COVID-19: RAPATRIEMENT DES CORPS DES SENEGALAIS: La diaspora traduit l’état devant… l’ONU

 

La Cour suprême a rendu son verdict! Les corps sans vie de Sénégalais décédés du coronavirus à l’étranger ne seront pas rapatriés. La plus haute juridiction a rejeté, hier jeudi, la requête en référé-liberté du Collectif pour le rapatriement des dépouilles des Sénégalais décédés du Covid-19 à l’étranger. Non satisfait de cette décision, motivée par une absence de caractère «scientifique», les requérants annoncent une saisine du Comité des droits de l’homme des Nations unies (Onu)..
La Cour «rejette les requêtes formées par Me Assane Dioma Ndiaye et autres», jugées «irrecevables». C’est la Cour suprême, à travers l’audience de sa Chambre administrative, présidée par Abdou Ndiaye, hier jeudi, qui déboute ainsi le Collectif pour le rapatriement des dépouilles de Sénégalais décédés de Covid-19 à l’étranger. Selon le juge, «il y a un risque probable et plausible de contagion» lié à la manipulation des dépouilles.

Le collectif, présent dans plus de 30 pays, a attaqué la décision du gouvernement du Sénégal d’interdire le retour des corps de nos compatriotes ayant succombé à la pandémie devant la Cour Suprême, mardi dernier 5 mai. Et, dans les pièces du dossier, par exploit en date du 06 mai 2020, il est mentionné que «des citoyens sénégalais et certaines associations avaient signifié à l’Agent judiciaire de l’Etat, une requête aux fins de référé liberté tendant à : juger que la décision de l’Etat du Sénégal interdisant le rapatriement des corps des nationaux décédés à l’étranger du Covid 19, porte une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales, notamment la liberté religieuse, la liberté de conscience ; enjoindre l’Etat du Sénégal, d’autoriser le rapatriement et l’inhumation au Sénégal des dépouilles des sieurs D. M. et M. L, décédés respectivement à Paris et en Italie ; enjoindre l’Etat du Sénégal, de prendre toutes mesures d’accompagnement utiles, à chaque fois que les familles demandent le rapatriement au Sénégal des corps des ressortissants sénégalais décédés à l’étranger du Covid-19».

Toutefois, la défense du Collectif pour le rapatriement, en lien avec un Réseau d’avocats sénégalais de la diaspora (Rafsen), ne s’avoue pas vaincu. Au contraire, elle compte «poursuivre le combat jusqu’au bout». «Nous allons saisir le Comité des droits de l’homme des Nations unies (Onu). Celui-ci prévoit certes la possibilité de restriction, dans une certaine mesure, des droits de l’homme, mais il faut rappeler que le Sénégal, jusqu’à présent, n’a pas fait sa déclaration», a déclaré Me Abdoulaye Tine, avocat et membre du collectif, dans Seneweb. Et Me Tine de souligner que «quand un Etat décrète une urgence sanitaire ou pour un autre motif, doit le déclarer au Comité qui devra le mettre dans le monitoring avec un organe de suivi afin d’apprécier si les mesures ne sont pas disproportionnées».

La robe noire se veut confiant : «s’il y a une plainte devant ledit comité, le Sénégal ne pourra pas invoquer l’état d’exception». «Ils ont dit qu’ils ne peuvent pas apprécier le caractère scientifique. Ce qui n’est pas conforme au droit parce qu’on s’attendait à ce le juge oblige à l’Etat de libérer la justification scientifique de la mesure». «L’avocat général (de la Cour) est venu nous parler de principe de précaution, ce qui n’existe pas en droit sénégalais», a déploré Me Abdoulaye Tine, précisant que leur objectif est «légitime».Donc ils ne vont pas rester les bras croisés.

Suite aux correspondances adressées à Amadou Ba, ministre chargé des Sénégalais de l’extérieur, et au chef de l’Etat, Macky Sall, qui sont restées sans succès, les Sénégalais de la diaspora, via leurs avocats, ont saisi, le mardi 5 mai, la haute juridiction nationale pour obtenir la levée de la mesure d’interdiction du rapatriement de corps des Sénégalais décédés du coronavirus à l’étranger. La Cour suprême disposait de 48 heures pour se prononcer sur cette démarche urgente intentée afin d’obtenir, «le plus rapidement possible, de toutes mesures propres à sauvegarder la liberté fondamentale ainsi violée, à savoir le rapatriement des corps».

