France: Le procès des époux Fillon se termine dans le silence

 

Le tribunal correctionnel de Paris rendra le 29 juin son jugement au procès de l’ancien Premier ministre François Fillon et de son épouse Penelope, qui étaient jugés depuis trois semaines dans l’affaire des soupçons d’emplois fictifs de Mme Fillon. Invité à s’exprimer une dernière fois devant les juges, François Fillon, contre lequel l’accusation a requis cinq ans de prison dont deux ferme, n’a rien souhaité ajouter, pas plus que sa femme. La défense a plaidé la relaxe.

Une «enquête folle»

«Un roman», une enquête «à charge»: au dernier jour du procès, la défense s’est évertuée mercredi à démonter les soupçons d’emplois fictifs de Mme Fillon et à livrer sa «vérité».

Les six avocats du couple Fillon et de Marc Joulaud, ancien suppléant de François Fillon à l’Assemblée nationale, ont plaidé tour à tour la relaxe générale, au lendemain d’un féroce réquisitoire du parquet national financier (PNF), qui a demandé cinq ans de prison, dont deux ferme, contre un François Fillon «cynique», appâté par le «gain». Le jugement sera rendu le 29 juin.

Offensif, l’avocat de l’ex-candidat de la droite à la présidentielle, Antonin Lévy, s’est élevé contre un «brûlot», une «enquête folle», ouverte en janvier 2017 en pleine campagne présidentielle, après un article du Canard enchaîné.

«Onze perquisitions», dont «une double» à l’Assemblée nationale, «44 personnes entendues», a rappelé l’avocat. Citant nommément chacune d’elles, il a ridiculisé certains des témoignages, balayé les autres jugés «pas pertinents» pour dire si l’emploi de Mme Fillon comme collaboratrice parlementaire était ou non fictif.

Pourquoi n’avoir pas donné suite aux témoignages plus favorables ? interroge Me Lévy. Car «pour pouvoir être entendu, et vite, il faut dire que Penelope Fillon n’a pas travaillé», a-t-il taclé.

Ces «choix» ont selon l’avocat «contraint» la défense à «un stratagème»: verser aux débats, et non lors de l’enquête, plusieurs dizaines de témoignages surprise attestant de la réalité du travail de Penelope Fillon.

Pour ses emplois d’assistante parlementaire, Mme Fillon a perçu 613.000 euros nets d’argent public entre 1998 et 2013.

Presque aucune trace des missions qui lui ont été confiées n’a été retrouvée, preuve de leur «fictivité» pour l’accusation, qui a requis trois ans de prison avec sursis et 375.000 euros d’amende contre l’épouse de l’ancien Premier ministre.

Deux ans avec sursis et 20.000 euros d’amende ont par ailleurs été demandés contre Marc Joulaud, maire de Sablé-sur-Sarthe et candidat à sa réélection.

«Violence inouïe»

«On a beaucoup glosé sur l’oralité du travail de Penelope Fillon et l’absence des traces», a souligné Antonin Lévy. Mais d’autres collaborateurs de François Fillon n’ont «rien conservé» des comptes-rendus qu’ils ont pu faire au député, «sans considérer qu’ils avaient un emploi fictif».

Le rôle de collaboratrice parlementaire de Mme Fillon n’était connue que d’un petit cercle ? Mais «neuf personnes, neuf» connaissaient cette qualité, dont les aînés du couple, a pointé Me Lévy, s’attachant à pilonner un à un les éléments à charge de l’accusation.

Il a également demandé au tribunal de «prendre en compte» la séparation des pouvoirs, souvent brandie par François Fillon, selon laquelle le juge ne peut pas interférer sur les tâches confiées par un parlementaire à ses collaborateurs.

Mme Fillon était «les yeux et les oreilles de son mari», entretenait le lien entre le député et les «électeurs des cantons ruraux», avait assuré l’un de ses avocats, Pierre Cornut-Gentille.

«Tout homme politique important aime avoir auprès de lui quelqu’un qui ne fait pas carrière, qui est extérieur à ses ambitions politiques», avait-il ajouté, vilipendant par ailleurs la «violence inouïe» de l’accusation, qui a présenté Mme Fillon comme la «victime consentante» des agissements de son mari.

Dans la matinée, la défense avait plaidé la prescription des infractions reprochées. A ses yeux, les contrats de Penelope Fillon n’étaient pas «dissimulés» au sens de la loi puisqu’ils étaient déclarés aux organismes sociaux et à l’Assemblée. Dès lors, le délai de prescription de trois ans commence à courir au moment de ces contrats, pas de la révélation de l’affaire par le Canard enchaîné, donc les poursuites engagées en 2017 étaient trop tardives.

De même pour l’emploi de Mme Fillon à la Revue des deux mondes du milliardaire Marc Ladreit de Lacharrière, dûment déclaré.

L’affaire avait atomisé la campagne présidentielle de François Fillon, alors donné favori. «J’ai souvent entendu dire que dans ce dossier vous ne pourriez que condamner parce que si vous ne condamniez pas, cela voudrait dire que l’élection aurait été confisquée au peuple français. Je suis intimement convaincu qu’il n’y a aucune raison de vous faire cette injure», a conclu Me Antonin Lévy.

(nxp/afp)