
Au lendemain de la présidentielle au Togo, le candidat de l’opposition Agbéyomé Kodjo a dénoncé des «irrégularités». Il assure pouvoir gagner face au président sortant Faure Gnassingbé, en lice pour un 4e mandat, et dont le parti garde un fort ancrage territorial. L’outsider de l’opposition Agbéyomé Kodjo, ancien Premier ministre et président de l’Assemblée nationale, a créé la surprise samedi soir, après le début du dépouillement, notamment à Lomé, la capitale. Dans cette ville, il a largement devancé le parti historique de l’opposition, l’Alliance nationale pour le changement (ANC Son domicile, ainsi que celui de son principal soutien, l’ancien archevêque de Lomé, Mgr Kpodzro, ont ensuite presque aussitôt été encerclés par les forces de l’ordre, qui ont affirmé vouloir garantir leur sécurité.
«Vu les dénonciations de fraudes qui ont émaillé ce scrutin, il est impossible au candidat sortant – le président Faure Gnassingbé – d’être élu au 1er tour», a déclaré Agbéyomé Kodjo à la presse. «J’ai la conviction que dans la semaine à venir, je dirigerai ce pays», a-t-il ajouté.
Bourrages d’urnes
Le scrutin s’est déroulé dans le calme, mais la société civile a recensé des bourrages d’urnes et des inversions de résultats. Des délégués de l’opposition se sont également vu refuser les accès dans certains bureaux de vote et internet a été coupé par intermitence dans la capitale ou totalement dans certaines régions sensibles.
Ces incidents s’ajoutent au retrait d’accréditation de nombreux observateurs ainsi qu’à l’abandon du système de sécurisation électronique des résultats quelques jours avant le vote.
Pas encore de résultat officiel
Aucun résultat officiel n’a été communiqué pour le moment, mais le candidat du Mouvement patriotique pour le développement et la démocratie (MPDD), M. Kodjo, affirme avoir une large avance dans les régions Maritime (Sud) et Plateaux (centre-sud), être au coude à coude le parti au pouvoir Union pour la République (Unir) dans le centre et avoir réalisé de très bons scores dans les Savanes (nord).
Selon des informations obtenues par l’AFP, les régions nord et centre avaient connu peu d’engouement pour le vote, mais Unir y maintenait une légère avance.
Coup pour l’opposition traditionnelle
Une chose est certaine, c’est qu’Agbéyomé Kodjo a siphonné les voix de l’opposition traditionnelle de l’ANC, qui a d’ailleurs reconnu sa défaite dès samedi soir, par un bref communiqué.
C’est un coup de massue pour son chef Jean-Pierre Fabre, rival historique du chef de l’Etat, à qui on reproche de ne pas avoir su tirer profit des manifestations monstres de 2017-2018 où des dizaines de milliers de personnes sont régulièrement descendues dans les rues pour demander la démission de «Faure».
«Vous avez vu non, on a donné nos votes à Agbeyome. C’est un vote sanction pour Fabre. On l’a soutenu en 2005, en 2010, en 2015 et il nous a trahi», déclaraient des électeurs surexcités à Bè, quartier de Lomé acquis à l’opposition.
2e tour peu probable
Les candidats de l’opposition avaient assuré qu’ils s’allieraient en cas de second tour pour faire barrage au président sortant, mais aucun n’a fait de déclaration officielle dans ce sens.
La possibilité d’un second tour, si aucun des candidats n’obtient de majorité, pourrait être préjudiciable pour Faure Gnassingbé. Mais ce scénario reste peu probable dans un pays où le parti au pouvoir garde un ancrage extrêmement important à tous les postes administratifs et au sein du pouvoir traditionnel.
«Dire non à Unir, c’est refuser de manger», expliquait un cadre associatif de Dapaong, dans l’extrême nord du pays.
Faure Gnassingbé a été propulsé au pouvoir par l’armée en 2005 après le décès de son père, le général Gnassingbé Eyadéma, qui avait lui-même dirigé le Togo pendant 38 ans. Il a ensuite remporté les élections de 2005, 2010 et 2015 dans des scrutins contestés par l’opposition.
(nxp/ats)