ENTRETIEN:FADEL BARRO, COORDINATEUR PPLAAF : « MON ENGAGEMENT AUJOURD’HUI… »

 

 

Fadel Barro s’engage dans le lancement d’alerte. Coordinateur, depuis 2017, de la Plateforme de protection des lanceurs d’alerte en Afrique, l’ancien coordinateur du mouvement Yen a marre veut être à l’avant garde du combat pour la transparence et la bonne gouvernance en Afrique et au Sénégal. Un engagement militant qui s’inscrit dans la continuité de son combat citoyen. Et si affinités, voire plus !


Vous êtes aujourd’hui coordinateur de la Pplaaf en Afrique. Qu’est-ce que c’est ?

La Plateforme de protection des lanceurs d’alerte en Afrique (Pplaaf) a été mise en place et créée en 2017 à Dakar par un groupe de bloggeurs et d’avocats de renom comme William Bourdon, Henri Shuller qui pensaient qu’il fallait estimer une protection aux lanceurs d’alerte qui sont le plus souvent le maillon faible de transmission d’information. Parce que, comme on peut le voir les journalistes sont souvent protégés, il y a aussi des mécanismes de protection pour les activistes mais ceux qui dans leur cadre de leur travail, découvrent des malversations ou des informations pouvant nuire à l’intérêt général et décident de le porter à la connaissance du public pour corriger cela, sont souvent laissés en rade. Ils sont inconnus et méconnus. Et Pplaaf a décidé de leur apporter une aide juridique, d’abord, et une protection.

Mon recrutement se justifie par le fait de vouloir vulgariser le lancement d’alerte en Afrique et surtout en Afrique francophone où c’est encore méconnu. L’idée c’est de développer le lancement d’alerte en Afrique de l’Ouest et surtout d’aider au maximum le lanceur d’alerte à trouver une protection juridique. Mais aussi, c’est d’aider à faire évoluer la législation sur la protection des lanceurs d’alerte qui est une législation très affaiblie, presque inexistante.

Au Sénégal, l’Ofnac est une manière de pousser les lanceurs d’alerte à saisir les institutions. Mais, une fois que le dossier est saisi à l’Ofnac, soit il est politisé ou on saisit le Procureur.


Vous recevez de nombreuses alertes ?

Nous sommes sollicités par beaucoup de pays africains. Nous travaillons à faire avancer la législation au Mali, au Gabon, partout. Aussi, nous cherchons à étendre la protection à la société civile, aux défenseurs des droits humains et aussi aux lanceurs d’alerte qui sont dans la chaine.


C’est qui le lanceur d’alerte ?

Le lanceur d’alerte c’est aussi un citoyen lambda qui n’est pas forcement un activiste ou un militant. Tout comme il peut être militant, activiste ou même un politique pour lutter contre la corruption, le détournement de deniers publics ou même les cupides qui utilisent leurs produits pour nuire à la société. Le lanceur d’alerte c’est tout simplement le bon citoyen.

Un lanceur d’alerte peut être même le magistrat. Et parfois il peut vous faire parvenir des dossiers qui n’arrivent pas au niveau des média. Dans ces cas, l’anomalie est corrigé en interne. Mais, il y a des cas où des lanceurs d’alerte saisissent la hiérarchie ou la justice et qu’il n’y ait pas de réaction. Et donc, l’objectif des ateliers de la presse que nous initions, c’est de renforcer des journalistes en technique d’enquête et d’investigation. Lorsque nous recevons un signalement Pplaaf ne le divulgue pas tout de suite. Nous vérifions et travaillons avec des journalistes pour faire toute l’investigation requise pour vérifier si cela est avéré avant de la porter à la connaissance du public.

L’objectif de ces ateliers de la presse c’est d’avoir des piliers en Afrique. Parce que, nous avons remarqué que l’une des faiblesses du lancement d’alerte c’est que le combat est souvent porté par des média occidentaux, comme ce fut le cas avec l’enquête de la BBC sur le scandale du pétrole ou par des hommes politiques. Et dans ce dernier cas, il finit dans un débat entre opposition et pouvoir.


Vous avez eu des cas sénégalais ?

Oui mais il y en a beaucoup qui se cachent. Parfois, on ne les connait même pas. Il dépose des courriers anonymes et ¨Pplaaf s’organise soit avec la GIABA ou l’Ofnac. Nous essayons de travailler d’abord avec les institutions désignées et si cela ne marche pas on travaille avec les journalistes. Mais aussi, il y a des alertes qui sont lancées et qui n’en sont pas. On se rend compte que cela ne remet pas en cause le fonctionnement global d’une entreprise. Mais, quand on se rend compte que c’est toute une mafia, soit de l’Etat ou d’une organisation privée pour nuire à l’intérêt général, là c’est un vrai signalement. Comme on dit, on renifle l’information d’abord.

Vous étiez coordonnateur du mouvement Yen a marre, aujourd’hui on vous retrouve dans une nouvelle posture. Qu’est-ce qui vous motive aujourd’hui}

Pplaff me réconcilie avec mes premiers amours, le journalisme, l’investigation. je suis avant tout journaliste. Donc, c’est une suite logique. C’est un engagement pour continuer à lutter contre la corruption, à me battre pour la bonne gouvernance et pour l’épanouissement des peuples africains et sénégalais. Il n’y a pas de rupture. Seulement, cette fois-ci c’est plus organisé. Mais cela ne change rien à mon militantisme. Je suis arrivé dans la presse et j’ai choisi d’être dans la presse là où on remettait en cause l’ordre établi, là où dénonçait la corruption. Ce n’est pas pour rien que j’ai rejoint la Gazette ou Le Quotidien. Ce n’est pas pour rien que j’étais dans les desks politiques.

Pour moi, c’est quelque chose qui est là, qui me dit tout le temps qu’il faut faire bouger les lignes. À l’université déjà, on m’appelait “Fadel Barro, cause noble”. Parce que, j’essayais toujours d’aider. Dans la presse aussi, j’essayais de faire les choses bien. À un moment, je me suis dit qu’il fallait mettre les pieds dans le plat et je l’ai fait dans Yen a marre. Aujourd’hui, je ne suis plus coordonnateur de Yen a marre, Pplaaf me réconcilIe avec mes vieux jours. Le Yen a marriste comme le journaliste est potentiellement en conflit avec les pouvoirs organisés. Donc, pour moi, c’est une suite. Nous essayons de nous organiser pour lutter contre la mal gouvernance, de faire en sorte d’avoir une presse plus crédible, plus outillée, plus solide et protéger ceux qui exposés . C’est cet engagement qui me mène à Pplaaf. Et peut-être demain cet engagement me mènerait dans une autre sphère et je l’assumerai.


Vous aspirez à un avenir en politique ?

Mon engagement n’est pas un engagement ponctuel ou conjoncturel. C’est un engagement continu qui s’articule sur des sujets qui se posent aux populations. Et demain, de quoi il sera fait, je l’assumerai totalement. Parce que, je suis un homme engagé et je veux l’épanouissement du peuple et je continuerai à la faire tant que je respire. C’est cela la vérité !

Propos recueillis par Lala NDIAYE