir aux militaires la restructuration du service de renseignement (NISS). Ce dernier a été l’acteur ces quatre derniers mois de la répression des manifestants, qui a fait des dizaines de morts, a indiqué l’ALC.

Le général Burhane a promis «d’éliminer les racines» du régime d’Omar el-Béchir. Il a par ailleurs annoncé la libération de tous les manifestants arrêtés ces dernières semaines et la levée du couvre-feu nocturne imposé jeudi par son prédécesseur, le général Awad Ibn Ouf, qui avait démissionné après une journée seulement à la tête du Conseil.

Il s’est également engagé à faire juger les personnes ayant tué des protestataires. Plus tôt dans la journée, le Conseil militaire avait annoncé la démission de Salah Gosh, le très redouté chef du NISS. «Il est crucial que les nouvelles autorités soudanaises mènent une enquête sur le rôle de Salah Gosh dans le meurtre de nombreux manifestants», a souligné l’ONG Amnesty International. Le Conseil militaire compte toutefois parmi ses dix membres plusieurs piliers du régime de Béchir, dont le chef de la police.

«Pas vraiment le choix»

Dans un communiqué samedi soir, le général Burhane a nommé au sein du Conseil l’adjoint du chef du NISS ainsi que Mohamad Hamdan Daglo, chef des opérations des paramilitaires de la Force de soutien rapide, surnommé «Himeidti» et accusé de violations des droits humains au Darfour (ouest).

«Nous n’avons pas vraiment le choix. (Les Forces de soutien rapide) ont des armes et de l’argent. Himeidti a commis des crimes par le passé mais, au moins pour l’instant, il est du côté du peuple», a expliqué un manifestant. Amnesty a appelé samedi les autorités à dévoiler rapidement le lieu où se trouve le président déchu Omar el-Béchir, 75 ans, arrivé au pouvoir après un coup d’Etat en 1989, et à le remettre à la Cour pénale internationale (CPI). En 2009, cette cour basée à La Haye avait lancé un mandat d’arrêt contre lui pour «crimes de guerre» et «contre l’humanité» au Darfour, ajoutant l’année suivante l’accusation de «génocide». Le conseil militaire a toutefois affirmé qu’il refuserait d’extrader M. Béchir ou tout autre citoyen soudanais.

(nxp/ats)