COVID-19 : LE TEMPS DE L’ÉTAT ET L’ÉTHOS DE LA RÉPUBLIQUE

 

Le monde entier est en lutte contre la Covid-19. Le Sénégal a su mettre en place une grande intelligence de concertation qui donne confiance dans le combat que nous menons pour repousser le virus. Le Président Sall l’a bien dit : « nous ne baisserons pas la garde ! ».

La pandémie expose tout le monde à la maladie, et les plus vulnérables à la maladie et à la pénurie. Cette pandémie aura des répercussions économiques. La baisse de l’activité marchande liée au développement de la maladie accentue les inégalités sociales et expose les plus vulnérables à une
plus grande exclusion. Dans ce contexte, on ne peut qu’être rassuré de voir une chaîne de solidarité inédite se lever dans notre pays. La solidarité est un facteur de réussite collective. La production de la richesse et la croissance économique qui ne s’accompagnent pas de la solidarité de la nation, sauraient-elles s’inscrire dans la vision de l’émergence qui est prônée par le Président Macky Sall depuis son accession au pouvoir ?

Il est évident que la population est en train de réapprendre sous l’action du gouvernement et des institutions ce que sont l’État et la république. La population se rend compte que l’État est la vraie incarnation du pouvoir et que c’est lorsque l’État n’assume pas son leadership et lorsque ses institutions ne sont pas fortes pour relever les défis urgents et parfois inédits que le peuple sombre dans l’angoisse , l’inquiétude, le désarroi.

En répondant à l’appel du Président Macky Sall, en adhérant à sa démarche, toutes orientations politiques confondues, le peuple sénégalais laisse transparaître une demande forte : un État fort, mais démocratique et une autorité qui sait écouter , fédérer et qui donne confiance en la solidité des institutions capables d’être au service de tous les citoyens. Cette forte mobilisation et la posture de hauteur pour l’intérêt supérieur de la nation affichée par les politiques redonneront goût à l’engagement politique. En effet, voir ce qui se déroule sous nos yeux, appuyé par la forte majorité des leaders politiques, cela ne manquera pas d’atténuer le cynisme observé ces dernières années, de la part de plusieurs citoyens, surtout des jeunes, à l’endroit de la classe politique. Le défi sera de savoir être un État fort, une autorité forte mais de demeurer démocratique, car la gestion de la pandémie ne devrait pas justifier des abus.

A bien y regarder, plusieurs attitudes semblent s’être manifestées dans la gestion de la crise de la Covid-19. La première fut celle du « déni » que le Président Sall a su immédiatement contenir, lorsque certains ont voulu banaliser la réalité de l’épidémie. Le Président Sall a su être ferme et bon négociateur pour étouffer cette attitude. L’autre attitude notée a été « le catastrophisme » qui pouvait installer la panique et faire le lit du discours eschatologique, du discours de la fin et de l’horizon bouché. C’est d’ailleurs cette lecture que plusieurs ont semblé percevoir dans le discours maladroit et précipité du SG des Nations Unies, alors que l’on sait encore peu du fonctionnement du virus en contexte tropical . La troisième attitude est celle de « la prise en compte ». Elle consiste à reconnaître que le phénomène existe mais à penser que la solution est hors de portée. C’est la posture de l’attentisme, de la fatalité, du désengagement. Une quatrième attitude que le pouvoir a su forger et installer dans l’espace public et qui fera surement le succès de notre résilience est celle de la « la prise en charge ». Elle inclut, bien sûr, la prise en compte du phénomène. Elle ne récuse pas l’invocation de Dieu et des saints mais elle met les acteurs, les citoyens concernés par le péril, au cœur de l’action pour élaborer les conditions de la sortie de la crise. Le pouvoir, avec l’appui des différents segments de la population, a joué sa partition et a mobilisé les Sénégalais autour de l’impératif de l’ engagement collectif pour respecter les consignes préventives et agir ensemble pour contenir l’ennemi. Ce qui aujourd’hui nous fait résister et espérer, c’est que le Président Sall est en train de bâtir (et il faut souhaiter que cela continue), avec l’appui de l’ensemble des Sénégalais, une intelligence collective de concertation et de production du sens social public qui ancre au cœur de la gouvernance la centralité, l’autorité de l’État et du politique, accompagnée de l’expertise scientifique ( ici le savoir médical), de l’apport pluriel et non partisan de la société civile mais aussi du savoir religieux dans sa capacité de relecture des textes sacrés devant des situations complexes, inédites et dans le cadre de la république une et indivisible. Ce que le sens social public découvre, mais qui était déjà inscrit dans le fiqh, c’est la capacité d’accommodement de l’islam qui est une religion d’une grande intelligence de modulation de la norme pour toujours garder son principe premier qui est d’être au service de la vie et de l’humanité. Nous sommes en train de vivre une rencontre heureuse, équilibrée et complémentaire entre les responsabilités de l’État, de la science et du religieux.

Dans son adresse à la nation du 3 avril , le Président de la république a renvoyé à une conséquence majeure de la pandémie. « Nous devons encore produire plus, et mieux consommer sénégalais pour être moins dépendants des marchés extérieurs », a-t-il souligné. L’expression de « démondialisation » a été utilisée par quelques scientifiques pour dire que la mondialisation continuera, mais ne sera plus ce qu’elle était. Elle va vivre des mutations. Nos pays africains devront tirer des leçons de cette éprouvante période pour repenser nos économies nationales et surtout notre dépendance marquée envers les marchés étrangers. Cette crise est ainsi l’occasion de « nous révéler à nous-mêmes », de pousser notre force de travail, notre inventivité, notre fierté pour produire chez nous les éléments essentiels qui nous protègent d’être à la merci des autres durant des moments de crise, alors que chacun est amené à penser avant tout à soi. Toute nation responsable doit aujourd’hui savoir qu’elle ne peut ne pas s’inscrire dans des réseaux internationaux mais aussi qu’elle doit prendre son destin en main. Et cela, elle ne peut le réussir et être libre qu’en produisant chez elle ce qui assure sa sécurité alimentaire, énergétique, sanitaire ainsi que le fonds de connaissances scientifiques, techniques et managériales pour former, innover, anticiper et bien accompagner les politiques économiques, sociales et culturelles.

Par Khadiyatoulah FALL
Professeur UCAC

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