MARIAMA THIOR GACKOU RELÈVE LES CONTRADICTIONS DU DECRET DE MACKY

 

 

Le président de la République a, dans l’objectif de réduire les conflits fonciers très récurrents dans le pays, pris un décret relatif aux conditions d’affectation et de désaffectation des terres du domaine national. Dans ledit décret si la superficie de terre est comprise entre un et dix hectares, c’est le conseil municipal qui va délibérer et la particularité est que là, c’est au sous-préfet d’ approuver. Si la superficie est comprise entre dix et 50 hectares, c’est le préfet qui va intervenir. Et, si la superficie excède 50 hectares c’est le gouverneur.

Invitée de l’émission Lr du Temps, Mariama Gakou, juriste d’affaires déclare que ce décret est truffé de contradictions. Les charrues ont été mis avant les bœufs, semble-t-elle dire, avec concision et clarté. Pour elle, c’est bien que le président de la République ait pris un acte pour montrer aux populations qu’il est sensible et attentif aux questions foncières. Mais, précise-t-elle, juridiquement parlant, ce décret pose de véritable problème relativement à sa légalité et également à sa forme. A son avis, il y a des questions de fond et de forme qu’il faut régler. Pour les questions de forme, explique-t-elle : « le décret vient pour préciser aux autorités leurs compétentes dans l’attribution et de l’affectation de ces terres. Il dit que si la superficie est comprise entre un hectare et dix hectares, c’est le conseil municipal qui va délibérer et la particularité est que là, c’est le sous-préfet qui va approuver. Si la superficie est comprise de dix hectares à 50 hectares, c’est le préfet qui va intervenir. Si la superficie excède 50 hectares, c’est le gouverneur ». Or, clarifie la juriste : « si on regarde de près l’article 270 et 271 du Code des collectivités territoriales, le Gouverneur n’a pas pour vocation d’opérer à un contrôle de légalité. Le contrôle de légalité peut être opéré par le sous-préfet selon le territoire concerné ou le préfet. Alors que la procédure d’approbation est un contrôle à postériori ».

Ainsi, pense-t-elle, il y a une contradiction entre les prérogatives du Gouverneur sur les terres et les textes. A l’en croire, le décret ne peut pas contrecarrer une loi. Le décret, poursuit-elle, ne vient que pour compléter, mais ne peut pas venir faire abstraction à la mise en œuvre d’une loi. « Donc, ce décret est à revoir », recommande-t-elle.

Les populations peuvent attaquer ce décret

S’agissant des questions de fond, elle signale que l’article 2 du Code des collectivités territoriales a été touché mais on n’a pas modifié l’article 8 qui traite de la désaffectation. « Dans la procédure de désaffectation, il est prévu que celui qui va approuver les délibérations du conseil communal. Cela pose un problème parce qu’il y a le parallélisme des formes qui veut que lorsque c’est un gouverneur qui a approuvé une décision, que ce soit ce même gouverneur qui va approuver également la désaffectation », renseigne-t-elle.

A son avis, les populations peuvent attaquer ce décret qui, croit-elle, ne peut pas régler les problèmes fonciers. Elle propose pour résoudre les problèmes fonciers, il faut créer un cadre de concertation et de dialogue entre les différents acteurs. C’est-à-dire les paysans, les élus locaux et les autorités administratives.


« Le pouvoir régalien de l’Etat ne peut pas gérer le foncier »

« Le pouvoir régalien de l’Etat ne peut pas gérer le foncier. Le droit ce n’est que l’adaptation de nos vécus. On ne peut pas prendre des décrets qui vont à l’encontre de ce que le peuple veut. La population est là et regarde comment il y a spoliation de ses ressources. Les maires ne font que faire des attributions au détriment des populations. Ils font les délibérations de façon nébuleuses. Les terres sont données à des gens qui ont énormément d’argent parce qu’il y a des enjeux pécuniaires. Ils ont un sentiment que les gens se départagent leurs ressources. Ils n’ont aucun droit de regard sur ce qui se passe. La problématique majeure c’est que les paysans sont dans une situation de faiblesse face à de gros investisseurs qui sont là », plaide-t-elle, non sans dire que les sociétés coopératives qui seront mises en place vont être un pas en avant pour régler les spoliations foncières.

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