34 affaires de vidées sur 36 liées au terrorisme : Le Sénégal juge ses « Djihadistes »

 

Le Sénégal, à l’instar des autres pays de la sous-région, a reçu de plein fouet une grosse frayeur exercée par les réseaux djihadistes, même s’il est jusqu’à ce jour épargné des affres du monde de l’extrémisme violent et du radicalisme religieux.

Pendant que le Mali, terreau fertile des organisations djihadistes et des bandes de trafiquants occupant la partie septentrionale et le centre du pays, continue encore d’essuyer des massacres, attaques devant une force militaire amorphe ou impuissante, la justice sénégalaise a eu à se pencher au cours  de ces cinq dernières années dans plusieurs dossiers concernant des personnes suspectées de mener, d’entretenir ou encore de soutenir des activités terroristes. Poussant les acteurs mondiaux comme le système des Nations Unies et la presse internationale à braquer leurs regards et projecteurs sur le « pays de la Téranga ».

Gros plan sur les procès inédits de compatriotes sénégalais jugés pour actes liés au terrorisme.

Le premier présumé terroriste à être épinglé par la justice sénégalaise est l’imam Ibrahima Sèye de Kolda. Ce professeur d’Histoire-Géographie au Lycée Molo Baldé, s’emportant lors de ses virulents prêches qu’il adressait aux fidèles, s’est beaucoup illustré en traitant à l’époque les présidents Macky Sall et Emmanuel Macron de « mécréants imposteurs », ainsi que les soldats qui ont été envoyés sur le terrain du combat au Mali dans le cadre des opérations de sécurisation de la Minusma au Nord du Soudan français. Nous sommes le 5 octobre 2015.

Il fut arrêté et mis à la disposition de la justice. Le mis en cause sera condamné par la suite à un an de prison par le tribunal de grande instance de Kolda pour « apologie du terrorisme, incitation à la désobéissance militaire et à l’intolérance religieuse. » Mais jugé en deuxième instance, l’Imam Ratib purgera plutôt une peine de deux ans de prison assortie d’une amende de 200.000 FCFA. Il a humé l’air de la liberté le 12 octobre 2017. 

Après l’Imam Sèye, c’est au tour du franco-Sénégalais Ibrahima Ly et à l’étudiant Assane Kamara de répondre de crimes liés au terrorisme. Expulsé de Turquie, Ibrahima Ly est arrêté à Mbour, au Sénégal. Son dossier avait à l’époque connu des circonstances aggravantes, notamment avec son apparition, juste après les attentats de Charlie Hebdo, dans une vidéo attribuée à l’État Islamique et son passage en Syrie. Il fut condamné à 15 ans de travaux forcés le lundi 9 avril 2018 pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste et apologie  du terrorisme.

Autre affaire élucidée le même jour par la justice sénégalaise pour affaire de terrorisme, visait l’ancien étudiant à l’Université de Sherbrooke, Assane Kamara. Le supposé djihadiste a été dénoncé par sa propre mère pour pratiques douteuses après son séjour en Tunisie. Les enquêteurs avaient obtenu des documents faisant état de plusieurs virements bancaires provenant du djihadiste Abou Zaid, un redoutable combattant d’Aqmi. Cet étudiant en économie à l’Université de Sherbrooke (Québec) avait révélé le nom de son ami Atoumane Sow qui s’assurait des transactions. Au finish, Assane Kamara a été acquitté de toutes les charges qui pesaient sur ses épaules par la chambre criminelle de Dakar le lundi 9 avril 2018. Quant à son ami, il a bénéficié d’un non-lieu.

Procès le plus médiatisé sur l’histoire du terrorisme au Sénégal

Le deuxième procès lié au terrorisme est l’affaire Imam Ndao. C’est celle-là d’ailleurs qui a cristallisé le plus d’attentions. Alioune Badara Ndao à l’état-civil a été interpellé le 27 octobre 2015 à Kabatoki (centre de Kaolack) pour ses supposés liens avec des réseaux djihadistes. Ce salafiste est poursuivi pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, blanchiment de capitaux dans le cadre d’activité terroriste en bande organisée et complicité, apologie du terrorisme, détention d’armes sans autorisation administrative. Après trois ans de détention, le prédicateur écope d’une peine d’un mois de sursis le 19 juillet 2018 pour détention d’armes de second degré sans autorisation administrative avant de rejoindre son domicile quatre jours après le verdict. 

S’il y a quelqu’un qui n’a pas obtenu la clémence de dame justice, c’est bien Matar Diokhané, allias Abu Anwar qui a été enfoncé par ses rapports avec Boko Haram dont il servait la cause à Handaq (Nigéria). Le maître coranique a été condamné à 20 ans de travaux forcés pour association de malfaiteurs, crimes et d’actes de terrorisme.

Dans la foulée, le juge Samba Kane a prononcé des peines d’emprisonnement diversifié selon la nature et la gravité des accusations invoquées.

Et de 15 pour trois accusés…

De ce fait, Abdou Hakim Bao, natif de Bignona a écopé d’une peine de 15 ans de Travaux forcés  pour sa participation aux combats menés par Aqmi au Nord du Mali. Même sort pour Mohamed Ndiaye dit Abou Youssouf et Ibrahima Diallo dit Abou Omar qui sont tous accusés d’actes de terrorisme par association de malfaiteurs.

