Déficit d’enseignants: le mal persiste.

 

L’académie de Tambacounda traine un déficit de 166 enseignants.

 

C’est parti pour une année scolaire avec 3’240’213 élèves répartis dans 14’920 écoles et établissements. 95’048 enseignants vont assurer les enseignements/apprentissages. Les efforts de l’Etat sont orientés plus vers la construction que le recrutement des enseignants qui se fait à compte-goutte. Ce qui crée des déficits énormes dans certaines circonscriptions académiques les obligeant à fermer des salles de classes ou de mettre sur pied des classes à double flux ou multigrades.

A Vélingara, il a été noté un déficit de 90 enseignants, tous ordres confondus. La circonscription de Bambey enregistre un déficit de 100 enseignants. Dans l’inspection d’éducation et de formation de Nioro, il a été signalé un manque de 93 enseignants en langue française et 25 en langue arabe. Le département de Kaolack traine un déficit de plus de 100 enseignants. En 2017, l’académie de Matam trainait un déficit de 257 enseignants, Tambacounda avec un manque de 166 enseignants. Kolda avec un déficit de 149 enseignants. Pendant ce temps, la région de Thiès connait un surplus d’enseignants.

Dans ce cocktail de facteurs pour expliquer les contreperformances du système éducatif sénégalais, en atteste les taux d’échec des évaluations nationales, il est souvent cité le non-respect du quantum horaire impacté fortement par les grèves des syndicats, l’environnement scolaire, notamment le déficit de manuels, l’absence de toilettes, d’eau et d’électricité et la prolifération des abris provisoires. Il y a bien aussi, dans la galaxie d’une école en décadence, le déficit d’enseignants dans les circonscriptions académiques. Année après année, le mal persiste, plombant les enjeux de scolarisation et l’installation définitive, loin d’être provisoire, les classes à double flux ou multigrades.

Considéré comme le premier intrant pédagogique, l’enseignant devient de plus en plus une matière rare. Pour 3.240.213 élèves, ils sont 95.048 enseignants dans 14.920 écoles et établissements, pour 1296 heures d’enseignements/apprentissages. Dès lors, la gestion des ressources humaines devient un enjeu majeur de pilotage, leur redéploiement une question stratégique, sous le signe de l’équité et de la qualité du système. En dépit de la loi n° 2004-37 du 15 décembre 2004 qui fait de la scolarisation une obligation pour tous les enfants des deux sexes âgés de 6 ans à 16 ans, le déficit d’enseignants persiste.

C’est le secrétaire général du syndicat des enseignants libres du Sénégal/ Authentique (Sels/A), Abdou Faty, qui tire la sonnette d’alarme en déclarant qu’: «au Sénégal, il y’a un déficit cette année de 1500 enseignants. C’est déplorable  ! Cela impacte négativement sur les résultats des élèves». Il l’a fait savoir à l’occasion de la visite du ministre de l’Education Nationale, Mamadou Talla, à Rufisque.

En attendant une mise à disposition des sortants des centres régionaux de formation du personnel enseignant (Crfpe) – ils sont 1750 élèves-maitres à subir l’examen final prévu les 29 et 30 octobre dans tous les Crfpe – et les sortants de faculté des sciences et technologies de l’éducation et de la formation (Fastef), les circonscriptions devront faire face aux mesures restrictives de l’Etat imposant la baisse de recrutement d’enseignants, loin des besoins exprimés. A l’occasion de la présente rentrée académique, les autorités académiques ont alerté. A Vélingara, il a été noté un déficit de 90 enseignants, tous ordres confondus.

La circonscription de Bambey enregistre un déficit de 100 enseignants. Dans l’inspection d’éducation et de formation de Nioro, il a été signalé un manque de 93 enseignants en langue française et 25 en langue arabe. «Le département de Kaolack traine un déficit de plus de 100 enseignants. Comme l’année dernière, nous risquons également, cette année de fermer des classes, ce qui ne plaide pas pour l’atteinte des objectifs», se désole l’Inspectrice d’académie de Kaolack, Khadidiatou Diallo.

A Fatick, on observe un déficit de professeurs dans les matières dites fondamentales comme la philosophie et l’éducation physique et sportive (EPS). «Nous avons un déficit de 04 professeurs et 14 professeurs pour l’éducation physique et sportive (EPS) pour 30 lycées à l’échelle de l’académie», a fait savoir l’inspecteur d’académie Mamadou Niang. Avant de mentionner qu’il compter user du redéploiement de personnel pour combler ce déficit en faisant jouer sur les compléments horaires et les heures supplémentaires.

Dans un récent rapport du ministère de l’Education nationale en date de 2017, il a été relevé un besoin de 1.663 enseignants. La situation, indique le rapport, est alarmante dans les régions de Matam, Tambacounda et Kolda. A titre indicatif, l’académie de Matam traine un déficit de 257 enseignants. Elle est suivie par Tambacounda avec un manque de 166 enseignants. Kolda vient en troisième position avec un déficit de 149 enseignants. En revanche, pendant ce temps, la région de Thiès connait un surplus d’enseignants.

A Saint-Louis, un besoin de 247 enseignants pour le Français et 169 pour l’Arabe a été relevé en 2018. A la même année, la région de Sédhiou enregistre un déficit de 425 enseignants (65 professeurs dans le moyen/secondaire, 315 dans l’élémentaire et 45 au préscolaire). Les circonscriptions lointaines subissent les départs massifs d’enseignants vers les grands centres urbains. Le mouvement national qui donne droit aux enseignants de demander à être affectés, les rapprochements de conjoints et de conjointes, les raisons de maladie, mais aussi des interventions de responsables à tous les niveaux, est passé par là.

L’ancien ministre, Serigne Mbaye Thiam avait exprimé un besoin de 4.800 enseignants de plus en 2018 et de 3.700 salles de classes pour la même année. Par conséquent, le manque du personnel enseignant a souvent entraîné la fermeture d’écoles et la création de classes multigrades ou double flux. Pour ne pas procéder à un recrutement massif d’enseignants pour combler le gap – ce qui aura nécessairement des répercussions budgétaires, le gouvernement met en place des classes à double flux (CDF) ou multigrades (CMF), pour être en phase avec la scolarisation obligatoire de 10 ans.

Selon la COSYDEP, on compte 12 980 CMG en 2016 contre 6394 en 2006 et 2894 CDF sur l’ensemble du territoire. «Ce phénomène déteint négativement sur la qualité des enseignements apprentissages, les insuffisances et l’inadéquation du matériel et des supports didactiques, le rythme languissant de la mise en place d’infrastructures de qualité», regrette la Cosydep sur cette situation paradoxale de progression de ces classes. «Beaucoup de facteurs expliquent l’échec des classes à double flux. Ils vont de l’insuffisance du temps d’apprentissage (quantum horaire) à l’absence d’une véritable ingénierie pédagogique chez les enseignants en passant par l’irrespect des normes et l’absence totale d’activités extra – muros composante essentielle du système», explique la Cosydep.

A Kaolack, l’inspectrice Khadidjatou Diallo informe à l’occasion de la présente rentrée 2019/2020, de l’existence de plus de 300 classes multigrades. A Nioro, il a été relevé, fait savoir l’Ief Baba Thiam, 384 classes multigrades.

Ibrahima Baldé / sudonline.sn /