THAÏLANDE: Près de 50’000 manifestants pro-démocratie attendus à Bangkok

 

Des dizaines de milliers de jeunes vont manifester ce week-end à Bangkok pour plus de démocratie, la démission du Premier ministre Prayut Chan-o-cha, ainsi qu’une réforme de la monarchie.

Les organisateurs espèrent rassembler au moins 50’000 personnes, pour ce qui serait la plus grande manifestation depuis le coup d’État de 2014 qui a porté au pouvoir l’actuel chef du gouvernement Prayut Chan-O-Cha, légitimé depuis par des élections controversées.

Dimanche, les manifestants doivent marcher vers la Maison du gouvernement pour présenter leurs doléances.

Le mouvement, qui défile dans les rues quasi-quotidiennement depuis l’été, regroupe surtout des jeunes, étudiants et urbains. Prenant pour modèle la contestation hongkongaise, ils n’ont pas de réels dirigeants et s’appuient sur les réseaux sociaux pour relayer leurs appels. «À bas la dictature, vive la démocratie», «Prayut dehors», scandent des manifestants.

«Moderniser la monarchie»

«Arriveront-ils à rallier les classes populaires? Cette manifestation est un test», estime Christine Cabasset, chercheuse pour l’Institut de recherche sur l’Asie du Sud-Est contemporaine. Au coeur de leurs revendications, la fin du «harcèlement» des opposants politiques, la dissolution du Parlement avec la démission de Prayut Chan-O-Cha et la révision de la Constitution de 2017, rédigée du temps de la junte et jugée trop favorable à l’armée.

Une partie du mouvement va plus loin, osant se confronter à la royauté. Du jamais-vu dans le pays où, en dépit des renversements successifs de régimes (12 coups d’État depuis 1932), la monarchie restait jusqu’ici intouchable, protégée par une des plus sévères lois de lèse-majesté au monde.

«Nous luttons pour plus de démocratie», résume Panusaya Sithijirawattanakul, dit Rung, une des organisatrices du mouvement. «Notre objectif n’est pas de détruire la monarchie, mais de la moderniser, de l’adapter à notre société».

Monarque controversé

Leurs demandes n’en demeurent pas moins audacieuses: ils réclament la non-ingérence du roi dans les affaires politiques, l’abrogation de la loi sur le lèse-majesté et le retour des biens de la Couronne dans le giron de l’Etat.

Le souverain thaïlandais, bien au-delà de son statut de monarque constitutionnel, dispose d’une influence considérable qu’il exerce le plus souvent dans l’ombre. L’actuel monarque, Maha Vajiralongkorn, monté sur le trône en 2016 au décès de son père le vénéré roi Bhumibol, est une personnalité controversée.

En quelques années, il a renforcé les pouvoirs d’une monarchie déjà toute puissante en prenant notamment directement le contrôle de la fortune royale. Ses fréquents séjours en Europe, même en pleine pandémie de coronavirus, ont aussi soulevé des interrogations.

10’000 policiers déployés

Le Premier ministre a mis en garde contre ces rassemblements, brandissant la menace d’une nouvelle vague de coronavirus en Thaïlande, relativement épargnée jusqu’à présent (moins de 3’500 cas et 58 décès). Quelque 10’000 policiers ont été déployés.

Cela pourrait «détruire la confiance des investisseurs» et nuire au pays, déjà frappé de plein fouet par la crise économique liée à la pandémie, a-t-il lancé. Les manifestations, dans un royaume habitué aux contestations matées dans le sang (en 1973, 1976, 1992 et 2010), se sont pour l’instant déroulées dans le calme.

«Nous sommes pacifiques, mais il pourrait y avoir des tensions», souligne Rung. Depuis le début de la contestation, plus de 20 activistes, dont la jeune femme, ont été inculpés pour «sédition», un crime passible de sept ans de prison.

(ATS/NXP)