MAME DIARRA FAM, DEPUTE DE LA DIASPORA «c’est inquiétant !»

« C’est seulement au Sénégal que l’on ne peut pas se servir de la justice pour avoir gain de cause ou obtenir réparation d’un préjudice de ce genre », regrette la parlementaire réputée défenseur des sénégalais de l’extérieur. La libérale décrit « une situation de désolation en premier lieu ». « La Cour suprême était bien habilitée à donner suite favorable à notre requête en référé-liberté déposée par le collectif pour le rapatriement des dépouilles des Sénégalais décédés du Covid-19 à l’étranger », espérait-elle.

Mame Diarra Fam dénonce une « situation un peu inquiétante » au niveau de la Cour suprême. « On nous dit que le président de la Cour suprême (Chambre administrative) est absent et celui qui a rendu le verdict s’est appuyé sur les référés de l’agent judiciaire de l’Etat. C’est inquiétant », juge la députée. Pour elle, les arguments donnés par la haute juridiction sont « insuffisants ». « Cette décision je la trouve favorable au gouvernement du Sénégal. C’est désolant », a-t-elle ajouté

ME ASSANE DIOMA NDIAYE, UN DES AVOCATS DU COLLECTIF «c’est une atteinte à une liberté fonadamentale»

«J’avoue que nous ne comprenons pas la démarche du juge. Parce qu’il dit, d’une part, qu’il y a urgence, qu’il y a atteinte à une liberté fondamentale mais il dit qu’on ne peut pas dire que cette atteinte est illégitime parce que, dit-il toujours, il y a un risque probable, un risque plausible. Il dit qu’il y a un controverse dans la nature de contagiosité du corps de la personne décédée, les scientifiques ne sont pas unanimes là-dessus.

En fait, le juge renvoie les parties dos à dos. Parce qu’aujourd’hui, on aurait souhaité que cette contradiction soit purgée et qu’on retrouve une nation unie, soudée. Si on nous avait opposé des arguments scientifiques, des arguments sanitaires, je pense que nos clients, la diaspora serait prête à accepter cette décision. Mais là, on nous renvoie à l’incertitude. On nous dit que le juge administratif ne peut pas apprécier un risque.

Or, même en état d’urgence, le juge administratif conserve son pouvoir d’appréciation. C’est un recours «In concreto» : il s’agit d’apprécier concrètement si un rapatriement peut causer un dommage anormal et spécial. Et là, il faut nécessairement un avis de l’Organisation mondiale de la santé (Oms). Il faut qu’on nous démontre que malgré tout le protocole funéraire, malgré tout ce que l’on a dit, emballement, désinfection des corps et autres, il faudrait qu’on nous démontra malgré tout cela qu’un risque subsisterait. Mais, quand on nous dit qu’on ne peut pas trancher et qu’au moins il faut admettre un risque plausible, on est dans ce qu’on appelle une motivation hypothétique et dubitative.

Alors que nous savons que cela n’est pas possible en droit. Nous craignons, hélas, que ceci ne mette encore de l’huile sur des rancœurs, des frustrations. On aurait souhaité que, même si les mesures n’étaient pas ordonnées, que la décision soit de nature à apaiser, à convaincre même ceux qui avaient la pleine intention de faire venir leurs corps. Nous sommes d’accord, oui au droit à la santé, nous sommes d’accord au droit à la santé. Mais si nous devons sacrifier des libertés fondamentales, comme la liberté religieuse funéraire, il faut qu’on nous démontra que l’exercice de cette liberté serait de nature à porter atteinte au droit de la santé.

Or, nous avons démontré qu’en aucun cas, si le protocole funéraire est appliqué strictement, il y a aucun risque pour les populations sénégalaises. Autre chose, on nous dit que l’enterrement des Sénégalais décédés au Sénégal ne présente pas les mêmes risques que l’enterrement des Sénégalais décédés à l’étranger. On ne comprend pas cela. Franchement, on n’est sans voix face à une telle décision.»

sudonline.sn