Vidéo d’un jeune villageois au Président Macky Sall

 

 

 

C’est un message autobiographique émouvant que nous livre le jeune Bangaly SAO sur Youtube. 

Un message comme auraient pu en écrire des milliers d’autres élèves. Un message résonnant comme un SOS lancé aux gouvernants et plus précisément à l’endroit du 1er magistrat de l’Etat, pour témoigner du désespoir réel d’une jeunesse désabusée. D’une jeunesse qui ne sait plus à quel « Saint » se vouer. 

Une jeunesse qui a fait le choix, ou le non choix entre étudier ou voyager. Une jeunesse qui n’en peut plus de vivoter, de croupir dans la pauvreté. Dans un pays qui ne lui offre pas les conditions de construire un avenir digne.

Bangaly est issu d’un village de la région de Tambacounda. Un village de la commune de MakaColibantang. Un village fier, religieux où la tradition est encore préservée. Un village marqué comme tant d’autres ces 30 dernières années par la rareté des pluies, la désertification, une malnutrition chronique, et le départ obligé des papas vers les chemins de l’émigration. Pour le meilleur parfois. Pour le pire et le moins bon le plus souvent dans une Europe en crise économique et politique qui ne leur tend pas les bras. Une Europe séparée par une mer maudite qui prend les enfants dans des radeaux d’infortune.

Le village de Bangaly, électrifié depuis 2001, doté d’un réseau 3G, mais toujours privé d’une eau potable digne de ce nom. Un village pourvu d’un collège provisoire en paille depuis 10 ans et d’un nouveau collège mort-né avant même d’avoir été terminé, la faute sans doute à unième détournement d’argent ou d’une mauvaise gestion quelque part du côté de Tamba. Un village enclavé où malgré les sourires et l’envie, on survit davantage qu’on vit, où l’on meurt à l’accouchement ou d’une maladie qui ne sera jamais diagnostiquée. Un village érigé en commune il y a quelques années, mais où le conseil municipal est comme le collège, mort-né. Et où les politiciens qui se sont succédé, venant de la Ville, n’ont rien fait, sauf à distribuer les billets avant de voter. 

Pourtant, il y a une vingtaine d’années, des hommes et des femmes se sont mobilisés pour agir ensemble pour le bien du village. Une case de santé est née, gérée par les villageois. L’école a bénéficié d’un soutien de partenaires. Les enfants y ont cru, sublimés par une équipe enseignante motivée. 

Ces enfants ont grandi. Malgré la difficulté des parcours et des examens, ils ont obtenu leur CFEE, leur BFEM, puis leur BAC. Ils sont partis à Dakar ou à St-Louis pour les plus brillants. Avec toujours autant de sacrifices pour des petits villageois sans ressources, ni de familles pour les soutenir. Et ils ont obtenu des  diplômes dont leurs parents analphabètes n’avaient jamais entendu parler. Certains sont rentrés à l’ENA ou à l’école Polytechnique, d’autres en faculté de pharmacie. D’autres sont devenus infirmiers ou officiers. D’autres ont décoché des Master 1 et des Master 2 en Droit, anglais, gestion…

D’autres comme Bangaly après avoir décroché leur bac ont eu seulement le droit à l’université virtuelle avec la dotation d’un ordinateur portable relié à un réseau internet aussi virtuel que la pluie en janvier dans la région.

Aujourd’hui, beaucoup de ces étudiants qui ont fait le choix honorable des études, pleurent. Ils pleurent car les diplômes sont là comme des morceaux de papier  qui jaunissent dans une valise. Mais l’emploi n’est pas là. Pour les plus chanceux des stages. Pour les autres, le retour au village. La honte, la peur de sortir de la case pour éviter de croiser les regards ou les questions des parents ou des voisins. Un grand sentiment de culpabilité et de gâchis. Les plus jeunes, à l’école primaire ou au collège, regardent leurs grand frères “revenir de la chasse sans gibier”. On leur avait dit : «  Regarde ton grand-frère, il étudie. C’est bon. Il faut faire comme lui. Plus tard il sera riche et nous sortira de la pauvreté.”

Aujourd’hui, les petits frères regardent les yeux de leurs grands frères qui ont perdu l’espoir. L’Inch’Allah n’y est plus. 

Avant hier, 150 jeunes hommes et femmes sont morts en mer. Demain ce seront d’autres. Ainsi va la vie. Pendant ce temps-là, les politiciens se querellent pour savoir qui mangera la plus grosse part du gâteau. 

Macky, écoutez Bangaly. Imaginez Mamadou, Lamine, Fonsa, Keba, Sekou, Fodé, Ibrahima, Kemo, Kalilou, Sidiky, Pape, Yaya, Mamadi, El Hadji. Ils ont tous fait le même rêve. Ils ont tous fait les mêmes sacrifices. Mais ils sont seuls à les partager. Aujourd’hui, Ils se sentent plus que jamais abandonnés. 

Bruno Sotin Briand/