
«Nous nous mobilisons pour réclamer le respect de nos vies et l’application des accords de paix avant un (…) génocide des signataires», a déclaré à l’AFP la sénatrice Victoria Sandino, qui occupe l’un des dix sièges parlementaires octroyés aux anciens rebelles dans le cadre du pacte signé en novembre 2016. La Force alternative révolutionnaire commune (Farc), nom du parti issu de l’ex-guérilla marxiste, avait lancé le 21 octobre ce «pèlerinage pour la vie et pour la paix» à Mesetas (Meta, sud), après l’assassinat de deux anciens combattants, tués par balles le 16 du même mois dans cette région. Deux autres ont été assassinés le 24 octobre, des faits que Rodrigo Granda, l’un des négociateurs de l’accord et dirigeant du parti, a qualifié de «coup bas contre la paix».
Tambours et sifflets
Au son des tambours et des sifflets, les ex-guérilleros se sont rassemblés sur la place Bolivar, centre historique de Bogotá, où ils ont été rejoints par deux cortèges venus d’autres régions pour exiger de rencontrer le président Iván Duque.
«Duque, nous n’avons pas signé la paix pour être assassinés», pouvait-on lire sur des pancartes. «Nous demandons que le président nous reçoive afin de parler des enjeux auxquels est confronté l’État colombien pour garantir la vie de ses citoyens», a précisé Pastor Alape, ex-commandant guérillero et dirigeant du parti Farc.
Le conservateur Iván Duque a été élu en 2018 en promettant notamment de modifier l’accord de paix, qu’il juge trop laxiste envers les crimes graves de l’ex-guérilla. Mais son initiative a été rejetée par le parlement.
Reprise des manifestations
Selon la Farc, 236 ex-guérilleros ont été assassinés depuis la signature de l’accord, qui prévoit des peines alternatives à la prison pour ceux qui avouent leurs crimes et dédommagent les victimes. Pour Pastor Alape, ces assassinats sont le fruit de «l’intolérance» des «discours de membres du gouvernement, du président lui-même» et «il y a une responsabilité de l’État».
La marche de la Farc coïncide avec la reprise des manifestations contre le gouvernement, après une pause imposée par la pandémie de Covid-19. Au cours des dernières semaines, syndicats, professeurs, étudiants et indigènes ont protesté contre le chef de l’État, désapprouvé à 61%, selon un récent sondage.
La Colombie est confrontée à un regain de violence, marqué par 70 massacres – assassinats d’au moins trois personnes à la fois – cette année, selon l’observatoire indépendant Indepaz. Le gouvernement estime que la plupart sont dus aux groupes armés se disputant le contrôle du trafic de cocaïne, dans ce pays miné par un conflit de près de six décennies qui a fait plus de neuf millions de victimes (morts, disparus et déplacés).