Les soignants racontent… « Notre quotidien dans les centres de traitement »

 

 

Eux, gardent toujours leur position. Ils n’ont ni été perturbés par les débats sur l’allègement des mesures restrictives, ni démobilisés par les discussions sur l’existence ou pas de la covid-19. Toujours sur la ligne de front, les soignants se sont plus fait entendre par le silence de leur travail que par leurs mots. Mais, leur quotidien dans les centres de traitement sont loin d’être une sinécure. Ils ont décidé de le partager avec nous.

«J’ai fait 38 ans de service. Mais là c’est dur.» Boli A. Niang est surveillant au Service des maladies infectieuses de Fann. Coordonnateur du personnel de soins, il est le responsable du fonctionnement et de la logistique du centre de traitement de Fann. L’homme est au cœur du combat. Le sacerdoce l’envoie au contact de la maladie chaque jour.

Le rituel matinal

Boly A. Niang

Son quotidien commence tôt le matin. Dans son centre de traitement, dès son arrivée, il y a un rituel: «Nous nous organisons dès la matinée pour faire le point sur la garde. Et partant de cela, nous attaquons la journée.» Puis, c’est parti. Dès que le ciel libère les premiers rayons du soleil, les premières tâches sont exécutées: «Le matin les infirmiers font les prélèvements, avec le kit dédié à cet effet. Puis, les échantillons sont envoyés le plus tôt possible à l’institut Pasteur.»

Ensuite, l’équipe du matin assure le relais. Celle-ci, prend les constantes des patients atteints de covid-19, distribue le petit-déjeuner aux patients et s’assure que les consignes des médecins, en ce qui concerne les traitements, soient respectées à la lettre. Elle accompagne les agents du bio nettoiement dans leur tâche. Ces derniers ont aussi en charge la désinfection des cabines.

Les tenues de combat

Mais, l’exécution du moindre acte est entourée de la plus grande précaution. En effet, ils ne vont pas aux malades atteints de covid-19 sans plonger dans leurs tenues de protection. Celles-ci sont, en quelques sortes, leurs tenues de combat: «Nous sommes soit en équipements légers, soit en équipements lourds, selon le type de soin. S’il s’agit de faire des prélèvements, nous sommes en équipement de protection individuelle. Ce sont les combinaisons toutes blanches que vous voyez.»

Mais, parallèlement, les soignants utilisent aussi des tenues légères. Celles-ci, sont constituées de gants, de surblouse, lunettes, masques, de bottes et surbottes. «Cette tenue nous permet d’aller devant le patient et de parler avec lui, de changer ses draps etc.», renseigne-t-il.

Le rapport avec les malades

Pour pouvoir remplir leur tâche avec efficacité,  Boly et son équipe installent une relation de confiance avec leurs patients. Ainsi, à chaque fois qu’il y a une sollicitation de ce dernier, ou qu’il est constaté un désagrément subi par leur malade, ils sont tenus d’intervenir.

Parfois, il arrive que le patient ait le moral en berne: «là, dès qu’on sent qu’un patient a besoin d’un renforcement psychologique, nous contactons le responsable de cet aspect qui envoie une équipe.»

Quand l’état du patient se dégrade

Malheureusement, quand les soignants constatent que l’état d’un malade s’est dégradé, là, ce sont les réanimateurs qui sont vite appelés à la rescousse: «Dans l’organisation de l’hôpital, il y a un service de réanimation qui est dédié aux cas graves. Et dès que nous constatons qu’il y a un danger qui guette un patient, nous signalons et ce sont les réanimateurs qui viennent voir si l’état du patient nécessite un transfert en réanimation.»

Tout ce travail, cette pression, au quotidien, est un poids phénoménal sur les épaules et le mental des soignants. En effet, de leur arrivée au centre de traitement à leur retour en famille, c’est une pression conséquente qui s’exerce sur eux. «Moi personnellement, je vous dis que c’est très dur. Très sincèrement. J’ai fait 38 ans de service, ma femme, mes enfants connaissent très sincèrement mon engagement. Mais c’est dur.»

«Très sincèrement,  c’est dur»

Sa consœur, Madame Marie Louise Diouf, infirmière d’état, elle, puise dans le soutien que lui apporte sa famille et les encouragements, pour faire face : «Au début c’était difficile. Il faut le reconnaître. Mais nous avons l’appui de la famille, qui est important. C’est elle qui nous encourage. Les Sms d’encouragement, les appels au quotidien nous revigorent. Ce qui dilue le stress. A l’arrivée on est stressés. Mais une fois qu’on attaque le travail cava », indique-t-elle.

La hantise de l’infection

Ce que craignent surtout ces soignants, qui font la navette entre le centre de traitement et leur domicile, c’est de ramener le virus chez eux. «Quand tu quittes l’hôpital pour aller chez toi, les proches te demandent d’être prudent. A la descente,  il faut nécessairement que tu te laves les mains avec la solution hydro alcoolique, mettre tes chaussures à bonne distance, te changer etc. Ils te font de l’eau chaude pour que tu te laves. C’est un fardeau que tu as sur toi, qui est lourd», témoigne Boly A. Niang.

Pour pouvoir vivre cette pression et les moments difficiles, ces soignants puisent aussi dans les ressources de leur formation qui les prépare psychologiquement à de pareilles circonstances. «Une fois qu’on met les pieds dans le centre, bien que le stress soit présent, grâce au fait qu’on travaille en équipe, on ne sent pas grand-chose. On a eu à vivre ces épisodes, dans le cadre de la lutte contre le choléra, contre Ébola. C’est la troisième fois qu’on assiste à pareille épidémie.»

Aujourd’hui, avec l’allègement des mesures de restriction, le travail des soignants ne risque pas de s’alléger. Une seule chose pourrait leur donner du répit : c’est que chacun observe scrupuleusement les recommandations sanitaires.

Youssouf SANE /igfm