Au Liban réouverture des lieux de cultes en ordre dispersé

 

Après plusieurs semaines de fermeture pour cause du (ou de la) covid-19, les lieux de cultes ont obtenu du gouvernement la permission de rouvrir leurs portes. Mais à condition de respecter les mesures de précaution. Il s’agit principalement de se désinfecter à l’entrée des bâtiments et respecter les mesures de distanciation à l’intérieur. Le week-end du 9 et 10 mai certaines églises, notamment maronites, ont accueilli les fidèles pour la messe dominicale. Par mesure de prudence les autorités religieuses d’autres Églises ont maintenu la suspension des célébrations publiques, repoussant la réouverture de leurs lieux de culte à une date ultérieure. Les mosquées restent également fermées. Cette réouverture des lieux de cultes en ordre dispersé n’a pas manqué de susciter quelques interrogations et commentaires parmi les Libanais, notamment de confession chrétienne.

Dans un communiqué rendu public le Vicaire Apostolique des Églises latines écrit : « malgré la déclaration du ministre de la santé autorisant la réouverture limitée à 30% des lieux de cultes, après consultation de plusieurs médecins spécialistes, des Vicaires Généraux et des Curés de Paroisses latines, j’ai décidé de continuer la suspension des célébrations publiques dans les églises paroissiales… ». La décision du Vicaire Apostolique des Latins a créé un petit malaise parmi les fidèles. Chacun est parti de son commentaire s’imaginant une mésentente entre les évêques des différentes Églises du Liban. Il existe en effet parmi les chrétiens d’Orient pas moins de douze communautés : six Églises reconnaissant l’autorité du Pape (maronite, grecque-catholique, arménienne catholique, catholique syriaque, catholique chaldéenne, latine) ; cinq Églises ne reconnaissant pas l’autorité du Pape  (orthodoxe d’Antioche, apostolique arménienne, syriaque orthodoxe, apostolique assyrienne, copte orthodoxe) ; et les Protestants. « L’unité des chrétiens doit se manifester dans la prise de décision concertée entre les différents Pasteurs de nos églises », commente une fidèle catholique rencontrée devant l’église saint Joseph. Déçue, la dame doit regagner sa maison car l’édifice reste fermé comme toutes les autres églises des Paroisses catholiques latines.

Dans le même quartier Aschrafièh, une église maronite est parmi celles qui ont ouvert les portes aux fidèles pour la messe dominicale. En temps normal elle accueille 200 à 300 fidèles. Ce dimanche 10 mai à la messe de 11h, il y a eu à peine 30 fidèles, témoigne le prêtre qui a présidé l’office religieux. « Nous espérons retrouver l’ambiance d’avant covid » soupire-t-il.

Alors qu’approche la fin du mois de Ramadan, les Musulmans n’ont pas repris le chemin de leurs lieux de culte. Ils préfèrent observer l’évolution de la situation de la pandémie dans le pays. Car les discours des autorités médicales et politiques ne rassurent guère. Certains médecins seraient moins enthousiastes à un déconfinement même progressif. Du moins si on en croit les propos du président de l’ordre des médecins de Beyrouth, le Pr Charaf Abou Charaf, cité par la presse locale. Selon lui, le Liban risque de perdre ses acquis si la situation n’est pas contrôlée à cause d’une hausse de la contamination liée « d’une part, au nombre particulièrement élevé de rapatriés atteints de Covid-19 qui n’ont pas respecté l’obligation de quarantaine et, d’autre part, au relâchement chaotique du confinement dans différentes régions du pays » (L’orient-Le Jour).

Selon nos informations, le processus de déconfinement devrait se poursuivre avec la réouverture des écoles et universités prévue entre cette mi-mai et début juin. Les lieux publics comme les restaurants et les bars fortement impactés eux aussi sur le plan économique seront également autorisés à rouvrir. Car il est vital que la population reprenne les activités économiques, notamment le secteur informel qui concerne les chauffeurs de taxi, les salons de coiffure et le petit commerce. « En ces temps qui courent, c’est la population qui mène la cadence et le gouvernement suit », ironisent certaines mauvaises langues.

Déconfinement progressif, oui ! Mais la décision pourrait bien être remise en cause à tout moment. Car plane sur le pays la menace de cette fameuse deuxième vague de contamination avec une nouvelle augmentation des cas de contaminations locales. Comparé aux autres pays de la région du Proche et Moyen-Orient, le Liban est l’un des pays les moins touchés par la pandémie du covid-19. Au 16 mai, il enregistre 902 cas confirmés, 247 guéris et 26 décès. L’Iran, le pays le plus endeuillé de la région déplore 6.937 décès, la Turquie regrette 4.096 et l’Egypte pleure 612 morts.

P.S. : Malgré la réouverture des lieux de cultes, face à un regain record de contamination en début de semaine, le gouvernement a dû imposer depuis mercredi 13 mai 72h de confinement strict qui prend fin le lundi 18 mai à 5h.

Pierre Boubane à Beyrouth / www.tambacounda.info /