Zimbabwe: Elle transforme son salon en maternité

 

Plongé depuis une vingtaine d’années dans une terrible crise économique, le Zimbabwe voit son système de santé publique à l’agonie. Les hôpitaux manquent de moyens et par conséquent, de personnel. «Tout est au point mort», confirme un docteur. Sans formation médicale, Esther Gwenda, une grand-mère de 69 ans, s’est alors improvisée sage-femme, transformant son appartement de deux pièces de Mbare, une banlieue de Harare, en maternité.

Dans son salon où s’entassent deux vieux postes de télévision, Esther a couvert le sol en béton de grands sacs plastique pour accueillir des femmes en couche. La nouvelle s’est répandue comme une traînée de poudre. Et pendant deux semaines, dans son petit immeuble d’un étage en briques rouges, des femmes se sont succédé pour accoucher par terre.

«Tout s’est bien passé»

Une entreprise a mis à disposition des patientes de l’eau et une tente, qui, plantée dans la cour, a servi de salle d’attente de fortune. Même la première Dame, Auxillia Mnangagwa, s’est rendue sur place, avec de la nourriture, des détergents et des couvertures.

Très croyante, elle Esther avoir aidé 250 bébés à venir au monde le mois dernier, un chiffre toutefois impossible à vérifier. «Je priais Dieu pour que les accouchements se déroulent bien», explique-t-elle. «Tout s’est bien passé. Elle ne nous a même pas demandé d’argent», raconte Winnie Denhere, son nouveau-né dans les bras. Une maternité de proximité a finalement rouvert et Esther a dû cesser ses activités sur ordre des autorités.

Ce qu’elle a fait, au désespoir de futures mères qui disent avoir plus confiance en «ambuya» (grand-mère) Esther qu’aux établissements hospitaliers. Car les hôpitaux sont devenus un «piège mortel», affirment les médecins du public.

Deux patients au lieu de dix

«Les gens qui meurent sont devenus la norme à l’hôpital», assure Raphael Magota, vice-président de l’association des médecins des hôpitaux, qui a défilé avec des dizaines de collègues grévistes mercredi pour dénoncer leurs conditions de travail. Le mouvement social lancé en septembre s’enlise. Le gouvernement a licencié 448 médecins grévistes.

En plus de personnel insuffisant, les hôpitaux manquent de matériel, même le plus élémentaire, comme des gants. Et quand ils sont disponibles, ils ne sont pas toujours à la bonne taille. «Pour des opérations délicates, on a besoin de gants parfaitement adaptés», insiste le médecin. «A l’hôpital central d’Harare, faute d’équipement, les soins intensifs ne peuvent accueillir que deux patients, au lieu de dix».

Le ministre de la Santé, Obadiah Moyo, reconnaît que la situation est compliquée, mais assure que le gouvernement va bientôt afficher les postes laissés vacants par les médecins licenciés.

Le temps presse car le système privé n’est pas une option pour la majorité des Zimbabwéens. Ils peuvent à peine se payer un repas par jour. Dans ces conditions, explique le médecin, «les gens meurent chez eux».

(afp)