La nouvelle vie des ex de Macky

 

 

Plus de deux mois après leur limogeage du gouvernement, L’Observateur a cherché à savoir à quoi consiste la nouvelle vie des anciens pontes du régime de Macky Sall. Aly Ngouille Ndiaye, Amadou Bâ, Oumar Youm, Mouhamadou Makhtar Cissé, Maxime Jean Simon Ndiaye… Tour d’horizon des nouvelles activités de ces ex-ministres de la République.

Dans la gestion du Pouvoir, il y a une vie d’avant et une vie d’après. Pour les membres du gouvernement, il y a la phase d’appréhension du «job de ministre», l’incarnation du poste et puis le gros passage à vide. Quand, après un long séjour aux affaires, on se fait limoger de son poste de ministre. Comme ce fut le cas  le dimanche 1er novembre 2019, lors du dernier remaniement ministériel qui a consacré le départ de certains piliers du régime de Macky Sall, dont Aly Ngouille Ndiaye, ministre de l’Intérieur, Amadou Bâ, ministre des Affaires étrangères, Oumar Youm, ministre des Transports, Mouhamadou Makhtar Cissé, ministre du Pétrole et des Energies, Maxime Jean Simon Ndiaye, ministre Secrétaire général du gouvernement etc. Après avoir connu les ors du pouvoir, ils ont tous été remerciés par le chef de l’Etat. Que sont devenus ces anciens ministres de Macky Sall, plus de deux mois après leur limogeage, surtout qu’aucun d’entre eux n’a fait de déclaration publique depuis leur départ du gouvernement. Tour d’horizon des nouvelles activités de ces membres du Conseil des ministres.

Aly Ngouille Ndiaye : «Je suis dans mes champs»

Ministre de l’Énergie et des Mines dans le premier gouvernement de Macky Sall, dirigé par Abdoul Mbaye, puis ministre de l’industrie et des mines, avant d’atterrir en septembre 2017 au poste clé de ministre de l’Intérieur et de la sécurité publique, Aly Ngouille Ndiaye a rejoint ses champs dans son Djolof natal. «Je suis maintenant hors du gouvernement, donc je suis dans mes champs. Je suis entre Linguère et Dakar. Je gère mes affaires personnelles», explique-t-il au téléphone. Loin du confort de son douillet bureau à la place de Washington de Dakar. Entre la terre et l’homme de Linguère, c’est une longue et belle histoire d’amour. Sur sa page Facebook, Aly Ngouille Ndiaye ne rate jamais l’occasion d’exhiber ses récoltes. Celles de cette année lui ont donné du baume au cœur. «Alhamdoulilah ! Nous rendons grâce à Dieu qui nous a gratifié cette année d’un bon hivernage. Nos récoltes ont été fructueuses aussi bien pour l’arachide que pour le maïs», poste-t-il fièrement. A côté de ses fonctions de ministre, Aly Ngouille Ndiaye s’occupait aussi de sa mairie à Linguère, poste qu’il a gagné à l’issue des Locales de 2014. «Je poursuis mes activités. Je gère ma mairie de Linguère. Je  préside les conseils municipaux», ajoute-t-il. D’ailleurs, Aly Ngouille Ndiaye tient son budget 2021 depuis le 21 décembre 2020, après avoir présidé, à la salle de délibération de l’Hôtel de ville, l’examen du projet de budget de l’année 2021. Et les conseillers ont voté à l’unanimité le projet de budget qui s’élève à 482 870 448 F Cfa. A 56 ans, allié incontournable du Président Macky Sall, son retour au premier plan politique est-il à l’ordre du jour ? «Pour l’instant, je me repose et je profite de ma famille.» Jusqu’à quand ?

Oumar Youm : «Nous rattrapons le temps perdu»
La confiance placée en lui par le chef de l’Etat, Macky Sall l’a propulsé au poste stratégique de directeur de Cabinet de chef de l’Etat. C’était le 22 juin 2015, Oumar Youm remplaçait à ce poste Mouhamadou Makhtar Cissé. Ministre de l’Aménagement, du Territoire et des Collectivités locales, puis ministre de la Gouvernance locale, du Développement et de l’Aménagement du territoire et porte-parole du gouvernement, il termine ses fonctions de ministre au département des transports terrestres, des infrastructures et du désenclavement, le 1er novembre dernier. Depuis, Oumar Youm s’est fait discret. «Nous vivons au calme», rigole-t-il au téléphone. Avant de poursuivre : «Nous rattrapons le temps perdu avec la famille et même par rapport à la religion. J’ai plus de temps pour la famille et la commune.» Maire de la commune de Thiadiaye depuis 2014, le responsable de l’Alliance pour la république (Apr) a repris les rênes de sa mairie. Il préside les conseils municipaux et donne les grandes orientations. En début décembre, il a effectué une visite de chantier de la nouvelle permanence Apr Mbour. Avocat à la Cour inscrit au tableau de l’Ordre des Avocats de Dakar, Oumar Youm, 53 ans, ne semble pas pour autant avoir la nostalgie des prétoires. «Je ne suis pas encore retourné au cabinet. Je me repose.» C’est clair.

