Afrique du Sud: Obsèques de l’avocat de Mandela, George Bizos

 

Les obsèques de l’infatigable défenseur de Nelson Mandela, l’avocat George Bizos décédé la semaine dernière à l’âge de 92 ans, ont été célébrées jeudi lors d’une cérémonie solennelle devant un public réduit, Covid oblige, mais aussi de nombreux Sud-Africains devant leur télévision.

«Rares sont ceux qui sont connus par leur seul prénom, pas seulement de leur cercle intime mais bien au-delà, dans ce pays tout entier», a résumé le président sud-africain Cyril Ramaphosa, saluant le départ de cette figure historique, si familière, ce «champion des opprimés».

«Un arbre vénérable est tombé, un arbre qui offrait de l’ombre aux patriotes de cette grande nation, mais aussi aux plus pauvres et vulnérables», a encore salué le président, devant un parterre de dignitaires et la famille du mort.

Orateur exceptionnel, à la voix douce et la pugnacité rare, George Bizos est notamment célèbre pour avoir soufflé à Mandela, au procès décisif dit de Rivonia, la phrase «si besoin est» quand le leader de l’ANC se disait prêt, dans sa conclusion, à mourir pour son idéal «d’une société libre et démocratique dans laquelle tous vivraient en harmonie et avec les mêmes chances».

Afin d’éviter que le régime d’apartheid ne voie dans ses propos une incitation au martyr: Mandela et plusieurs hauts responsables de l’ANC risquaient la peine de mort.

«Madiba» fait régulièrement appel à l’avocat d’origine grecque pendant ses 27 années de prison, pour contester ses conditions de détention, les grandes et petites injustices qu’on lui inflige. «J’ai demandé à George de venir», répète-t-il dans son autobiographie.

Les deux hommes s’étaient rencontrés sur les bancs de la faculté de droit à Johannesburg dans les années 1950, avant d’exercer ensemble la profession d’avocat.

Apte et honorable

Bizos est de tous les combats, c’est l’ami fiable et l’avocat qui emploie toute son énergie et son talent pour gagner chaque bataille contre le pouvoir blanc.

Jeudi, huit hommes, six noirs et deux blancs, ont porté le cercueil longtemps en silence au début de la cérémonie. Sur l’estrade une grande photo de l’avocat à la barre, regard vif et moustache fournie, encadrée par des drapeaux de l’Afrique du Sud.

Arrivé adolescent dans ce pays avec son père en 1941, fuyant les nazis, George «connaissait la douleur de l’exil, de n’avoir ni pays ni racines», a rappelé le président Ramaphosa.

Cette expérience de vie «a influencé et nourri» son engagement, son «grand puits d’empathie». Dans ses mémoires, il racontait avoir été sidéré, à son arrivée à Johannesburg sans un sou et avec trois mots d’anglais, de constater qu’il «bénéficiait de plus de droits, en tant que réfugié européen», blanc, «que la grande majorité des Sud-Africains», noirs, a-t-il rappelé.

«George ne pouvait l’accepter». Et le régime de l’apartheid «l’a puni», en refusant pendant plus de trente ans de le naturaliser. «Il avait reçu une lettre lui expliquant qu’il n’était pas suffisamment +apte et honorable+ pour recevoir la nationalité», a raconté le président devant le cercueil recouvert du drapeau national.

M. Ramaphosa a souhaité à tous d’avoir le «courage de n’être +pas assez apte et honorable+, avant de conclure: «Madiba, ton ami de 65 ans, t’attend pour t’accueillir».

Dans un entretien récent à l’AFP, le fils de George, Damon Bizos avait brossé le portrait d’un vieux monsieur fantasque, qui jardinait en pyjama et recevait dans cette tenue ses invités d’honneur, sans se défaire de ses chaussons couverts de boue.

Il avait arrêté de travailler seulement un an avant sa mort et ce grand bavard soudain s’était tu. Son état s’était rapidement dégradé, il est mort paisiblement chez lui le 10 septembre.

(AFPE)