
Après les Émirats arabes unis, Bahreïn et le Soudan, le Maroc reconnaît, à son tour, l’existence de l’État hébreu. Une délégation américano-israélienne a atterri, mardi 22 décembre à Rabat, la capitale du Maroc pour officialiser l’accord de normalisation des relations diplomatiques entre le Maroc et Israël. Ont assisté à la cérémonie officielle le roi Mohamed VI, le conseiller à la sécurité nationale d’Israël Meir Ben-Shabbat et le conseiller principal américain Jared Kushner. Serait-ce la victoire des intérêts économiques sur l’idéologie culturelle et confessionnelle ?
Efficacité de la diplomatie américaine ou crise au sein de la ligue arabe ? Le constat est que les pays arabes n’arrivent plus à être unanimes sur la voie à adopter dans le soutien qu’ils apportent aux Palestiniens dans le conflit de territoire qui les oppose à Israël. En 1948 l’État hébreu fut créé. Depuis lors, les Nations arabes le dénoncent. Les dirigeants de ces pays refusent de reconnaître l’existence de l’État d’Israël. Aujourd’hui l’union sacrée autour de la cause palestinienne est mise à rude épreuve. Par lassitude ou simple nouvelle stratégie diplomatique, en tout état de cause certains pays arabes semblent privilégier leurs intérêts nationaux par-dessus tout. Le Maroc est ainsi le quatrième pays à décider de se lier d’amitiés diplomatiques avec l’ennemi commun, qu’est Israël. « Cet accord est une consécration pour la stabilité régionale », se justifie le ministre marocain des Affaires étrangères, Nasser Bourita sur le média israélien, i24NEWS. Il indique que son pays, le Maroc avait entamé les pourparlers avec l’État hébreu en 2018. Toujours selon le chef de la diplomatie marocaine le « principal visionnaire dans la promotion de la reprise historique des liens avec Jérusalem était le roi Mohammed VI ». Sa Majesté s’est « entretenue avec le président américain et a envoyé des délégations aux États-Unis en mai 2018 ». L’officiel marocain estime que la « défense de la cause palestinienne n’est pas incompatible avec des relations normales avec Israël ». De fait, les relations commerciales et même entre services de renseignement du Maroc et d’Israël auraient toujours existé. Les porteurs de passeport israélien sont acceptés sur le territoire du Maroc depuis des décennies.
En contrepartie de ce geste diplomatique, le Maroc obtient la reconnaissance américaine de la «marocanité » du Sahara occidental. L’administration Trump a reconnu la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental, ancienne colonie espagnole, peuplée de 500.000 habitants. C’est un territoire riche en phosphates et aux eaux poissonneuses. Le Sahara occidental est le dernier territoire de l’Afrique postcoloniale dont le statut n’est toujours pas réglé. Le Front Polisario, mouvement indépendantiste sahraoui soutenu par l’Algérie a, lui, dénoncé la décision du président américain. L’ONU ne reconnaît pas la souveraineté du Maroc et préconise un référendum d’autodétermination. L’Union africaine n’est presque jamais consultée dans ces grandes manœuvres diplomatiques. Elle a, une fois de plus, constaté sans doute de loin, ce qui se joue pourtant dans la partie nord de son continent. À Rabat, la décision des autorités marocaines aurait « suscité autant d’embarras que de silence dans la majorité de la classe politique », renseigne Orient21.com, un journal en ligne spécialisé dans l’information au Proche Orient et au Maghreb. Par crainte de possibles réactions, les manifestations de rues hostiles à cette normalisation auraient été interdites dans la capitale marocaine, selon cette même source.
Après le Maroc qui sera le cinquième pays arabe à reconnaître l’existence d’Israël ? Le sultanat d’Oman, qui avait reçu le Premier ministre israélien en 2019, pourrait être le prochain pays, estiment certains éditorialistes de la presse arabe. Bien sûr, en attendant le « gros morceau», l’Arabie saoudite en raison de son leadership moral et religieux. Le Premier ministre israélien aurait effectué une visite secrète dans ce pays. Une information démentie officiellement par Riyad. Les Américains ne désespèrent pas pour autant de voir l’Arabie saoudite normaliser ses relations avec Israël. Jared Kushner, l’architecte de cette diplomatie de rapprochement entre pays arabes et Israël estime que cette issue serait « inéluctable ». Clairement avec le cas du Maroc et des trois premiers autres pays qui ont renoué avec Israël, c’est les intérêts économiques qui ont primé sur l’idéologie culturelle, linguistique et confessionnelle. La nouvelle administration américaine qui s’installera à la Maison Blanche s’inscrira-t-elle dans la même dynamique diplomatique ? La réponse est à attendre à partir de janvier 2021, lorsque le président américain élu, Joe Biden prêtera serment.
Pierre BOUBANE, à Beyrouth pour Tambacounda.info /