Mouhamadou Makhtar Cissé et Maxime Jean Simon Ndiaye toujours au Palais

C’est un retour à la case départ. Après leur limogeage du gouvernement, Mouhamadou Makhtar Cissé et Maxime Jean Simon Ndiaye sont retournés à l’Inspection générale d’Etat (Ige). Ministre délégué chargé du Budget dans le gouvernement d’Aminata Touré, Mouhamadou Makhtar Cissé a été  directeur de cabinet du chef de l’Etat, ministre de l’Energie, directeur de la Senelec, ministre du Pétrole et des Énergies jusqu’à son limogeage. Membre de ce corps d’élite de contrôle, l’ancien enfant de troupe n’a pas perdu de temps après avoir quitté le gouvernement pour retourner dans sa famille naturelle. Tout comme Maxime Jean Simon Ndiaye. Ce dernier a été secrétaire général de la résidence de la République, ministre secrétaire général du gouvernement. Avec leur retour, il ne devrait pas se poser de problèmes, selon un inspecteur général d’Etat à la retraite. «C’est leur corps d’origine. Ils étaient à l’Ige avant d’être ministres, c’est normal après leur limogeage, qu’ils reviennent à leur corps d’origine. Ils sont comme tous les autres Ige. On leur donne des dossiers et ils continuent leur travail comme tout bon Ige. Il n’y a pas de dossiers tabous pour eux. C’est dans l’ordre normal des choses de revenir à l’Ige pour continuer leur carrière.» Les Inspecteurs généraux sont interdits de faire de la politique, sauf s’ils sont en détachement. L’article 18 du texte qui régit la fonction des Inspecteurs généraux d’Etat stipule : «Il est interdit aux inspecteurs généraux d’Etat en activité, d’appartenir à un syndicat ou à un parti politique et de façon générale, d’exercer des activités incompatibles avec leur statut.» Une interdiction qui ne s’étend pas aux inspecteurs généraux d’Etat mis en position de détachement ou de disponibilité pour exercer des fonctions autres que celles pour lesquelles ils ont été recrutés. Ce qui justifie le retour de Mouhamadou Makhtar Cissé et Maxime Jean Simon Ndiaye à l’Inspection général d’Etat.

Amadou Bâ, l’(im)possible retour aux Impôts et Domaines

De tous les ministres, il semble le plus discret pour un homme politique. Ministre de l’Économie et des Finances, puis ministre des Affaires étrangères dans les différents gouvernements de Macky Sall, Amadou Bâ n’a presque plus donné de nouvelles depuis son limogeage. Si ce n’est son apparition à la première réunion de secrétariat exécutif national de l’Alliance pour la république (Apr), qui a suivi la formation du nouveau gouvernement, Amadou Bâ s’est contenté sur sa page Facebook, de présenter des vœux aux Sénégalais pour Noël et pour le nouvel an. De présenter ses condoléances suite au décès d’illustres fils de la Nation. Inspecteur principal des Impôts et des Domaines, il y a gravi des échelons jusqu’à en devenir le directeur. En tant que fonctionnaire de l’Etat, l’ancien ministre pourrait-il retourner aux Impôts et Domaines jusqu’à la retraite. «Moralement, il ne peut pas retourner là-bas. Il ne peut pas aller se faire diriger par quelqu’un qu’il a dirigé en tant que directeur des impôts, en tant que ministre des Finances. C’est une question de convenance», explique un spécialiste de l’administration publique. Il poursuit : «Ce serait gênant, encore que dans certains pays, ça peut se retrouver, mais c’est des cas exceptionnels. C’est une question de commodité, de bienséance. Ce serait inconvenant qu’il y retourne. Pour Makhtar Cissé, c’est un fonctionnaire de l’Ige, il était en détachement, de même que Maxime, pour aller servir ailleurs. Ils sont retournés dans leur corps d’origine parce qu’ils ne sont pas à la retraite. Mais pour Amadou Bâ, ce serait inconvenant qu’il retourne aux impôts et domaines. Lui-même ne l’aurait pas accepté.»

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