Diplomatie: Le Hamas cherche des alliés à l’étranger

 

Égypte, Turquie, Malaisie: le mouvement islamiste Hamas a multiplié ces derniers jours les visites diplomatiques à l’étranger pour accroître ses appuis et asseoir sa légitimité comme interlocuteur palestinien «pragmatique», estiment des analystes. Il reste toutefois classé comme organisation «terroriste» par de nombreux pays. Durant sa première grande tournée internationale depuis qu’il a été promu il y a un peu plus de deux ans chef du bureau politique du Hamas, Ismaïl Haniyeh cherche à renforcer le soutien de ses alliés, mais aussi à en trouver de nouveaux.

Ismaïl Haniyeh a rencontré des hauts responsables au Qatar, émirat proche de la mouvance des Frères musulmans, dont le Hamas est issu. Il s’est également rendu en Égypte, pays frontalier de la bande de Gaza qui a participé aux négociations ayant mené à une trêve en 2018 entre Israël et le mouvement islamiste.

Le chef du bureau politique du Hamas a également rencontré samedi dernier à Istanbul le président turc, Recep Tayyip Erdogan, et a participé jeudi à une rencontre de dirigeants de pays musulmans à Kuala Lumpur, en Malaisie, parmi lesquels le président iranien, Hassan Rohani.

«Pour un cessez-le-feu de long terme»

Classé comme organisation «terroriste» par les États-Unis et l’Union européenne, le Hamas a affronté Israël dans trois guerres entre 2008 et 2014.

Pour Mukhaimer Abou Saada, professeur de science politique à l’Université Al-Azhar de Gaza, cette tournée d’Ismaïl Haniyeh «n’est pas une visite ordinaire». Le Hamas, dit-il, «cherche à renforcer ses relations régionales et trouver du soutien pour un cessez-le-feu de long terme avec Israël».

Selon une source au sein du Hamas requérant l’anonymat, Ismaïl Haniyeh et Recep Tayyip Erdogan ont discuté de la possibilité pour le mouvement palestinien d’ouvrir un bureau en Turquie. Le Hamas a longtemps disposé d’un bureau en Syrie, et dispose actuellement d’une antenne au Qatar, mais demeure généralement persona non grata.

«Il y a une promesse [de la Turquie] d’étudier la demande pour un bureau» du Hamas en sol turc, a indiqué cette source. Mais un bureau du Hamas sur les rives du Bosphore pourrait causer des maux de tête diplomatiques à la Turquie, membre de l’OTAN comme les États-Unis et nombre de pays européens.

Hamas moins dogmatique

Selon des responsables israéliens, le Hamas – resté à l’écart de la dernière flambée de violences en novembre entre Israël et un autre groupe armé palestinien, le Jihad islamique – est moins dogmatique qu’autrefois.

Le mouvement, qui contrôle la bande de Gaza, avait donné son accord l’an dernier à une trêve avec Israël en vertu de laquelle l’État hébreu doit alléger le blocus qu’il impose depuis douze ans, et permettre notamment l’entrée de millions de dollars d’aide mensuelle par le Qatar, en échange du calme.

Cette trêve reste toutefois fragile: l’aviation israélienne a mené jeudi soir des frappes contre des installations du Hamas, pour la deuxième fois en 24 heures, après un nouveau tir depuis l’enclave, selon l’armée.

Et plus pragmatique

En outre, cet accord de trêve et les pourparlers entre le Hamas et Israël dérangent l’Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas, au pouvoir en Cisjordanie occupée, qui y voit une volonté des Israéliens et de leurs alliés américains de vouloir diviser les Palestiniens pour mieux régner.

«D’une certaine façon, le Hamas s’est positionné comme le plus pragmatique des acteurs politiques palestiniens», contrairement à Mahmoud Abbas, qui serait de plus en plus intransigeant face aux Israéliens et aux Américains, estime Hugh Lovatt, chercheur au centre d’analyse du Conseil européen des relations internationales.

«Ils [le Hamas] maintiennent le calme à Gaza», dit-il.

«Un arrangement entre ennemis»

Pour Ofer Salzberg, expert ès Moyen-Orient à l’International Crisis Group, la trêve entre Israël et le Hamas s’inscrit dans le contexte plus large d’un «changement» d’attitude de la mouvance des Frères musulmans à l’égard de l’État hébreu.

«Aucun signe ne laisse présager que [le Hamas] va accepter Israël comme un fait permanent, mais il existe des indications montrant qu’il est prêt à l’accepter à moyen terme et à tenter de trouver des arrangements avec lui», explique-t-il.

Et Israël bénéficie aussi, selon lui, de ces arrangements, car malgré des affrontements sporadiques, l’État hébreu et le mouvement islamiste ont évité une quatrième guerre au cours des cinq dernières années.

Cela dit, Israël ne souhaite pas non plus «légitimer le Hamas» et transformer la trêve en vigueur en vaste accord de paix, estime Ofer Salzberg, jugeant qu’«il s’agit d’un arrangement avec un ennemi».

(nxp/ats)