
Après le rejet par les eurodéputés de Sylvie Goulard, sa candidate à la Commission européenne, le président français Emmanuel Macron veut avant tout sauver ses projets de réforme de l’Union européenne, dont il a fait un de ses arguments politiques sur la scène nationale.
«C’est objectivement dur, car on se bat depuis des mois pour remettre de l’influence française dans l’UE», commente une source française à Bruxelles, qui déplore «des jeux d’appareil» alors que Paris vise une alliance des centristes du groupe parlementaire «Renew», dont font partie les eurodéputés macronistes, avec les groupes socialiste, conservateur et écologiste.
Le président français constate aussi la faiblesse au niveau européen de «Renew», dont il voudrait faire une sorte de version européenne de son parti En Marche.
Le revers de jeudi fait écho à l’impuissance de Nathalie Loiseau, tête de liste d’En Marche aux européennes, qui n’a pas pu prendre la tête de Renew après des déclarations maladroites contre ses collègues.
Emmanuel Macron a perdu un pari risqué. Il avait pourtant reçu de nombreuses mise en garde de ses proches contre le risque d’un échec de Sylvie Goulard, notamment de son allié centriste François Bayrou, président du parti MoDem et forcé de quitter le gouvernement en 2017 dans le sillage de Mme Goulard.
«Claque»
Dès l’annonce du vote négatif du Parlement européen, toute l’opposition a reproché au chef de l’État d’avoir affaibli la position française à Bruxelles en voulant imposer Mme Goulard, qui avait démissionné du gouvernement pour la même affaire d’emplois fictifs au MoDem que M. Bayrou.
Un «désaveu cinglant» selon Marine le Pen (Rassemblement National, extrême droite), quand Manon Aubry (LFI, gauche radicale) a applaudi «une victoire de l’éthique sur le fric» et Nadine Morano (LR, droite), tout comme Raphaël Glücksmann (Place Publique, gauche) parlent d’une «claque» pour le chef de l’État.
«Comment le président Emmanuel Macron a-t-il pu faire le choix d’affaiblir à ce point la position de la France en Europe et d’ignorer avec autant d’arrogance l’indispensable éthique qui doit guider nos institutions ?» a taclé Yannick Jadot (EELV, écologistes).
Lors d’une conférence de presse à Lyon (centre-est de la France) du Fonds mondial pour le Sida, Emmanuel Macron est apparu particulièrement mécontent, exposant avec agacement les assurances qu’il avait reçues d’Ursula von der Leyen d’obtenir le feu vert des groupes parlementaires.
«J’ai besoin de comprendre ce qui s’est joué, de ressentiments, peut-être de petitesses. J’aime que quand les engagements sont pris, ils soient tenus», a-t-il accusé, révélant avoir soumis trois noms à la présidente de la Commission européenne, qui aurait insisté en faveur de Sylvie Goulard.
«On m’a dit votre nom est formidable, on le prend et à la fin on me dit finalement, on n’en veut plus . Les mêmes ! Il faut qu’on m’explique!» a-t-il explosé.
Ses autres choix à l’époque étaient, selon une source bruxelloise, sa ministre de la Défense Florence Parly et l’ancienne candidate à la présidentielle Ségolène Royal. Le nom du négociateur du Brexit Michel Barnier a aussi circulé.
Portefeuille
Et maintenant, que va-t-il faire? D’abord sans doute, «avoir une discussion assez franche avec la présidente de la Commission», rapporte la source française à Bruxelles.
Le président français, pour lequel l’Europe est une priorité, veut avant tout, comme il l’a précisé jeudi, sauver le mandat promis à Mme Goulard pour la France, un vaste portefeuille du Marché intérieur, comprenant la politique industrielle, le numérique, la défense et le spatial.
Il compte sur ce levier pour relancer une politique industrielle de grands projets européens, après deux années durant lesquelles ses tentatives de relance ont piétiné, dans une Europe divisée.
La réticence de l’Allemagne l’a empêché en particulier de mettre une place un important budget de la zone euro pour relancer l’économie.
L’idée de nouveaux programmes type Airbus devait être au menu de sa rencontre avec Angela Merkel dimanche soir à l’Élysée, puis mercredi 16 octobre à Toulouse (sud-ouest), où ils visiteront le siège de l’avionneur européen.
(20 minutes/afp)