EDITORIAL PAR MAMADOU NDIAYE: L’ESPRIT DE RELANCE

 

L’économie de demain se conçoit aujourd’hui. Sous l’égide du Chef de l’Etat Macky Sall, le Sénégal tient ce matin un Conseil présidentiel consacré à la relance économique. L’objectif poursuivi est de « rétablir la trajectoire initiale du PSE » afin d’engager un développement endogène « porté par un secteur privé national fort. » Il ne s’agit ni d’un tournant de rigueur, ni d’un revirement de politique mais d’une impulsion nouvelle synonyme de réajustement qui place l’entreprise au cœur de la remise en ordre de notre économie malmenée par des avatars conjoncturels.

Dès lors, pas de temps à perdre puisque tout va vite, très vite même et, certains facteurs sur lesquels nous n’avons pas de maîtrise réelle peuvent nous échapper ou nous contrarier.

Dans le fonds, le PSE ne change pas. Il se rectifie toutefois. Et tente d’opérer un retour en zone en se réconciliant avec son identité originelle : être le « référentiel de la politique économique et sociale. » Il fut salué comme une œuvre d’envergure ayant associé les meilleurs esprits à un projet convergent, signe que l’humilité prenait le dessus sur l’arrogance dans une simplicité vantée et plébiscitée pour faire adhérer en majorité les Sénégalais qui transcendaient leurs clivages partisans.

Consommation, investissements et exportations se conjuguent pour asseoir durablement la croissance à des taux record. Lancé en 2014 en grandes pompes, le PSE situait l’horizon d’émergence en 2035. Le premier point de convergence fixé était l’ancrage d’un bon climat des affaires combiné à une série de réformes comme un paquet d’avantages comparatifs. Il ressortait de ce fameux document la volonté affichée de bâtir un idéal commun de liens sociaux et économiques. Le plan avait pointé la faiblesse du niveau de productivité et déniché le potentiel de croissance visant à inscrire le Sénégal sur une « nouvelle approche de développement ».

Par des ruptures appropriées, le Sénégal choisissait des voies de progrès basé sur l’expansion agricole, la maîtrise des facteurs de production, la gouvernance et « l’aspiration des Sénégalais au mieux-être. » Nul doute que le pouvoir central fera une esquisse de son périmètre d’intervention avec une claire volonté » de réduire sa voilure pour ne se consacrer qu’à ses prérogatives régaliennes. Il est vrai cependant que le chapitre du coronavirus n’est pas encore clos chez nous. Loin de là d’ailleurs. En revanche, pour sa gestion efficiente de la pandémie et la réussite de sa stratégie de riposte, le Sénégal a reçu un déluge d’éloges. Ce qui lui vaut du crédit, de la considération et du prestige.

En somme, Dakar s’est ainsi octroyée des valeurs capables de restaurer la confiance à l’égard des grandes institutions financières internationales. Le pays fait même l’objet de curiosités. Nonobstant ces acquis flatteurs, les à-coups répétitifs d’une crise lancinante de ruptures doublés d’une pandémie qui a mis à l’arrêt tout l’appareil productif ont inhibé des secteurs entiers d’activités et poussé inéluctablement nombre d’entreprises à la fermeture avec de réelles pertes d’emplois. Faute d’offres, pas de demandes. L’inverse est tout aussi vrai. Ce scénario, on le devine aisément, est pernicieux pour le marché qui devient atone.

Or l’absence de tonicité ou de vigueur dans les échanges marchands tue l’économie. Le retournement de situation incite alors le pouvoir à dévoiler ses ambitions nouvelles devant un parterre d’acteurs, d’opérateurs d’observateurs et de décideurs tous conviés à un réexamen de parcours de la politique de relance couvrant un ensemble de mesures censées tonifier l’économie sénégalaise. Pour atténuer les effets de la crise sanitaire (avec un impact économique indéniable), les pouvoirs publics envisagent de dégager d’avantage de ressources dédiées à l’élaboration d’un plan économique redimensionné.

Les milieux politiques et économiques attendus à ce Conseil présidentiel prennent-ils en compte les bouleversements de l’économie mondiale et les replis géopolitiques ? Comment sauver des emplois, après que l’Etat a porté secours aux entreprises (dans la phase cruciale de redressement). Quelles pistes de progrès vont être explorées ? Les vertus de la concurrence seront-elles disséquées, analysées et défendues, dès lors que le privé est érigé en boussole de repositionnement et de relance ?

Réintroduit après avoir été snobé par les pouvoirs publics qui gardent encore la main sur le niveau de pilotage, le secteur privé se voit ainsi adoubé. Non par coquetterie mais plutôt par nécessité impérative. Du coup sa partition doit être claire : quelle est la vraie force de frappe financière des entreprises sénégalaises ? A quoi peuvent-elles prétendre ? L’heure a sonné pour une option résolue de transformation de nos produits bruts. Comme préalable à cette dynamique, il faut, en amont, accentuer les formations qualifiantes susceptibles, en aval, de donner au marché des ressources humaines de qualité.

En d’autres termes, ces entreprises sont-elles à mesure de préconiser une meilleure politique industrielle ? Ont-elles des aptitudes à relever les défis de croissance ? Quelles sont leurs limites objectives d’investissements ? La persistance de la crise sanitaire a mis en lumière le profond malaise qui perturbe notre économie et notre société à la fois.

Le Gouvernement, par le biais du Conseil présidentiel, tente d’y répondre en étant cette fois plus à l’écoute des acteurs de notre économie. Nous ne pouvons plus nier le secteur informel qui, faut-il le répéter, n’a pas disparu en dépit des stratégies d’inclusion tentées. Néanmoins, le chaos tant redouté s’éloigne.

De nos jours les priorités sont inversées. La sécurité et la sûreté constituent désormais des sujets prioritaires de préoccupation dans une région secouée par les tourmentes révolutionnaires sur fond d’immobilismes politiques, une instabilité chronique et une inquiétude grandissante des partenaires techniques et financiers soucieux de préserver les acquis de leur coopération. Pour récurrente que soit cette interrogation, elle n’en est pas moins actuelle à un moment où s’observe une contraction des investissements directs étrangers (IDE). Ceux-ci fléchissent nettement.

Autant dire qu’un grand écart se creuse entre pays émetteurs et récepteurs des fonds d’investissement. Si bien que le salut du Sénégal réside dans son orgueil, à l’instar d’autres pays attachés à cette vertu, pour passer de l’indolence à l’entrain, sinon à la vivacité dans l’optique de retrouver de la hauteur.

La rencontre de ce mardi se fonde sur un esprit de références convergentes : l’émergence comme socle, un leadership opérant, une influence cohérente, une cohésion des territoires placée sous un aménagement structurant qui chasse toute intention velléitaire.

Le Conseil présidentiel peut servir de catharsis pour mettre à nu les maux qui assaillent le Sénégal : hypertrophie économique de Dakar, désert industriel dans les régions, déséquilibre infrastructurel, taxes et impôts à profusion, prélèvements obligatoires, poids écrasant de la fiscalité sur les entreprises qui démarrent. La liberté d’entreprendre est consacrée. En accentuant la perspective, notre pays peut se ressaisir et concilier quête de sens et sens des affaires.

Mamadou NDIAYE