Salvador: Une «bombe à retardement» carcérale

 

Les détenus membres de bandes criminelles rivales seront désormais regroupés dans les mêmes cellules des prisons du Salvador : une décision à haut risque qui pourrait provoquer des mutineries et des assassinats dans les centres de détention surpeuplés du pays, selon des défenseurs des droits de l’homme. Les autorités ont annoncé dimanche 26 avril qu’elles mettaient fin à la politique carcérale en vigueur depuis 2002 qui consistait à emprisonner séparément les membres des terribles «maras» rivales.

Cette décision intervient alors que ces gangs ont repris de plus belle ces derniers jours leurs activités criminelles, mises jusque-là en veilleuse en raison des mesures de confinement ordonnées pour contenir la propagation de l’épidémie de Covid-19.

«Les cellules séparées pour les détenus d’un même gang dans les centres de détention, c’est terminé», a annoncé dimanche sur son compte Twitter Osiris Luna, le vice-ministre de la Justice, en charge de l’administration pénitentiaire. Consulté par l’AFP, le ministère a refusé d’indiquer quel est l’objectif de cette décision.

«L’unification des gangs (dans les cellules) (…) fait courir un risque absolu de mutineries ou d’assassinats sélectifs ou collectifs» dans les prisons, a averti Miguel Montenegro, coordinateur de l’ONG Commission des droits de l’homme au Salvador (CDHES). C’est «une bombe à retardement» qui peut «exploser» à tout moment, s’est alarmé M. Montenegro en faisant porter d’avance sur le gouvernement la responsabilité des conséquences éventuelles.

Pour illustrer la mise en œuvre de sa décision, le vice-ministre a publié sur Twitter des photos de détenus des puissantes bandes rivales Mara Salvatrucha et Barrio 18 rassemblés.

Vague d’assassinats

Cette décision intervient après que les autorités ont signalé que les gangs avaient tué 22 personnes vendredi, 12 samedi et encore cinq dimanche. Cette vague d’assassinats rompt avec le coup de frein constaté dernièrement à la faveur des mesures de confinement. «Les «maras» profitent de ce que presque toutes nos forces de sécurité sont occupées à contrôler la pandémie», s’est indigné dimanche sur Twitter le président salvadorien, Nayib Bukele. La veille, il avait déclaré l’état d’urgence dans les centres pénitentiaires dans le but d’éviter que les détenus ne puissent faire passer à leurs troupes à l’extérieur des ordres de commettre des crimes.

Plus de 17’000 membres des «maras» sont emprisonnés au Salvador, sur un effectif total estimé à 70’000 gangsters qui se livrent surtout au racket et au trafic de drogue. Le Salvador (6,6 millions d’habitants) est l’un des pays les plus dangereux au monde, hors zones de conflit armé, avec une moyenne en 2019 de 35,6 meurtres pour 100’000 habitants. La majorité de ces homicides sont imputés aux «maras».

(AFP)