
Le Président malgache l’a fait connaître au monde entier, pourtant l’Artémisia est une plante cultivée à Thiès depuis 2007.
Méconnue des Sénégalais, l’Artémisia est finalement entré dans les registres de l’histoire médicinale après que le président de la République de Madagascar, André Rajoelina, a annoncé au monde son remède miracle contre le Coronavirus. Pierre Van Damme, ingénieur agronome Belge établi à Thiès, vante les vertus curatives de l’Artémisia même s’il reconnaît qu’il n’y a pas encore de preuves scientifiques attestées. «Il n’a pas été prouvé scientifiquement que la plante soigne le Covid-19. Mais il a été avancé que certaines personnes ont été traitées avec ce remède et cela a très bien marché. Car dans l’Artémisia, il y a beaucoup d’antirétroviraux», renseigne-t-il. L’agronome belge note que dans certains dispensaires du Sénégal, l’Artémisia est utilisé pour guérir le paludisme. Pierre Van Damme est à la fois le représentant de la Maison de l’Artémisia et du Lion Vert partenaire du Relais au Sénégal.
La Maison de l’Artémisia, fondée par Lucile Cornet Vernet, est une association humanitaire française de lutte contre le paludisme par les Artémisia annua et afra, à destination des populations du Sud. Le Lion Vert appartient au Relais, une entreprise de friperie en France. Présent dans 23 pays, principalement en Afrique de l’Ouest, le Lion Vert est implanté dans les pays de l’Afrique depuis 2000. Toutefois, Pierre Van Damme a débuté son expérience au Sénégal avec la culture de l’Artémisia, il y a 4 ans en tant que membre du pôle recherche agronomique.
Contre le paludisme, les maux de tête, la fièvre ou les règles douloureuses
Les cultures de cette plante se font dans un projet maraîcher dans le département de Tivaouane dans des villages de la commune de Pambal. Les premières plantes de l’armoise annuelle (appellation française de l’Artémisia annua) ont germé au Sénégal vers 2007. «Nous avons à Tivaouane une exploitation d’un hectare. Nous y cultivons aussi du nebedaï (never day) ou ‘’Sap-sap’’, de la papaye, de l’Artémisia, des citronniers, des manguiers, du gombo etc…», confie-t-il. Il fera remarquer que l’Artémisia a été introduit vers 2010 à l’Ecole nationale supérieure d’agriculture (Ensa) de Thiès. Et en 2014-2015, il y a eu la première création de la Maison d’Artémisia. «Il y a deux types d’Artémisia. L’Artémisia annua originaire de Chine, sous forme d’infusion, est une plante utilisée depuis des millénaires dans la médecine traditionnelle chinoise. Elle présente des propriétés en matière de lutte contre le paludisme, mais aussi par rapport aux maux de tête, fièvre, acidité de l’estomac, règles douloureuses etc. Sa variété africaine qui a vu le jour en Afrique du Sud est l’Artémisia afra», confie-t-il. Toutes les deux ont des propriétés contre le paludisme. Mais l’Artémisia afra est surtout utilisé pour soigner la maladie à Coronavirus en Afrique. Aujourd’hui, la Maison de l’Artémisia a demandé le lancement d’un essai clinique dans tous les pays pour venir à bout de la maladie à Coronavirus, surtout que l’Artémisia annua (Qinq Hao) vient d’être largement utilisée en Chine pour combattre le Covid-19. Il contient 4 molécules actives in vitro contre le Covid-19, notamment le lutéoline, kaempferol, quercétine et apigénine.
Sorti à 2 500 FCfa, le médicament est revendu entre 5 000 et 15 000 FCfa
Le Lion Vert emploie 30 personnes qui travaillent entre le périmètre maraîcher à Tivaouane et l’unité de conditionnement à Diamniadio. Aujourd’hui, l’entreprise peine à satisfaire ses commandes. Le Lion Vert qui écoulait sur le marché 4 000 sachets par mois, distribue cette même quantité en un jour. «Nous sommes à 3 000 paquets par jour. Et il y a deux conditionnements possibles. Le premier conditionnement concerne le vrac pour des sachets de 50 grammes vendus à 2 000 FCfa l’unité. Le deuxième conditionnement est sous forme de sachets Lipton contenant 20 gélules d’infusion vendus à 2 500 FCfa», signale-t-il. Mais Pierre Van Damme est ulcéré de constater que des revendeurs qui acquièrent le sachet à 2 000 FCfa, en arrivent à le vendre à 15 000 FCfa à des gens qui veulent se prémunir du Covid-19. «Le Lion Vert a en moyenne une production de 2 000, voire 3 000 paquets par jour. Une production qui demeure insuffisante en raison de la forte commande. Je signale que le Lion Vert n’est pas une usine pharmaceutique. Nous sommes une petite entité qui répond à une petite demande», précise-t-il. Aujourd’hui, les commandes de paquets d’Artémisia ont flambé. Il pense que la meilleure publicité de cette plante, c’est son efficacité. Il note que ni le gouvernement du Sénégal ni aucun autre pays ne lui a fait de commande. «On fonctionne avec des points de vente et des revendeurs à Thiès, à Kaolack, à Dakar et un peu partout dans l’intérieur du pays. On nous passe beaucoup de commandes. Chaque vendeur qui écoulait 100 paquets par jour peut maintenant vendre 2 000 à 3 000 paquets par jour. Le Lion Vert a épuisé tout son stock depuis qu’il a été signalé que l’Artémisia guérit le Covid-19», souligne-t-il. Il fera remarquer qu’avant même l’annonce du Président du Sénégal, certaines personnes avaient déjà trouvé que l’Artémésia pouvait aider à prévenir contre le Covid-19. Et le Lion Vert a eu une grosse demande d’Artémisia. «On a évacué tout notre stock. On produit maintenant au jour le jour. Si on produit 2 000 paquets, demain matin on n’a plus rien. La demande est énorme», se réjouit-il.
Le veto des industries pharmaceutiques
Pierre Van Damme est d’avis que l’Artémisia n’est pas apprécié de l’industrie pharmaceutique. «C’est une plante qui marche bien mieux pour le paludisme que les médicaments vendus en pharmacie. Cette plante a d’énormes vertus médicinales. Certains lobbies pharmaceutiques ne veulent pas qu’on en parle», s’offusque-t-il. De fait, les experts en santé ne se sont pas encore prononcés de manière tranchée sur le sujet.
OUSSEYNOU MASSERIGNE GUEYE / igfm