6 personnes condamnées à 10 ans de Travaux forcés

Il s’agit d’Omar Yaffa (Abou Hafsa), Abdou Aziz Dia (Abou Zoubeir), Lamine Coulibaly (Abou Jafar), Aboubacry Diallo (Abou Jandel), Cheikh Ibrahima Ba (Abou Khaled) et de Ibrahima Mballo alias Abou Moussa.

3 peines de 5 ans de Travaux forcés.

La chambre criminelle de Dakar a peut-être pris en compte un certain nombre de critères qui auraient joué en leur faveur et par conséquent les a retenus comme circonstances atténuantes : le non engagement des prévenus à des mouvements djihadistes ou encore le fait de n’avoir pas rallié les zones de combat. Il s’agit de Latyr Niang (Abou Moussa), Mouhamadou Lamine Mballo (Abou Zilkifli) et Saliou Ndiaye.

En revanche, le juge Samba Kane n’a retenu aucune charge à l’endroit de 15 prévenus. Il n’y avait pas assez de preuves pouvant établir leur appartenance, soutien ou participation à la cause du djihad. Coumba Niang, Amy Sall, Marème Sow,  Badara Sall, Daouda Dieng, Boubacar Décoll Ndiaye, Omar Keita, Mor Mbaye Dème, Mamadou Moustapha Mbaye, Alpha Diallo, Pape Kibily Coulibaly, El Hadj Mamadou Ba, Moustapha Diatta, Ibrahima Hanne et Ibrahima Ndiaye.

Ousseynou Diop, l’étudiant qui « adulait » les auteurs de l’attentat de Charlie Hebdo

Arrêté courant 2015 à Thiès après un commentaire faisant l’éloge des attentats de Charlie Hebdo, Ousseynou Diop a été jugé le 08 janvier devant le tribunal correctionnel pour apologie du terrorisme. Devant le juge, il regrette son geste et sera élargi de prison puisqu’à la prononciation du verdict, le prévenu n’écopera pas de peine de prison ferme. Il a été condamné à trois mois avec sursis. Ainsi, il recouvre la liberté après trois longues années en taule.   

 Saër Kébé, les commentaires qui fâchent – Dianko, l’imam qui fomentait un califat en Afrique occidentale

Le troisième procès jugé au Sénégal en rapport au terrorisme est l’affaire de l’élève Saër Kébé arrêté pour apologie du terrorisme et pour avoir proféré des menaces sur la page Facebook de l’ambassade des États-Unis d’Amérique, de l’armée israélienne après l’attentat contre Charlie Hebdo en 2015. Il passera quatre années derrière les barreaux avant d’être jugé par la Chambre criminelle le 27 mars. Il a écopé de trois mois de sursis pour menaces le mercredi 10 avril.

L’autre cas élucidé le même jour par la même chambre criminelle spéciale du tribunal de Dakar est celui de l’imam Boubacar Dianko, placé sous mandat de dépôt depuis 2013 pour association de terrorisme et atteinte à la sureté de l’État en relation avec une entreprise terroriste. Boubacar Dianko de son vrai nom était soupçonné  d’avoir des relations avec le djihadiste mauritanien et émir du Mujao, Hamada Ould Mouhamed Kheirou. Il sera finalement acquitté de toutes ces charges.

Des cas non encore élucidés

Sur 36 affaires portant sur le terrorisme, 34 ont été jugées. Mais il reste toujours deux cas complexes : une supposée recruteuse de djihadistes et un mineur.

En effet, la dame Aïda Sagna est accusée d’association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, de recrutement de terroristes et participation à des actes terroristes, notamment les attentats de Lybie. Extradée par les autorités libyennes suite à son arrestation à Sabratha où elle était censée se faire exploser pour le compte de l’État islamique, la jihadiste supposée a atterri en prison et attend d’être édifiée sur son sort.

L’autre dossier non encore jugé est relatif au mineur répondant au nom de Mouhamadou Seck. Il est le plus jeune parmi la bande des accusés attrait devant la chambre criminelle pour terrorisme. Le juge avait renvoyé son dossier au tribunal compétent, la juridiction spéciale pour les mineurs.

En dehors de ces sénégalais bon teint, six maliens dont cinq arabes sont placés en détention pour des activités liées au terrorisme. Mohamed Lemdessene, El Atigh Mouhamed et Béchir Moustapha Amar, Ould Sidi Mohamed Sina, Sidalamine Ould Ile Ame et Boubacar Niangadou  puisque c’est d’eux dont il s’agit, sont soupçonnés d’avoir des liens avec Mohamed Ould Nouini, l’inspirateur des attentats de Grand Bassam ou d’avoir voulu s’attaquer au Sénégal.

Ces affaires vidées ou en attente d’être jugées, renseignent sur la menace qui tape à nos portes. C’est à croire que le Sénégal présenté jusque là comme une terre exceptionnelle, est en train d’être envahi par une idéologie méconnue par nos aïeuls.

dakaractu/