
Le vaste projet du président américain visant à séparer les États-Unis du Mexique progresse au rythme de 120 mètres par jour. Bien que les ouvriers travaillent 24 heures sur 24, la construction risque de ne pas être achevée avant la fin de son mandat.
Progressant au rythme d’une centaine de mètres par jour, le «mur de Trump» qui sépare les États-Unis du Mexique ressemble encore à une passoire loin de dissuader les migrants. Il sera très loin de recouvrir la zone prévue à la fin du mandat du président américain sortant.
À voir la douzaine d’ouvriers qui travaillent jour et nuit à Puerta Palomas, au milieu des 3142 km de frontière, il semble difficile de croire qu’aboutira le projet tonitruant du président républicain qui doit quitter la Maison-Blanche dans 45 jours. D’autant que son successeur démocrate Joe Biden a fait savoir que s’il ne démolira pas ce qui a été érigé, il ne poursuivra pas les travaux.
«Nous avançons de 120 mètres chaque jour. On ne nous a pas dit d’arrêter. Avec tout ce qui a déjà été dépensé, comment peut-on laisser ce travail inachevé?» s’étonne un ouvrier avant d’être contraint de se taire par son contremaître.
Promesse non tenue
Une grue déplace une grille d’acier qui est ensuite déposée dans une étroite tranchée de 2,4 mètres de profondeur. Prochaine étape: la pose d’énormes barres d’acier de près de dix mètres de haut qui sera effectuée par la prochaine équipe.
Le segment de Puerto Palomas fait partie d’une section de 92 kilomètres de mur dans le secteur d’El Paso, au Texas, plaque tournante de nombreux migrants, selon le CBP.
De facto, sous la présidence Trump, 661,4 km de mur ont été érigés sur les 1187,7 km initialement prévus, selon des données du CBP. Sa promesse électorale de fortifier la frontière sud des États-Unis est donc loin d’avoir été tenue.
Et seuls 94,8 kilomètres de mur ont été édifiés sur une portion de frontière entièrement ouverte. La plus grande partie des autres segments a été renforcée. Coût total: 14,9 milliards de dollars (environ 13,3 milliards de francs).
Rêves brisés de Terre Promise
La hauteur du mur ne dissuade cependant pas les migrants bien que beaucoup aient vu leurs rêves de passer aux États-Unis s’effondrer à cause de lui.
«J’ai vu ici des hommes se briser le crâne, les bras, les jambes. Certains sont aujourd’hui en fauteuil roulant, gravement handicapés à cause du mur. Il y en a beaucoup», confie Alejandro Calderon, un migrant cubain de 55 ans.
Cet homme a été contraint de rester au Mexique en raison des restrictions imposées par la pandémie et gère un refuge pour migrants. Pour lui, le désespoir peut inciter ceux qui fuient la pauvreté ou la violence dans leur pays à escalader la structure géante et sauter dans le vide pour s’écraser en «Terre Promise».
«Ils sont renvoyés ici et comme nous n’avons pas de médecins, nous devons leur donner les premiers soins. C’est notre devoir», dit le Cubain, ingénieur de profession.
Avec Biden, l’espoir
Domingo Barahona, un Guatémaltèque de 45 ans, a échoué lors de deux tentatives d’entrée aux États-Unis. Momentanément logé à Puerto Palomas, il va faire un troisième essai.
Il y a quelques jours, il a vu deux autres immigrants sans papiers dont les os de la jambe étaient exposés par une déchirure, après s’être jetés par-dessus la barrière.
«Ils n’ont même pas eu droit à une aspirine», s’insurge-t-il. «Ils arrivent à grimper, ils mettent un harnais, mais pour redescendre, il faut s’attacher», dit Barahona qui n’exclut pas de sauter.
L’homme pleure en se souvenant de son fils de 12 ans, qui l’attend à la maison, et du meurtre de son frère, un policier victime d’une vengeance de la part de «gens méchants», selon lui. Lui-même menacé de mort, Barahona voit les États-Unis comme sa seule option.
Joe Biden «semble être une personne humaine, non pas que Trump ne le soit pas, mais il ne nous aime pas», estime de son côté Elienai Lopes, un Brésilien de 27 ans qui a tenté à quatre reprises de traverser la frontière. «Nous avons beaucoup d’espoir», souffle-t-il.